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Dans la formalisation d'un problème, les économistes ajoutent une contrainte: aucun prix ne peut être négatif. Il ne peut y avoir une solution où l'agent économique est rétribué pour consommer un produit. Cette contrainte de la non-négativité du prix est-elle toujours réaliste? Étonnamment, la réponse est négative.
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Ce billet a aussi été publié sur Libres Échanges, le blogue des économistes québécois.

Dans la formalisation d'un problème, les économistes ajoutent une contrainte: aucun prix ne peut être négatif. Il ne peut y avoir une solution où l'agent économique est rétribué pour consommer un produit.

Cette contrainte de la non-négativité du prix est-elle toujours réaliste? Étonnamment, la réponse est négative. Pour le montrer, nous référons à trois cas, le premier québécois et les deux autres plus récents et européens.

Le chantier maritime de Lévis

Au milieu des années 90, la Société générale de financement voulait se départir du chantier maritime MIL Davie. Voici ce qu'écrivait un éditorialiste à ce sujet:

Il faut toutefois se rendre à l'évidence: des contacts ont été établis auprès de 1500 entreprises à travers le monde, grands chantiers, armateurs, industries lourdes et MIL Davie n'excite pas l'appétit. La Société générale de financement (SGF) propriétaire du seul grand chantier maritime restant au Québec ne trouvait même pas à le donner! Les deux seules offres sur la table étaient assorties d'exigences de soutien gouvernemental. (Samson 1996: B6)

Le chantier fut acquis par la Dominion Bridge pour un dollar avec la condition que la SGF regarnisse le fonds de roulement de la Davie de 25 millions. Un an plus tard, Dominion Bridge cherchait à revendre le chantier.

Le chantier maritime fut donc vendu à un prix négatif implicite de vingt-cinq millions moins un dollar. Des prix négatifs explicites peuvent-ils exister? Ce fut le cas récemment dans deux secteurs européens, les emprunts gouvernementaux et l'électricité.

Emprunts gouvernementaux à taux négatif

Depuis plus d'un an, des pays européens, comme l'Allemagne, la Belgique, la France et aussi le fonds de secours européen FESF ont emprunté à court terme avec un taux d'intérêt négatif. Voici à cet effet deux extraits de journaux:

...les adjudications de dette réalisées lundi 13 août, qui ont de nouveau vu l'Allemagne et la France emprunter à des taux négatifs - elles se font donc payer pour qu'on leur prête des fonds. Berlin a ainsi emprunté à six mois à un nouveau taux record de - 0,0499 %. Paris, de son côté, a emprunté à taux négatif à trois et six mois, et à 0 % à un an. (Le Monde 15 août 2012 : 9)

Le pays a levé 4,001 milliards d'euros à échéance trois mois, au taux négatif de -0,002%, selon l'Agence France Trésor, chargée de placer la dette sur les marchés. Un taux négatif signifie que les investisseurs sont prêts à perdre de l'argent en prêtant à la France. (www.lefigaro.fr, 29 avril 2013)

La présence d'un taux négatif est favorisée dans un monde de déflation où les agents économiques prévoient une baisse générale des prix. Ce n'est pas le cas dans ces pays européens où l'inflation attendue avoisine les deux pour cent. Les taux négatifs s'expliquent par la présence d'agents économiques avec un surplus de liquidité qui se questionnent sur la solidité des intermédiaires financiers comme les banques.

Quelle que soit la cause, le prix des emprunts à court terme pour des gouvernements européens est négatif.

Des prix d'électricité négatifs

Les prix des ressources naturelles varient considérablement dans le temps. Cela est encore plus vrai à court terme sur la Bourse européenne de l'électricité (Epex Spot). Regardons ce qui s'est produit le 16 juin dernier:

...le mégawattheure (MWh) livré sur le marché de l'électricité dimanche s'est échangé à un prix négatif de - 40,99 euros. Il est même tombé à - 200 euros pendant quelques heures le matin.

Le MWh s'échangeait autour de 8,60 euros pour livraison samedi et autour de 28 euros les jours précédents, soit un niveau déjà extrêmement faible. «Il semble qu'une consommation relativement basse, résultat de températures douces pendant le week-end, et un niveau élevé de production non flexible (nucléaire, hydraulique, éolien et photovoltaïque) en France, en Allemagne et en Belgique, ont conduit à un surplus de production dans ces pays», a indiqué Epex Spot, la Bourse journalière de l'électricité, dans une note publiée sur son site Internet. En Allemagne, le prix de base du MWh s'établissait dimanche à - 3,33 euros. (Le Billon 2013)

On est en présence de prix élevés et négatifs d'électricité.

Conclusion

Ces trois cas montrent qu'il ne faut pas rejeter a priori la présence de prix négatifs.

Bibliographie

- Le Billon, V. 2013 (19 juin). «La France aux prises avec des prix de l'électricité négatifs», Les Échos, 17.

- Madelin, T 2012 (9 février). «Grand froid : l'incroyable pic des cours de l'électricité», Les Échos, 24.

- Samson, J.-J. 1996 (18 janvier). «MIL: vente de garage», Le Soleil, B9.

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