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Les libéraux et le rapatriement de la Constitution, ou la primauté de la propagande

Le 24 mai dernier Bob Rae est intervenu sur lepour réagir à la publication de mon livre. Maniant la mémoire sélective, la mauvaise foi et la provocation, le député libéral affirme plusieurs choses, qu'il convient de rectifier.
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CP

Le 24 mai dernier Bob Rae est intervenu sur le Huffington Post pour réagir à la publication de La Bataille de Londres. Maniant la mémoire sélective et la mauvaise foi, le député libéral affirme plusieurs choses.

Il prétend d'abord que le rapatriement se voulait non-partisan. Si tel était le cas, comment peut-il expliquer que cela a donné lieu à un affrontement de 18 mois entre huit provinces et le gouvernement fédéral, amenant l'opposition officielle à paralyser le parlement et provoquant des tensions sans précédent avec la Grande-Bretagne?

Mais qu'importe cet oubli. Pour Bob Rae les droits étaient bafoués au Canada. Il fallait une charte pour mieux les protéger. Cette affirmation ne tient pas la route et l'attitude de Margaret Thatcher fournit ici un éclairage intéressant. Elle a éprouvé un malaise lorsque Trudeau lui a demandé que Westminster adopte une charte.

La Dame de Fer croyait en la primauté du parlement dans la défense des droits, ce qui signifiait deux choses. D'abord, ceux-ci ne sont pas absolus. En l'absence d'incendie, un individu ne peut crier au feu dans un centre d'achats et invoquer ensuite sa liberté d'expression pour se justifier. Il y a toujours une limite et Thatcher pensait que les élus étaient mieux placés que les juges pour la tracer. Elle croyait aussi que les parlementaires étaient meilleurs à définir et protéger les droits, grâce au débat politique, à coup d'argument et de contre-argument. Il revenait ensuite au peuple lors des élections de décider quel parti était le meilleur défenseur de ses droits.

Voilà comment les libertés fondamentales étaient traditionnellement défendues au Canada. Notre pays affichait un excellent bilan en la matière. Certes, des dérapages se sont produits, comme lors de l'internement de la minorité japonaise durant la 2e Guerre mondiale. Mais les choses ne sont pas parfaites aujourd'hui. Il y a quelques années, en pleine guerre au terrorisme, les juges et la charte n'ont pu empêcher la déportation de Maher Arar en Syrie afin qu'il soit torturé. Ils n'ont pas été davantage capables de le ramener au pays. Mais quand sa situation a provoqué une tempête au parlement, Ottawa a soudainement trouvé les moyens de le ramener au Canada tout en lui versant 10 millions de dollars en compensation.

Si Trudeau tenait à une charte, ce n'était pas tant dans le but de défendre les droits, mais bien comme instrument de lutte à la spécificité culturelle du Québec. Pour ce faire il a inventé de nouveaux droits fondamentaux. Par exemple celui d'étudier en anglais au Québec, dans le but de neutraliser la loi 101, alors même que l'éducation est une compétence exclusive des provinces. Il a aussi doté la charte d'une clause faisant la promotion du caractère multiculturel du pays, au détriment du biculturalisme. Sous le noble couvert de protéger les droits, ces dispositions n'avaient pour but que d'imposer au Québec le bilinguisme et le multiculturalisme canadien, au détriment de son caractère français et laïque. Voilà pourquoi aucun gouvernement québécois, fédéraliste ou souverainiste, n'a adhéré au rapatriement, contrairement à ce qui dit M. Rae, qui impute cette situation aux seuls péquistes.

Celui-ci se fait par ailleurs outrecuidant quand il parle des mythes constitutionnels que les Québécois entretiendraient. Le Québec n'a ainsi jamais eu de veto, la preuve étant que la Cour suprême l'a décidé. Pourtant, à six reprises au moins deux juges ont violé le principe de séparation des pouvoirs, et ce dans le but d'aider à l'avènement de la charte.

Pour discréditer ces révélations, Bob Rae remet d'abord en question la validité de mes sources, pointant du doigt les notes écrites à l'époque par le haut-commissaire britannique John Ford, qui n'auraient aucune valeur. Ayant connu ce dernier, M. Rae affirme qu'il était mal informé et guidé strictement par une antipathie personnelle pour Trudeau. Il oublie de dire que trois autres intervenants britanniques ont rapporté des contacts entre des juges et des politiciens. Il oublie aussi de mentionner que plusieurs membres du corps diplomatique et de la classe politique britannique nourrissaient une aversion face à Trudeau. Thatcher elle-même pensait qu'il était «névrosé et paranoïaque».

L'ancien premier ministre ontarien prétend également que la Cour suprême a finalement freiné le gouvernement fédéral, ce qui montre qu'il n'y avait pas de complot entre le judiciaire et le politique. Cela revient à dire que les juges Willard Estey et le juge en chef Bora Laskin ne sont pas coupables simplement du fait que leur crime aurait échoué.

Cette vision passe aussi sous silence le fait que le jugement du plus haut tribunal, rendu en septembre 81, a permis le rapatriement sans l'appui du Québec. Les juges ont en effet décrété que le consentement unanime des provinces n'était pas nécessaire pour rapatrier la constitution, ce qui était un gain important pour Ottawa. Quand on sait qu'au moins deux juges ont violé le principe sacro-saint de séparation des pouvoirs, comment peut-on conclure que le processus est valide?

Mais qu'importe les événements d'il y a plus de trente ans puisque le parti de Justin Trudeau ne souhaite pas que le gouvernement fédéral déclasse les archives constitutionnelles. Ce qui n'empêche pas Bob Rae de poursuivre ses provocations. Il nous rappelle que le Canada est «un pays profondément attaché à la primauté du droit». Force est pourtant d'admettre que ce n'est pas ce qui s'est passé lors du rapatriement. En tentant par tous les moyens de nous faire croire le contraire, les libéraux démontrent en fait leur attachement à la primauté de la propagande.

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