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La fin des accidents

Laisser un camionneur en partie aveugle circuler sur nos rues est un choix de société.
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Au total, 37 653 personnes ont été victimes d'une manière ou d'une autre de cette violence routière.
François Démontagne
Au total, 37 653 personnes ont été victimes d'une manière ou d'une autre de cette violence routière.

Meryem Anoun, 41 ans et mère de trois enfants, est décédée le 14 juillet dernier. D'après ce que l'on sait, la cycliste attendait à un feu rouge à côté d'un camion-benne dans le quartier Rosemont, à Montréal. Lorsque le feu est devenu vert, tous les deux se sont mis à avancer. Le conducteur du camion a tourné à droite sans voir la cycliste dans ses angles morts. Elle a été emportée par les roues du mastodonte. Le conducteur ne l'avait jamais vue.

Les articles de journaux qui ont relaté sa mort décrivent tous sensiblement la scène de la même façon. Ils mettent en cause les angles morts démesurés du véhicule. Et ils parlent d'un accident.

Mais qu'y avait-il d'accidentel dans cette situation ? Qu'y avait-il d'inévitable? Les angles morts d'un camion sont-ils une fatalité? Le vocabulaire que nous utilisons pour parler de ces tragédies routières nous permet-il réellement d'en comprendre tous les enjeux, les causes et leurs conséquences?

Depuis quelques années, aux États-Unis, certains demandent que l'on réfléchisse aux termes utilisés pour parler des collisions sur la route. Une campagne en ligne, It's a crash. Not an accident vise à sensibiliser au piège que représente l'utilisation du terme accident pour les décrire: « Les collisions sont des problèmes que nous pouvons régler, causées par des rues dangereuses et des conducteurs non sécuritaires », affirme le site de la campagne. À cela s'ajoutent les risques associés aux véhicules mal conçus et aux règlements obsolètes. Le dénominateur commun? Les collisions ne sont pas accidentelles.

Pour ces activistes américains, l'idée est simple: en transformant notre vocabulaire, il sera impossible d'être plus longtemps dans le déni.

Pour ces activistes américains, l'idée est simple: en transformant notre vocabulaire, il sera impossible d'être plus longtemps dans le déni. Nous ne pourrons plus éviter de réfléchir aux causes des décès et des blessures sur la route. Suivant cette logique, laisser un camionneur en partie aveugle circuler sur nos rues est un choix de société. On en arrive alors à la conclusion logique: comment changer les choses?

Des routes moins violentes

Une association française pousse la réflexion plus loin, au-delà du terme accident. Fondée en 2008, la Ligue contre la violence routière se bat contre les dangers de la route, en demandant une diminution des vitesses autorisées, une plus grande fermeté contre l'alcool au volant ou même en offrant des conseils pour choisir un siège pour enfant adéquat.

Au total, 37 653 personnes ont été victimes d'une manière ou d'une autre de cette violence routière.

Le terme « violence routière », que l'organisation a adopté, peut surprendre. Il dépeint pourtant une triste réalité que nous connaissons ici aussi. En 2016 seulement, 351 personnes sont mortes sur les routes du Québec. Soixante-trois d'entre elles étaient à pied et huit à vélo; 1 476 autres ont subi des blessures graves et 35 826 des blessures légères. Au total, 37 653 personnes ont été victimes d'une manière ou d'une autre de cette violence routière.

L'organisation Friends and Families for Safe Streets, basée à Toronto, regroupe des proches et des familles de victimes de la route. Pour eux, l'expression « violence routière » permet de témoigner de l'horrible d'un décès qui aurait pu être évité. « Le terme violence routière aura pour effet de faire comprendre à tous que ces décès ne sont pas des accidents. Ce sont des tragédies évitables avec de graves conséquences, » explique Yu Li dans un article du Globe and Mail.

Il nous aide collectivement à saisir l'importance d'apprendre de nos erreurs pour éviter que cette violence se poursuive.

De même que certains réfléchissent autour du terme collision, utiliser l'expression violence routière permet de tourner notre regard vers les solutions. Il nous aide collectivement à saisir l'importance d'apprendre de nos erreurs pour éviter que cette violence se poursuive.

Ce vendredi 21 juillet, une cérémonie se tiendra en mémoire de Meryem Anoun. Un vélo peint en blanc - un vélo fantôme - sera installé sur le lieu de son décès pour tenter de sensibiliser aux dangers de la route. Mais peut-être qu'une bonne façon d'honorer sa mémoire serait de réfléchir tous ensemble et de s'assurer que, désormais, plus personne ne perde la vie sur la route.

Vélo fantôme en mémoire de Mathilde Blais

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