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Les succès de la morale économique en taxation

Des réformes fiscales des dernières décennies ont suivi des prescriptions de la morale économique. Il faut s'en féliciter. Qu'en est-il des revers dans l'application de cette morale ? Pour ne pas gâter la satisfaction, ce sujet attendra.
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L'âge avancé donne un avantage comparatif pour la recherche de bilan ou de synthèse sur l'évolution des phénomènes. Cela vous distingue des plus jeunes orientés et mieux adaptés vis-à-vis les nouveautés.

Ce texte s'intéresse à la question suivante : au cours des dernières décennies, le système fiscal canadien a-t-il suivi des enseignements de la morale économique basée sur le concept de l'efficacité ? D'ailleurs, comme il a été résumé dans un blogue antérieur, les prescriptions dominantes en fiscalité de la part des économistes ont varié selon les époques.

Ce sujet est d'autant plus pertinent qu'une phrase non expliquée du Rapport de la Commission d'examen sur la fiscalité québécoise m'a étonné : « le régime d'imposition actuel concernant les revenus des particuliers comme des sociétés repose essentiellement sur les idées développées dans les années 1960 ». (p. 24)

Une tâche colossale

Pour dépenser plus de 40 % de la production, comme c'est le cas au Canada (41,1 du PIB en 2013 (1) ) et encore davantage au Québec, les gouvernements sont obligés de recourir à de hauts taux marginaux explicites ou implicites de taxation, même pour les personnes à faible revenu. Il ne peut en être autrement, puisque les riches ont le défaut d'être peu nombreux.

Les taxes faussent le système d'incitations qui encadre les agents économiques. Elles modifient les choix libres des agents et impliquent ainsi une perte d'efficacité ou un gaspillage. Les choix sont variés : choix entre travail et loisir, entre consommation immédiate et épargne, entre différentes formes de rémunérations, de placements, d'investissements, de modes d'organisation et de financement, entre sécurité et risque, entre différentes techniques et divers lieux de production et entre différents biens de consommation. Cette énumération n'épuise pas tous les choix qui s'offrent aux agents économiques et qui sont sujets à l'influence des différentes taxes. Même si les taxes faussent le système d'incitations, les coûts d'efficacité ou de gaspillage sont très limités si les agents économiques modifient peu leurs décisions en leur présence.

Un principe de la morale économique

L'efficacité économique demande de minimiser les effets de substitution en suivant entre autres le principe suivant : pour obtenir une recette donnée, il est pertinent de réduire le taux de taxation tout en augmentant l'assiette de la taxe.

Si l'objectif de l'efficacité économique vise à réduire le gaspillage, n'en découle-t-il pas que ses enseignements devraient être suivis par les gouvernements sensibles aux pertes inutiles ? Au cours des dernières décennies, d'importantes réformes à différentes sources de recettes ont en effet suivi l'enseignement de la morale économique. Il s'agit d'en dresser une image globale pour les trois principales taxes que sont l'impôt sur le revenu des particuliers, les taxes sur la consommation et l'impôt sur le revenu des sociétés.

Impôt sur le revenu des particuliers

Au milieu des années quatre-vingt, les deux recommandations suivantes étaient partagées par la majorité des économistes en fiscalité :

  1. La consommation est plus appropriée que le revenu comme base de la fiscalité directe.
  2. Les taux d'imposition hautement progressifs devraient être évités.

Des réformes de l'impôt sur le revenu des particuliers ont suivi ces recommandations. En raison du traitement fiscal de l'avoir dans la résidence principale, de l'épargne retraite et des comptes d'épargne libre d'impôt, l'impôt sur le revenu des particuliers devrait changer de nom : pour la majorité des contribuables, son assiette se limite aux dépenses de consommation. Il devient une forme de taxe sur la consommation avec la même incidence que les taxes de vente. Il ne modifie pas le taux de rendement obtenu sur l'épargne.

Dès 1844, Jules Dupuit avait présenté une démonstration graphique de la proposition suivante : « si on triple l'impôt, l'utilité perdue devient neuf fois plus considérable... Plus les taxes sont fortes, moins elles produisent relativement. L'utilité perdue croît comme le carré de la taxe ». (p. 281) Cette conclusion, encore utilisée aujourd'hui, indique les coûts élevés d'une forte progressivité de l'impôt.

Au sortir de la guerre, le taux marginal de taxation le plus élevé atteignait 84 pour cent. En 1978, le contribuable québécois affrontait 13 taux différents au fédéral et 21 au Québec avec un taux maximal combiné de 68,91 %. En 2015, chaque niveau de gouvernement a quatre taux différents pour un taux maximal de 49,97 %, soit une baisse de 19,5 unités de pourcentage avec 1978.

Les taux marginaux mentionnés sont des taux d'imposition apparents qui doivent être distingués des taux effectifs qui ajoutent la baisse des prestations en espèces ou en nature dépendant du revenu. Le taux marginal effectif d'imposition (TEMI) peut être arbitraire et élevé pour des revenus modestes, comme l'illustre le cas suivant : pour un couple ayant deux enfants de 7 ans et de 9 ans et deux revenus de travail égaux, le TEMI atteint 90,9 % à un revenu total de 40 000 $. (Finances Québec, 2014 : 65)

Taxes à la consommation

En se limitant à l'aspect taxation, l'efficacité économique demande que l'assiette de la taxe soit la plus englobante possible. C'est précisément ce qu'ont réalisé les réformes de 1991 des taxes fédérale et québécoise : elles venaient taxer les services qui totalisent une part croissante des dépenses de consommation.

La taxe fédérale sur les produits et services remplaçait la taxe au niveau des fabricants dont le taux avant la réforme était de 13,5 %. La taxe de vente du Québec est aussi une taxe sur la valeur ajoutée qui se substituait à une taxe de vente au niveau du détail qui exemptait presque tous les services.

L'impôt sur le revenu des sociétés

Les profits économiques, qui sont une forme de rente, ne servent pas de base pour l'impôt sur le revenu des sociétés; ce sont les profits comptables qui incluent le rendement normal sur l'avoir des actionnaires.

Au cours des années, deux mesures ont diminué le coût d'efficacité de cette taxe. D'abord, les taux fédéraux ont considérablement baissé : le taux général est passé de 36 % en 1987 à 15 % aujourd'hui. De plus, pour le contribuable recevant directement un dividende d'une société canadienne, il y a une complète intégration entre la fiscalité des particuliers et celui des sociétés. Le dividende devient ainsi imposé au taux similaire à celui d'une autre source de revenu. De plus, la taxation de seulement la moitié du gain de capital sur les actions peut être perçue comme une forme d'intégration des deux impôts.

Conclusion

Des réformes fiscales des dernières décennies ont suivi des prescriptions de la morale économique. Il faut s'en féliciter.

Qu'en est-il des revers dans l'application de cette morale ? Pour ne pas gâter la satisfaction, ce sujet attendra.

[1] Voir Ministère des Finances du Canada, Tableaux de référence financiers, octobre 2014, p54.

Ce billet a aussi été publié sur Libres Échanges, le blogue des économistes québécois.

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