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Prévisions et changements institutionnels

Les sociétés ne ressemblent pas à des rochers mais plutôt évoluent, souvent très rapidement, en rendant caduques les «certitudes» prévisionnelles.
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Un récent blogue a montré comment la largeur des intervalles de confiance ou la pluralité des possibles diminuent la crédibilité des prédictions précises en utilisant comme exemple les prévisions macroéconomiques de courte période. Sur une plus longue période, une autre variable mine leur crédibilité: les sociétés ne ressemblent pas à des rochers mais plutôt évoluent, souvent très rapidement, en rendant caduques les «certitudes» prévisionnelles.

Certains domaines changent moins rapidement que d'autres. C'est généralement le cas pour les phénomènes démographiques, les personnes vieillissant un an à la fois. Même là, les évolutions ne sont pas invariables, comme en témoignent les deux cas suivants qui ont un impact sur les régimes de retraite publics et privés.

Il y eut premièrement le baby-boom qui est habituellement situé dans la période 1946-1966. Sa conclusion correspond à la même année que l'entrée en vigueur du Régime de rentes du Québec (RRQ) et de son pendant hors Québec, le Régime de pension du Canada (RPC). Les prolongements anticipés d'une forte natalité et d'une croissance économique soutenue, vécue durant les Trente glorieuses de 1945 à 1973, rendaient attrayantes la faible capitalisation de ces régimes et la décision d'être généreux pour la première génération des retraités. En 1966, il y avait au Québec 8,3 personnes âgées entre 20 et 64 ans par personne de 65 ans et plus.

Les prévisions optimistes du départ ne se sont pas réalisées. Le taux de cotisation est passé de 3,6% en 1966 à 10,5% en 2015 (9,9% pour le RPC) du salaire moyen. Malgré cette hausse appréciable du taux, le RRQ est capitalisé à environ 15% contre une obligation de 100% pour les régimes privés.

La santé actuarielle des plans de pension publics et privés dépendent aussi des réalisations des prévisions sur l'espérance de vie à 65 ans. Tandis que pour les femmes l'amélioration suit une progression assez constante depuis plusieurs décennies, la hausse fut récemment beaucoup plus marquée chez les hommes. L'écart favorisant les femmes était de 3,8 ans en 2000-2002 contre 2,9 ans en 2013.

Adaptation des institutions à un nouvel environnement

La société s'adapte à de nouvelles conditions ou à un environnement qui change. Les institutions évoluent. Ainsi, la montée dans l'après-guerre des dépenses gouvernementales dans les trois grands domaines que sont la santé, l'éducation et le bien-être représente la prise en charge par le gouvernement d'activités auparavant sous la gouverne de la famille et des institutions religieuses ou de bienfaisance. On peut y ajouter aussi le gouvernement local, d'une façon encore plus importante au Canada anglais.

Voici un exemple intéressant de la relation environnement et institution, le cas de la polyandrie qui fut étudié par une économiste:

«Si la polygamie peut résulter d'un rapport hommes/femmes inférieur à un, en découle-t-il que la rareté relative des femmes conduise à la polyandrie ? Bien que la polygamie soit très répandue, la polyandrie est extrêmement rare... Mais dans les deux cas de polyandrie sur lequel j'ai obtenu de la documentation, le rapport dépassait un: parmi les Todas de l'Inde, la rareté des femmes résulte de l'infanticide féminin. En 1951, les polyandres de Jaunsar-Bawar (Himalaya) avaient 20 % plus d'hommes que de femmes, probablement encore un résultat de l'infanticide féminin qui prévalait jusqu'en 1935. Ces montagnards avait aussi une coutume de déclarer certaines femmes comme sorcières ; par la suite, elles ont souvent été tuées - une autre façon d'augmenter le rapport hommes/femmes.» (Grossbard, 1980: 335)

Les ajustements au vieillissement de la population

Nos sociétés vieillissent et continueront de le faire pour les prochaines décennies. En 1971, il y avait au Québec 7,9 personnes âgées entre 20 et 64 ans par personne du groupe d'âge de 65 ans et plus. Ce rapport a constamment baissé pour s'établir à 4,0 en 2011. Qu'arrivera-t-il dans les deux prochaines décennies? Les prévisions publiées dans Le bilan démographique du Québec Édition 2014 se traduisent en 2,9 personnes de 20 à 64 ans par personne de 65 ans et plus pour 2021 et en un rapport de 2,1 pour 2031.

