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Vivre dans un taudis: l'autre visage de la crise du logement au Québec

Malgré l'état de la situation, Sylvain Gaudreault, l'actuel ministre responsable de l'habitation refuse de soutenir l'adoption d'un code provincial du logement sous prétexte qu'il s'agit d'une responsabilité municipale. Il soutient ainsi la même position que Laurent Lessard, son prédécesseur qui fut également ministre responsable du logement sous le gouvernement Charest.
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Vivre dans des taudis: l'autre visage de la crise du logement pour des centaines de ménages à faible revenu du Québec

On se souvient de la crise du logement qui a frappé l'ensemble des régions du Québec au début des années 2000, durant laquelle la pénurie de logements a contribué à rendre plus difficile l'accès des locataires à un logement, ainsi que du spectacle désolant de familles à la rue. Avec la légère amélioration des taux d'inoccupation, cette crise du logement serait, pour plusieurs, chose du passé. Si l'on doit se réjouir de voir moins de familles à la rue, doit-on pour autant en conclure que celle-ci est réellement terminée?

En fait, pour ceux et celles qui, comme moi, œuvrent au quotidien auprès des mal-logés, la question ne se pose pas. Cette crise demeure entière. Elle a tout simplement changé de visage. Elle touche aujourd'hui une catégorie de gens en particulier: les plus pauvres. Dans l'impossibilité de se trouver un logement adéquat, plusieurs de ces ménages plus vulnérables acceptent trop souvent des logements impropres à l'habitation.

Le recensement de 2006 révélait qu'au Québec, 112 755 logements locatifs avaient besoin de réparations majeures. Il s'agit de 8,9 % des appartements. En 2001, ce nombre était de 95 875, représentant 7,7 % des logements. Selon la Corporation des propriétaires immobiliers du Québec, ce problème serait plus grave encore avec un taux de 30 % du parc de logements. Malheureusement, ce phénomène va continuer à s'aggraver compte tenu du vieillissement de ce parc et du fait que celui-ci est de plus en plus délaissé par les propriétaires. Les organismes qui soutiennent les mal-logés, comme Logemen'occupe en Outaouais, constatent qu'une grande partie de ces logements ont des problèmes de structure, d'infiltration d'eau, de moisissures, d'isolation, de chauffage, d'équipement sanitaire, de vermine (souris, rats, raton laveur), d'insectes (punaises de lit, acariens, coquerelles), etc.

Au cours des dernières années, un nombre important d'études ont démontré les impacts de la qualité du logement sur la santé physique et mentale des occupants. Un grand nombre de maladies sont également associées aux problèmes des moisissures.

En 1976, le Canada et le Québec ont adhéré au Pacte international sur les droits économiques, sociaux et culturels qui mettait en œuvre une série de droits, dont celui «de toute personne à un niveau de vie suffisant pour elle-même et sa famille, y compris une nourriture, un vêtement et un logement suffisants [...]». Le Comité des droits économiques, sociaux et culturels de l'ONU, chargé de veiller au respect du Pacte et d'en préciser le contenu, indiquait en 1991 qu'il convient d'interpréter ce droit au logement comme «le droit à un lieu où l'on puisse vivre en sécurité dans la paix et la dignité». En 1986, la Charte d'Ottawa pour la promotion de la santé considérait le fait de pouvoir se loger comme étant une condition indispensable à la santé. La qualité d'un logement est maintenant reconnue comme un enjeu d'importance lorsque l'on aborde le thème de la santé des populations. Au Québec, le Programme national de santé publique 2003-2012 fixa, entre autres, un objectif qui stipule qu'il faut réduire la morbidité et la mortalité reliées à la mauvaise qualité de l'air intérieur ainsi que l'insalubrité dans les logements.

Beaucoup de locataires mal-logés choisissent de déménager plutôt que de continuer à habiter dans un logement dangereux pour leur santé et leur sécurité. Si certains ménages locataires arrivent à améliorer leur sort, le problème des taudis demeure entier puisque, faute d'être condamnés par les autorités publiques, ces logements infects sont rapidement reloués à d'autres ménages démunis qui vont y aménager. Faute de trouver mieux, plusieurs autres locataires sont contraints de rester dans leur taudis.

