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J'ai connu Jean Garon au début des années 1970 alors que j'étudiais en sciences de l'administration à l'Université Laval
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J'ai connu Jean Garon au début des années 1970 alors que j'étudiais en sciences de l'administration à l'Université Laval. Il nous enseignait le « Droit des affaires ». Son cours était offert le lundi soir de 18 h 30 à 21 h 30. Il lisait sur un ton monocorde le livre de référence et faisait quelques commentaires à l'occasion pour expliquer ce qu'il venait de lire et l'importance de ce sujet. Il avait déjà à cette époque la manie de fumer, mais pas de façon ordinaire. Il allumait une cigarette au début du cours, jetait l'allumette au cendrier et entreprenait la lecture. Lorsqu'il terminait une cigarette, il en allumait une autre avec le mégot de la précédente. Ce manège durait trois heures et il n'utilisait pas d'autres allumettes.

Il ne nous a jamais fait part de sa carrière parallèle en politique entreprise au Rassemblement pour l'indépendance nationale (R.I.N.) au début de la décennie 1960 ni de son implication comme cofondateur du Ralliement national (R.N.) ou comme membre fondateur du Parti Québécois. Il nous a ainsi privés de discussions et d'explications intéressantes, lui qui avait épousé une anglophone.

En 1976, au moment de la première accession au pouvoir du Parti Québécois, j'étais devant mon téléviseur lorsque René Lévesque a présenté son premier cabinet des ministres et comme tout le monde, j'ai été surpris d'entendre désigner mon ex-professeur de droit comme ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation. J'ai été très fier de découvrir un homme différent de celui que j'avais connu comme professeur. Ses discours, son humour et sa verve étaient tellement rafraîchissants que j'étais très fier de le voir à l'œuvre.

Mon cousin, un agriculteur né dans une famille qui votait pour le Parti libéral au provincial et au fédéral de père en fils m'a dit un jour que j'avais raison d'être fier d'avoir étudié auprès de Jean Garon parce que selon lui, monsieur Garon a été le meilleur ministre de l'Agriculture de l'histoire du Québec. Effectivement, sa sincérité était perceptible lorsqu'il défendait les territoires agricoles et sa fougue lorsqu'il faisait la promotion des produits du terroir québécois ajoutait à la confiance des producteurs en leurs moyens. Ses gestes ont laissé des traces dans notre histoire et dans un secteur d'activité majeur au Québec. Il avait endossé à 100 % la vision de monsieur Lévesque qui créait un nouveau ministère en réunissant sous un même vocable, « agriculture, pêcheries et alimentation ».

À cette époque, j'avais croisé un jour une personne qui me disait faire le ménage dans les bureaux de ministres et de députés à l'Assemblée nationale. Cette personne m'avait dit que certains avaient leurs petits caprices, d'autres des demandes particulières. Elle avait ajouté que Jean Garon demandait que l'on ne touche à rien sur son bureau et qu'il avait la réputation d'avoir une mémoire phénoménale. Ce qu'il avait d'ailleurs prouvé un jour parce que la personne en question avait laissé tomber par mégarde son plumeau en nettoyant les espaces non occupés de son bureau, ce qui avait déplacé quelques feuilles. Dès le lendemain, Jean Garon avait vérifié auprès du superviseur au ménage si une nouvelle personne non consciente de ses consignes avait été assignée à son bureau parce qu'il avait constaté que les documents n'avaient pas été replacés exactement au bon endroit.

Moi aussi, j'ai pu constater qu'il avait une mémoire hors de l'ordinaire. Neuf ans après avoir été un étudiant dans sa classe, j'étais impliqué dans l'organisation d'une nouvelle activité dans le cadre du Carnaval de Québec, en Beauce. Nous organisions un Déjeuner beauceron à l'érable et avions demandé une petite subvention au M.A.P.A.Q. pour promouvoir les produits de l'érable provenant de la Beauce. Nous en avions profité pour inviter monsieur le ministre Garon à assister à notre activité. Comme son cabinet avait confirmé son acceptation de notre invitation, j'avais été désigné avec un ami aussi ex-étudiant de monsieur Garon pour l'accueillir au nom du comité organisateur.

À l'heure prévue, monsieur Garon est arrivé sans cérémonies, avec sa femme et ses filles qu'il nous a présentées. Nous avons discuté de l'activité après l'avoir remercié de sa présence et il nous a demandé où il nous avait déjà vus. Lorsque nous lui avons dit avoir été étudiants dans une de ses classes à la faculté d'administration de l'Université Laval, il était heureux de constater que nous avions progressé dans nos carrières. Nous n'avions pas pu nous retenir de lui mentionner à quel point il nous impressionnait de se souvenir de nous après tant d'années, lui qui rencontrait tant de gens comme ministre. Il avait alors poussé plus loin son plaisir en disant à sa femme qu'il croyait se souvenir avoir dû me réveiller pendant un de ces cours. J'ai rougi de honte et avoué qu'effectivement il m'était arrivé de m'endormir dans sa classe et qu'il avait demandé à ma voisine de me réveiller parce que je ronflais.

Au début des années 2000, je l'ai croisé lors de retrouvailles à Lévis alors qu'il était Maire et il m'avait dit avoir quelques problèmes de santé et à ce moment-là, sa mémoire avait décliné. Il ne se souvenait pas avoir fumé dans les classes à l'université.

Il nous a quittés, mais il a laissé sa marque et je me souviendrai toujours de ce ministre qui s'est dévoué pour la cause nationaliste, mais surtout pour le Québec.

Adieu Monsieur le professeur, bravo et merci pour vos réalisations Monsieur le Ministre, bon repos Monsieur Garon.

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