Le vieillissement de la population provoque de multiples effets et aussi des réactions. Nous nous limiterons ici à seulement deux items concernant les personnes âgées: leur participation au marché du travail et des contraintes accrues sur leurs dépenses de santé.

La mesure de la dépendance démographique des personnes âgées que nous avons utilisée mérite d'être corrigée par un phénomène important débutant au dernier lustre des années 1990: c'est l'augmentation appréciable de leur taux de participation au marché du travail. Une récente publication sur le marché du travail au Québec faisait la remarque suivante pour 2014: «Tout comme le taux d'activité, le taux d'emploi des 55 ans et plus atteint son plus haut niveau depuis le début de la série chronologique en 1976.» (p. 24) Les comportements changent étant facilités par des personnes en meilleure santé, plus éduquées et par un milieu de travail moins orienté vers la force physique.

Impact sur les dépenses de santé

Les dépenses de santé varient avec l'âge et cela pour deux raisons: à l'exemple d'une automobile, les dépenses d'entretien sont croissantes et une très grande partie de ces variations s'explique par les dépenses reliées à la proximité de la mort, soit la dernière année de vie. Par exemple, une étude portant sur tous les décès en Ontario entre le 1er avril 2010 et le 31 mars 2013 donne les résultats suivants:

«Parmi 264 755 personnes décédées, le coût moyen des soins de santé dans la dernière année de vie était de 53 661 $ (quartile 1- quartile 3: 19 568 $ - 66 875 $). Le coût annuel total estimé de 4,7 milliards de dollars, représente environ 10% de tous les soins de santé financés par le gouvernement. Les soins hospitaliers encourus par 75% des personnes décédées, a contribué 42,9% des coûts totaux (30 872 $ par utilisateur)...Les coûts ont fortement augmenté au cours des 120 derniers jours avant la mort, principalement pour les soins hospitaliers.» (Tanuseputro, 2015 : 1)

Un fait surprenant: la structure d'âge de la population ne ressort généralement pas comme une variable explicative dans les variations internationales des dépenses de santé. Ce résultat peut s'expliquer en se référant à l'évolution des clientèles des centres d'accueil québécois, entre les années 1970 et aujourd'hui. À l'époque, certains centres d'accueil ressemblaient davantage à de simples résidences subventionnées pour personnes âgées. La croissance du nombre des aînés a conduit à l'établissement de critères d'entrée beaucoup plus restrictifs. Résultat: les pensionnaires de ces établissements sont de plus en plus malades.

Les prochaines décennies connaîtront une poussée appréciable du nombre des décès. Cette croissance pourra favoriser une attitude médicalement moins agressive face à la mort et une tolérance à l'égard de l'euthanasie.

Ces changements, sources d'économies des dépenses de santé, peuvent se produire rapidement. La popularité au Québec des interruptions volontaires de grossesse sert d'exemple. L'indice synthétique des interruptions volontaires de grossesse est la somme des taux d'interruption par âge pour une année donnée. En 1976, ce taux était de 128,4 pour mille. Cela signifie qu'avec les taux par âge de 1976, une génération de mille femmes subirait 128 avortements. En 2004, l'indice était 4,7 fois plus élevé, pour s'établir à un maximum de 598 pour mille, pour redescendre à 515,6 en 2011 (30 interruptions volontaires de grossesse pour 100 naissances).

En somme, les sociétés ne ressemblent pas à des rochers mais plutôt évoluent, souvent très rapidement, en rendant caduques les «certitudes» prévisionnelles.

Ce billet a aussi été publié sur Libres Échanges, le blogue des économistes québécois.

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