Pour contrer ce phénomène, une dizaine de municipalités seulement se sont dotées d'un règlement sur la salubrité des logements. Il s'agit de Montréal, Québec, Gatineau, Longueuil, Trois-Rivières, Sherbrooke, Granby, Saint-Hyacinthe, Rimouski et Châteauguay. En dépit de cela, de manière générale, tous les organismes d'aide aux mal-logés impliqués dans ces municipalités voient le nombre de demandes relatives aux problèmes de logement augmenter. Force est donc d'observer que ces codes sont inefficaces ou bien mal appliqués ou encore parce qu'il n'y a pas de réelle volonté politique de s'attaquer véritablement à ce fléau. Pour les 1100 autres municipalités sans Code du logement comme Laval, la situation est pire. Les locataires aux prises avec des logements en mauvais état sont tout simplement laissés à eux-mêmes, n'ayant aucun recours auprès de leur municipalité.

Afin de corriger cette aberration, l'ensemble des groupes membres du RCLALQ et du FRAPRU réclament depuis plusieurs années déjà que le gouvernement du Québec adopte un code provincial type d'habitabilité définissant des normes suffisantes quant à l'entretien, la salubrité et la sécurité des logements et l'obligation que les municipalités intègrent à leurs pratiques les obligations prévues par le code. Cette revendication est également l'une des principales recommandations de la Commission populaire itinérante sur le droit au logement initié par le FRAPRU dont le rapport a été rendu public le 20 mars dernier.

Malgré l'état de la situation, Sylvain Gaudreault, l'actuel ministre responsable de l'habitation refuse de soutenir l'adoption d'un tel code sous prétexte qu'il s'agit d'une responsabilité municipale. Il soutient la même position que Laurent Lessard, son prédécesseur qui fut également ministre responsable du logement sous le gouvernement Charest.

Pour avoir abordé la chose avec ces deux ministres ainsi qu'avec le PDG de la SHQ, John Mackay, et Marc Bureau, maire de Gatineau et président du caucus des maires des grandes villes du Québec, je crois que les vrais motifs qui freinent réellement l'adoption d'un tel code provincial sont plutôt d'ordre économique que juridictionnel. Les autorités politiques savent très bien que l'adoption et une application rigoureuse d'un code national de salubrité (qui s'imposerait à l'ensemble des municipalités du Québec) provoqueraient un déferlement important de ménages sans logis et nécessiteraient la mise en place d'une série de mesures sociales pour les aider à se reloger rapidement et convenablement. À court terme, cela supposerait de réactiver et bonifier le programme d'aide aux ménages sans logis qui avait été mis de l'avant au début des années 2000 jusqu'en 2006 dans plusieurs municipalités du Québec et une bonification substantielle du programme AccèsLogis, le programme dédié à la réalisation de logement social.

La mise en place de telles mesures nécessiterait des déboursés que le gouvernement du Québec n'est pas disposé à faire, «déficit zéro» et programme néolibéral d'austérité budgétaire obligent. Avec des propos à peine voilés, on préfère voir ces ménages continuer à vivre dans ces logements infects au lieu de mettre en place une série de mesures visant à améliorer leurs conditions de bien-être comme lui commande le Programme national de santé publique. Comment comprendre une telle orientation budgétaire lorsqu'il est démontré que chaque dollar investi en logement social équivaut à une économie de deux dollars en frais de santé?

La crise du logement est une manifestation directe de l'aggravation des inégalités sociales. Au terme de ses travaux, les commissaires de la Commission populaire itinérante sur le logement sont venus à la conclusion que la violation du droit au logement des plus vulnérables de notre société est tout simplement inacceptable puisque cette négation entraîne également celle de plusieurs autres droits humains fondamentaux. Pour contrer cette dérive inadmissible dans un pays aussi riche que le nôtre, ils recommandent, entre autres, que le gouvernement du Québec adopte rapidement une politique nationale d'habitation et un ensemble de mesures publiques pour corriger le tir, dont l'adoption d'un code national de salubrité. Nous ne pouvons qu'être en parfait accord avec cette série de recommandations.

À cela, il m'apparaît aussi approprié d'y ajouter la remise en place et la bonification du programme d'aide d'urgence aux ménages sans logis ou mal-logés afin que ceux-ci puissent rapidement améliorer leur situation et retrouver une certaine dignité. Alors que le gouvernement Marois s'apprête à faire adopter, à l'automne prochain, une Politique de lutte à l'itinérance où l'accès à un logement convenable et abordable sera l'un des enjeux centraux de cette future politique, il nous apparaîtrait incohérent que le ministre Gaudreault ne soutienne pas rapidement la mise en place de telles mesures qui s'inscrivent tout à fait dans les orientations de lutte à l'itinérance souhaitées par le présent législateur et fort possiblement par l'ensemble des autres partis présents à l'Assemblée nationale.

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