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Le style mitraillette de Karim Akouche

À une époque où les gens prennent plaisir à se faire exploser, on ne sait trop pourquoi, une époque qui aime la mort et non la vie, un monde complètement désorienté qui ne sait où trouver des repères, il faut lire et relire Karim Akouche.
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En 2008, un jeune poète, Karim Akouche, venu d'Algérie, débarque à Montréal. Je le rencontre dans une bibliothèque le lendemain de son arrivée et, depuis lors, nous ne nous sommes plus quittés. J'ai tout de suite senti l'immense potentiel qu'il portait en lui, par intuition, ce langage mystérieux de l'inconscient, inexplicable par la raison. Je ne m'étais pas trompé: habité par le chant des muses, Karim s'est tout de suite mis à écrire: poèmes, pièces de théâtre, romans, articles, etc. Très vite, il fonde les éditions Dialogue Nord-Sud, dont le nom indique bien ce désir qui le pousse à unir au lieu de diviser, à s'ouvrir au monde au lieu de se replier, à accueillir au lieu de rejeter.

Karim a bien compris l'essence de la littérature qui est de trouver un ton et une voix parfaitement adaptés au sujet traité et, dans ce cas précis, à la dépossession, thème central de son roman.

Sa dernière œuvre, La religion de ma mère, est un roman totalement original, en ce sens qu'en le lisant on ne pense à rien de ce qui s'est fait avant. J'ai baptisé cette manière d'écrire le style mitraillette, car de la plume inspirée de Karim naît une atmosphère d'une surprenante originalité. Ses mots jaillissent avec la rapidité et la force des balles d'une mitraillette qui ne cracherait pas de l'acier pour tuer, mais des phrases qui ne laisseront personne indifférent. Phrases courtes où tout élément inutile a été éliminé: les adverbes sont rares, les clichés - ennemis des mauvais écrivains - inexistants. Karim a bien compris l'essence de la littérature qui est de trouver un ton et une voix parfaitement adaptés au sujet traité et, dans ce cas précis, à la dépossession, thème central de son roman. Fond et forme, prose et poésie se marient pour exprimer métaphoriquement l'éternelle tragédie de l'être: tout homme est jeté au monde nu et en sort nu.

En plus de cette nudité existentielle, dépeinte comme un vertige, Karim traite de problèmes politiques et identitaires, de l'exil et de conflits entre les peuples et les cultures. Mirak, son personnage principal, est victime de l'absurdité et de la violence de notre temps. Tout lui échappe: son destin, son pays, ses amis, sa famille... Il avait tout et se retrouve sans rien. En un mot, c'est un dépossédé. Mais ne sommes-nous pas tous des dépossédés?

La religion de ma mère est un roman universel, un miroir qui renvoie au lecteur l'image crue de sa condition humaine.

À une époque où les gens prennent plaisir à se faire exploser, on ne sait trop pourquoi, une époque qui aime la mort et non la vie, un monde complètement désorienté qui ne sait où trouver des repères, il faut lire et relire Karim Akouche. Lui a la clé de cette parade sauvage, comme aurait dit un certain Rimbaud.

La Religion de ma mère, Karim Akouche, roman, éditions Michel Brûlé, avril 2017.

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