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Analyse: les violences salafistes en Libye

Au début de la révolution en Libye, on s'est demandé si Al-Qaïda au Maghreb islamique (AQMI), tirerait avantage de l'anarchie du pays. Il apparaîtclairement qu'il y a au moins deux groupes salafistes radicaux qui en partagent au moins l'idéologie jihadiste salafiste. Le premier, qui a conduit les attaques contre le consulat américain en juin, s'appelle la Brigade pour la libération du prisonnier Sheikh Omar Abdulrahman, en référence au cerveau présumé des bombes du sous-sol du World Trade Center en 1993. Le second groupe se nomme Ansar al-Sharia, soit "les vainqueurs de la Charia".
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A man walks through a room in the gutted U.S. consulate in Benghazi, Libya, after an attack that killed four Americans, including Ambassador Chris Stevens, Wednesday, Sept. 12, 2012. The American ambassador to Libya and three other Americans were killed when a mob of protesters and gunmen overwhelmed the U.S. Consulate in Benghazi, setting fire to it in outrage over a film that ridicules Islam's Prophet Muhammad. Ambassador Chris Stevens, 52, died as he and a group of embassy employees went to the consulate to try to evacuate staff as a crowd of hundreds attacked the consulate Tuesday evening, many of them firing machine-guns and rocket-propelled grenades. Partial graffiti reads,
AP
A man walks through a room in the gutted U.S. consulate in Benghazi, Libya, after an attack that killed four Americans, including Ambassador Chris Stevens, Wednesday, Sept. 12, 2012. The American ambassador to Libya and three other Americans were killed when a mob of protesters and gunmen overwhelmed the U.S. Consulate in Benghazi, setting fire to it in outrage over a film that ridicules Islam's Prophet Muhammad. Ambassador Chris Stevens, 52, died as he and a group of embassy employees went to the consulate to try to evacuate staff as a crowd of hundreds attacked the consulate Tuesday evening, many of them firing machine-guns and rocket-propelled grenades. Partial graffiti reads,

La nouvelle de la mort de l'ambassadeur des Etats-Unis, Christopher Stevens, durant une attaque du consulat américain à Benghazi est un véritable choc. Même si on était de plus en plus conscient de l'islamisation radicale en Libye de l'est, et même de tout le pays, on en ignorait l'étendue réelle et le seuil de violence. Et quand bien même, cela n'aurait été qu'une question de temps avant que le mélange entre islamiques radicaux et l'abondance d'armes disponibles en Libye, ne dégénère en une désastreuse violence.

A part quelques comptes-rendus assez approximatifs de ce qui aurait pu déclencher les manifestations devant le consulat et l'assaut qui s'en serait suivi, ce qui s'est produit à Benghazi n'est pas vraiment clair. L'incapacité du gouvernement libyen à couper court aux violences dans son pays est cependant depuis longtemps une inquiétude, qu'il s'agisse de l'inefficace méthode du Conseil transitionnel national (NTC) ou des querelles internes dans les services de sécurité du Congrès général national (GNC), qui ont sapé toute tentative de rétablir la loi et l'ordre.

Il y a quelques semaines, dans un billet posté sur Arabist, j'ai donné un aperçu de la violence en Libye, et suggéré les façons dont elle serait en train d'évoluer. Il fallait retenir de mes propos qu'une nouvelle souche terroriste prenait une dangereuse ampleur en Libye.

Pour résumer, la Libye connaît un redoublement des violences : accrochages entre tribus, généralement pour régler des vendettas ou dans le but de contrôler une partie du marché noir économique ; vague d'assassinats à Benghazi d'anciens responsables du renseignement kadhafiste, perpétrés par des groupes inconnus. En août dernier, trois attentats à la voiture piégée, attribués à des fidèles de Kadhafi, ont frappé Tripoli.

Enfin, la violence islamiste a été particulièrement prégnante à Benghazi, véritable avertissement à ce qui s'est produit ce 11 septembre 2012. En juin, une bombe artisanale a été lancée sur le consulat américain de Benghazi, et un convoi de l'ambassadeur anglais attaqué aux lance-grenades, faisant deux blessés parmi ses gardes du corps. Le consulat tunisien à Benghazi a également été mis à sac lors d'une émeute protestant contre une exposition artistique controversée en Tunisie. Plusieurs voitures piégées ont explosé, visant des bâtiments clé du gouvernement libyen. Plus récemment, des groupes salafistes ont détruit des sanctuaires soufies à travers le pays, déclenchant une vague d'indignation et de consternation. En l'absence de réaction vigoureuse du gouvernement, des Libyens sceptiques en sont venus à penser que certains de ses membres étaient de connivence avec les salafistes, ou du moins, leur étaient favorables.

Au début de la révolution en Libye, on s'est demandé si Al-Qaïda au Maghreb islamique (AQMI), un groupe terroriste relié à Al-Qaïda, tirerait avantage de l'anarchie du pays. A l'époque, j'avais soutenu qu'il était peu probable que l'AQMI décampe du nord-est du Mali pour la Libye, mais qu'en revanche, de nouveaux groupes salafistes émergeraient probablement. Il apparaît désormais clairement qu'il y a au moins deux groupes salafistes radicaux, voire plus, qui sont sinon des alliés déclarés d'Al-Qaïda, en partagent au moins l'idéologie jihadiste salafiste. Le premier, qui a conduit les attaques contre le consulat américain en juin, s'appelle la Brigade pour la libération du prisonnier Sheikh Omar Abdulrahman, en référence au cerveau présumé des bombes du sous-sol du World Trade Center en 1993. Le second groupe se nomme Ansar al-Sharia, soit "les vainqueurs de la Charia".

Le défi du contre-terrorisme en Libye est immense. Il n'y a pas de pénurie d'armes dans ce pays, mais un gros déficit des capacités de l'Etat. Le gouvernement libyen essaye de toutes ses forces de pousser vers l'avant le processus politique, en élisant un président et un congrès, mais l'a fait aux dépends d'une sécurité en pleine détérioration. Le pari des Libyens était de stabiliser la scène politique avant que la sécurité ne devienne trop difficile à maintenir. Mais le gouvernement a perdu ce pari. Il doit maintenant payer les conséquences d'avoir laissé une situation sécuritaire devenir si mauvaise qu'elle a conduit à la mort d'un ambassadeur des Etats-Unis, ce même pays qui avait aidé les Libyens à renverser la brutale autorité de Mouammar Kadhafi.

J'avais eu l'opportunité de briefer l'ambassadeur Christopher Stevens au printemps 2012, avant qu'il ne prenne son poste en Libye. Il était aimable et perspicace, avec une empathie profonde et naturelle pour les défis que devaient affronter les Libyens et plus généralement, le Moyen-Orient. Il était le genre d'homme dont n'importe quel pays aurait souhaité qu'il représente ses intérêts à l'étranger, et les Etats-Unis avaient de la chance de l'avoir. Je suis sûr que beaucoup d'entre-nous ressentent la même chose. Il sera très regretté.

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