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L'hypocrisie du poil

Ma fille sait que je m'épile, mais elle sait aussi que ce n'est pas une obligation, parce que je ne m'épile pas tout le temps. Il y a de grandes périodes où je reste poilue. Je vous entends d'ici vous écrier "bouaahh! bouhh! beuurrk! C'est dégueu!". Pardon mais où est-il écrit que le poil est sale?
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Ma fille a 11 ans et demi. Elle est donc officiellement en préadolescence et au cas où je veuille l'oublier, la nature se charge de me le rappeler. Depuis six mois maintenant, ma fille a développé tous les caractères génétiques de la future adolescente qu'elle sera sous peu : sa poitrine a commencé à se développer et ses poils à pousser.

On a toujours beaucoup discuté, avant même que les changements qui s'opèrent actuellement dans son corps ne commencent. Elle le prend tranquillement, normalement, sans être ni pressée, ni stressée, ni chamboulée. Elle sait que c'est normal, que c'est aussi ça grandir!

De ce côté-là, je suis plutôt fière de moi, de cette facette de maman que je suis, qui aborde la puberté avec sérénité. Et voir ma fille l'appréhender de la même manière me prouve que je suis sur la bonne voie.

Aucune de nous deux n'en est gênée évidemment. La salle de bain est un endroit où nous nous retrouvons pour discuter de nos corps, on se regarde, je lui explique ce qui va encore se passer avec son corps, les règles qui arriveront tôt ou tard.

Ma fille sait que je m'épile, mais elle sait aussi que ce n'est pas une obligation, parce que je ne m'épile pas tout le temps. Il y a de grandes périodes où je reste poilue. Je vous entends d'ici vous écrier "bouaahh! bouhh! beuurrk! C'est dégueu!". Pardon mais où est-il écrit que le poil est sale?

Inesthétique, je veux bien encore accepter cet argument, mais sale, non. Parfois, j'ai juste pas envie, ni par flemme ou par manque de temps. Juste parce que je ne vois pas pourquoi je dois m'épiler, il n'y a aucune raison valable pour que je le fasse. Et oui, il m'arrive même de monter sur scène avec mes poils: je porte toujours des collants résille chair, autant vous dire qu'on ne risque pas de voir quoi que ce soit et quand bien même, j'emmerde ceux que ça choquerait!

Revenons-en à ma fille. Certaines copines de ma grande ont déjà commencé à s'épiler. Je lui ai donc demandé si elle aussi voulait le faire.

Elle m'a répondu "non, pas pour l'instant" (je suppose qu'elle n'a pas envie parce qu'elle sait que c'est un peu douloureux et qu'elle est très douillette!). Je lui ai demandé si ça la gênait, elle m'a dit que des fois, ça se voyait sous les aisselles et que certains garçons s'étaient moqués d'elle.

Pour se défendre des plaisanteries masculines, je lui ai proposé de répondre à ces petits couillons:

"T'es jaloux parce que tu n'en as pas autant?"

Et c'est ce qu'elle a fait pas plus tard que la semaine dernière en balançant cette phrase choc à l'un de ses camarades de classe qui se moquait de ses poils. Il fallait la voir, les yeux brillants, me raconter fièrement qu'elle l'avait envoyé balader. Plus qu'un garçon, c'est la société qu'elle a envoyé se faire foutre! J'avoue que je suis heureuse de voir qu'elle ne cède pas au diktat sociétal qui dit que le poil c'est moche et qu'il faut ABSOLUMENT l'enlever.

Cela dit, la saison des robes courtes et des débardeurs arrive à grands pas et je n'ai aucun doute sur le poids du regard des autres. Je sais que sous peu, elle me demandera de s'épiler, d'ôter ces poils disgracieux aux yeux de la société. Ces poils qui poseront problème pour se faire accepter des autres, qui mettront une barrière entre elle et les garçons qui lui plairont.

Oui, on est encore loin de la liberté de choix dont je rêve pour mes enfants, de la liberté de disposer de son corps comme on l'entend. Mais je suis quand même heureuse et fière que ma fille résiste, même pour peu de temps, à cette pression sociale!

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