Cet article fait partie des archives en ligne du HuffPost Québec, qui a fermé ses portes en 2021.

Légalisation du cannabis: on est en train de se faire passer un sapin

Si la ministre Ambrose avait cessé de voir les usagers de cannabis comme de vulgaires criminels, une vente légalisée de manière contrôlée au Canada aurait rapporté 831 millions de dollars par année en taxes seulement pour le Canada ou 192 millions de dollars nets par année pour le Québec!
This post was published on the now-closed HuffPost Contributor platform. Contributors control their own work and posted freely to our site. If you need to flag this entry as abusive, send us an email.

La semaine dernière, dans ce qui aurait pu être davantage un dossier sur l'urgence de légaliser le cannabis au pays, le journal La Presse a préféré tomber royalement dans le piège alarmiste réformiste de Rona Ambrose, ministre de la Santé du Canada.

Il faut se rappeler que la ministre, inspirée de la loi et l'ordre, et députée d'Edmonton-Spruce Grove - dans les steppes imbibées de pétrole de son Alberta natale et celui de son premier ministre Stephen Harper - est plutôt connue jusqu'ici pour avoir remis en question le protocole de Kyoto et pour avoir classé la Cathédrale Marie-Reine du-Monde de Montréal en tant que monument mondial de l'UNESCO quand elle était ministre du Patrimoine.

Ainsi, et sans la moindre nuance, l'article de Marie-Claude Malboeuf racontait l'histoire de ce jeune de Laval emmené à l'urgence d'un hôpital à la suite d'une psychose et ce, après avoir fumé son premier joint, lors d'un feu de camp entre amis. Heureusement, sombrer dans une psychose dès le premier joint relève de la malchance.

Article vedette du jour, avec en prime des sous-titres chocs comme « Attachés sur leur lit » ou « Le diable dans sa chambre », l'article catastrophe l'était beaucoup moins cependant pour rappeler que « chaque personne a son seuil de tolérance, et il est très bas pour certaines », comme le précisait le Dr Chamberland de l'Institut Philippe-Pinel. Ou encore, « S'il y a plus de complications aujourd'hui, c'est parce que le système prend plus les patients en charge », selon une déclaration cette fois du Dr Jutras-Aswad du CHUM. Ou bien ce commentaire tout à fait approprié du professeur Jean-Sébastien Fallu, du département de psychoéducation de l'Université de Montréal qui rappelait « ...que la consommation d'alcool combinée à la consommation de cannabis peut augmenter les problèmes ».

Oui le cannabis est un véritable problème de santé publique.

Le Canada arrive en effet au premier rang mondial parmi 30 pays au monde où 29 % d'enfants de 11,13 et 15 ans ont rapporté avoir fumé du cannabis l'an passé. Mais ce n'est surtout pas en criminalisant toujours plus jeunes et moins jeunes usagers, comme l'ont fait sans cesse les conservateurs depuis 10 ans, que l'on solutionnera le problème. Surtout que le cannabis n'est pas une drogue de passerelle pour les jeunes vers des drogues plus dures : l'alcool et la nicotine des cigarettes le sont davantage comme le révélait, en janvier, la plus récente étude du Dr Paul Hayes, professeur sur la politique des drogues au London School of Hygiene and Tropical Medecine en Angleterre.

En plus, la lutte à la drogue est reconnue par 31 des 33 chefs d'État des Amériques (sauf MM. Harper et Obama, dont le dernier a changé depuis totalement d'avis sur le sujet) comme un véritable échec depuis le Sommet de Carthagène de 2012. Ainsi, c'est plutôt en légalisant pour une meilleure qualité que l'on déstabilisera carrément ceux qui la produisent, soit les bandes de motards et les différentes mafias qui y ajoutent bon an mal an d'innombrables produits chimiques voire même des antidépresseurs.

Ainsi, trois jours seulement après cet article de La Presse, la ministre Ambrose poursuivait son offensive anti prohibitionniste en révélant au Huffington Post Canada que si ce n'était d'elle, il n'y aurait plus de permis (offerts depuis peu par son ministère) pour produire du cannabis aux fins médicales. Parce qu'il faut se souvenir que l'affaire est devant les tribunaux qui ont accordé une injonction l'an passé. Elle souhaite même des pressions du public pour des changements, sans mentionner de quel ordre, bien sûr!

Elle dit avoir les mains liées devant la tendance croissance de la culture et de la récolte de la marijuana dans des résidences du pays. Elle omet toutefois de mentionner que le gigantesque stratagème est particulièrement celui du crime organisé, spécialement de groupes criminels asiatiques - un trafic toujours illégal, qui entraine évidemment des abus et des problèmes tels la moisissure et des incendies dans des maisons. Il y avait ce feu survenu cette semaine encore en plein cœur d'un quartier résidentiel de Varennes en Montérégie, sinon déjà dans les usines à pot de Brossard dans le comté du Dr Gaétan Barrette, ministre québécois de la Santé et des Services sociaux. La ministre Ambrose ne mentionne aucunement que ces récoltes mafieuses sont un problème de santé publique porté d'abord par des jeunes sans être cartés dans des cours d'école, alors que seule une légalisation et étatisation de qualité contrôlée permettrait manifestement de contrecarrer le petit joint 470 % plus puissant qu'il y a 20 ans mais toujours illicite.

Pourtant, sans être questionné le moindrement en Chambre par les quatre partis d'opposition, le gouvernement conservateur a dépensé plus de 7 millions de dollars sur une campagne de publicité de 10 semaines de lutte contre la drogue et les stupéfiants. C'est pourtant plus d'argent que Santé Canada en a dépensé dans tous ses programmes publicitaires et services combinés comparativement à l'exercice précédent de 2013-14!

L'an 1 de la légalisation au Colorado pourrait représenter beaucoup pour le Québec.

Durant ce temps, Ricardo Baca, rédacteur en chef du blogue spécialisé The Cannabist, un ex-critique musical et éditeur divertissement durant 12 ans au quotidien Denver Post, dressait récemment un premier bilan économique 2014 de la légalisation du cannabis au Colorado, soit 700 millions de dollars de vente pour le pot médical et récréatif. Pour ceux et celles qui aiment les chiffres exacts, ceux du moins fournis par le ministère du revenu du Colorado, c'est 699 198 805 $ en ventes totales, dont 76 millions de dollars en recettes, taxes et redevances pour l'état américain de 3,2 millions d'habitants.

Si la ministre Ambrose, députée depuis 10 ans, avait cessé de voir les usagers de cannabis comme de vulgaires criminels, une vente légalisée de manière contrôlée au Canada (dans les SAQ ou en pharmacies au Québec en 2014) soutirée de surcroit des mains de la mafia, des Hells et des gangs de rue à leur solde - avec ou sans cravates, emprisonnés, avec ou sans cellulaire - aurait rapporté 831 millions de dollars par année en taxes seulement pour le Canada ou 192 millions de dollars nets par année pour le Québec! Bien sûr, il faut réduire les revenus de tout buzz d'une première année de nouveauté, mais tout de même!

192 millions chaque année pour les Québécois, c'est le coût réel de la hausse des frais de scolarité demandé il y a deux ans aux étudiants des CEGEP et universités. C'est aussi l'équivalent de la hausse de tarifs de 2,9 % demandé en 2013 par Hydro-Québec ou encore le cadeau fiscal des contribuables Québécois offert aux riches compagnies pharmaceutiques étrangères multinationales - celles qui, avec les pétrolières, possèdent les lobbies les plus efficaces - et qui ont préféré depuis, délocaliser leur production après la fin de leurs brevets.

Les mêmes compagnies pharmaceutiques qui, selon des études sérieuses passées de chercheurs de l'Université McGill, produisent des médicaments aussi banals que l'Aspirine, l'Advil ou le Tylenol qui tuent chaque année 16 000 hommes et femmes en raison d'une surconsommation de tels analgésiques en Amérique du Nord. Durant ce temps, aucune étude sérieuse - non seulement au Canada mais sur la planète toute entière - n'a su démontrer à ce jour une seule mort d'un usager de marijuana parce qu'il avait consommé du cannabis; cette herbe folle autochtone millénaire popularisée ici par le Parisien Louis Hébert.

En effet, l'apothicaire-pharmacien recruté par Samuel de Champlain avait découvert le haut potentiel médical du cannabis en terres de colonisation. Cependant, tout le chanvre fut vite réquisitionné à l'époque dans l'économie maritime et les chantiers navals pour la construction de vaisseaux et de bateaux de guerre aux solides amarres, maintenant révolue et remplacée en 2015 par des drones et de l'équipement militaire que M. Harper choisit plutôt de vendre à ses amis d'Arabie saoudite.

Voilà toute l'hypocrisie maladive derrière les politiques vengeresses et coercitives de la ministre de la Santé qui répond d'un gouvernement conservateur totalement revanchard qui préfère construire de coûteuses prisons fédérales surpeuplées.

« La terre est ronde », Monsieur Harper, Madame Ambrose. Le Québec a innové dans des programmes de responsabilités sociales - les Québécois ont réussi à le faire depuis 80 ans, depuis la fin de la prohibition de l'alcool, avec des programmes novateurs tels ÉducAlcool ou Nez Rouge.

VOIR AUSSI SUR LE HUFFPOST

Voici ce qu'on obtient en achetant du cannabis en vente libre au Colorado

Close
Cet article fait partie des archives en ligne du HuffPost Canada, qui ont fermé en 2021. Si vous avez des questions ou des préoccupations, veuillez consulter notre FAQ ou contacter support@huffpost.com.