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Quand notre cerveau devient confus

Les batteries de notre cerveau sont précieuses et nos fonctions mentales en dépendent, mais elles ont des limites et il est important de tenir compte de leurs fluctuations.
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«J'étais dans la lune, tu peux répéter?», «Est-ce que j'en ai raté un bout?», «Par moments, on dirait qu'elle n'est pas tout à fait là.» Notre cerveau doit être en alerte pour bien fonctionner, sinon nous devenons absents ou confus.

S'éveiller, ce n'est pas seulement sortir du sommeil. Notre cerveau modifie constamment son niveau d'alerte ou de vigilance selon ses besoins. Pour se faire, il utilise des batteries qui modulent le niveau d'excitation dans ses circuits. Grâce aux systèmes modulateurs, les circuits du cerveau s'allument et maintiennent un certain niveau d'activité. Sans ces batteries, les circuits qui permettent les fonctions mentales et la conscience sont inertes.

Les batteries du cerveau sont essentielles pour rester conscients. Un boxeur qui s'est évanoui après un coup à la tête ou un enfant qui a perdu conscience après une émotion forte ont tous les deux subit une panne temporaire dans leurs systèmes modulateurs situés à la base du cerveau. Cette panne est souvent provoquée par une baisse de circulation sanguine. Durant ces pertes de conscience, les fonctions mentales et la conscience ne peuvent être démarrées car même si les circuits cognitifs sont intacts, ils restent dormants tant qu'ils ne sont pas mobilisés par les batteries du cerveau. Les chocs à la tête ou les infections qui affectent les batteries du cerveau entrainent souvent un coma ou un état de conscience minimal de durée variable et parfois, selon les dommages au cerveau, la personne peut s'éveiller après des années (voir le cas de Terry Wallis).

Les batteries du cerveau sont aussi responsables de la vigilance qui aiguise nos sens. La vigilance augmente notre degré de présence face à notre environnement, notre sensibilité aux stimulations et la clarté de nos perceptions.

Le matin après un café, notre attention est plus nette. Mais notre vigilance ne reste pas longtemps à son niveau optimal. Les fluctuations de la vigilance peuvent nous faire rater des choses importantes ou rares. Après 3 heures d'une tâche monotone (ex.: surveillance d'un écran), on peut facilement rater des informations. Les personnes dans la lune font souvent répéter les autres parce que leur vigilance se désengage temporairement de la conversation. Nombre d'accidents sont aussi dus à des fluctuations de vigilance. Dans plusieurs cas, le manque de sommeil est en cause, mais parfois il s'agit de fluctuations naturelles ou pathologiques de la vigilance.

La vigilance aiguise aussi nos réactions: elle augmente notre préparation à agir et accélère et raffine nos actions. Les baisses de vigilance peuvent ralentir nos réactions de quelques fractions de secondes critiques (ex.: quand on s'endort au volant, quand on joue à un jeu rapide sous l'effet de l'alcool). La vigilance mobilise aussi nos systèmes motivationnels. Le bruit ambiant peut nous garder en alerte pour travailler. Les stimulants donnent envie d'accomplir des choses autant qu'ils aiguisent l'attention. La stimulation sociale peut nous garder alertes, nous motiver ou même améliorer notre humeur.

La vigilance sert aussi à tenir à jour nos repères pour se situer dans l'espace (on est où) et dans le temps (on est quand). Ces repères spatiaux et temporels sont issus de notre mémoire des lieux et des moments traversés récemment. La plupart du temps, ces connaissances sont mises à jour presque inconsciemment et elles sont prises pour acquis. Mais les repères spatiaux et temporels peuvent faire défaut. Plusieurs personnes montrent une certaine désorientation spatiale ou temporelle quand elles se réveillent ou quand elles commencent à s'endormir (un état confusionnel mineur). D'autres personnes montrent des états confusionnels plus importants. Elles ne reconnaissent pas leur environnement immédiat ou ne peuvent le situer par rapport à d'autres endroits. Ou encore elles ne peuvent situer le moment présent dans une ligne de temps (ex.: le mois de l'année ou le moment de la journée).

L'état confusionnel touche plusieurs personnes ayant des atteintes au cerveau (ex.: maladie d'Alzheimer, épilepsie). Dans certains cas, l'entourage peut sembler étrange, les rêves et la réalité sont parfois confondus. La personne peut aussi être agitée et montrer de l'anxiété ou des changements d'humeur. L'état confusionnel est aussi fréquent chez les personnes dont les systèmes de vigilance sont affectés par un trouble physique (ex.: diabète, hypertension, infections urinaires, déshydratation), par des drogues ou médicaments (benzodiazépines, opiacés) ou par une chirurgie avec anesthésie générale. Certaines personnes qui ont un trouble neurologique proche de la maladie de Parkinson (maladie à corps de Lewy) montrent des fluctuations majeures de la vigilance plusieurs fois par jour, passant d'un état lucide à un état confus et léthargique en quelques minutes.

La vigilance est aussi essentielle pour accéder à nos connaissances et les utiliser. Une personne fatiguée après un effort soutenu peut avoir des problèmes à trouver certains mots ou manipuler des informations. Un enfant qui manque de sommeil peut ne pas se rappeler ce qu'il a appris la veille. Les gens qui s'éveillent à moitié la nuit ou qui s'éveillent lentement peuvent temporairement avoir des problèmes à parler ou comprendre ou encore à enregistrer des informations pour s'en rappeler plus tard (ex.: tu es sûr que tu m'as dit ça cette nuit?). Lors de leur semi-réveil, leur vigilance n'était pas assez activée pour que leurs circuits cognitifs fonctionnent de façon optimale.

La vigilance nous fait aussi retenir les évènements marquants (ex.: première rencontre, naissance de nos enfants, attentats terroristes). Quand un évènement marquant survient, l'adrénaline, qui est distribuée dans nos circuits cognitifs par les systèmes modulateurs, nous aide à renforcer les connexions qui servent à retrouver l'évènement plus tard.

Nos batteries cérébrales ajustent notre niveau de vigilance à chaque instant selon nos besoins. Les parties avant de notre cerveau (le Google de notre cerveau) dosent la quantité de vigilance nécessaire à chaque moment (ex.: 4 X 8 = ? effort léger, 14 X 18 = ? effort modéré). Une tâche complexe mobilise des circuits cérébraux plus nombreux et nécessite donc plus d'énergie des batteries de notre cerveau. On est plus fatigué après une journée de nouvelles expériences qu'après une journée de routine à cause de l'état d'alerte constant qui est nécessaire pour absorber les nouvelles expériences.

La vigilance est essentielle mais ses excès sont nuisibles. Comme les baisses de vigilance, l'hypervigilance peut nuire à la performance. L'hypervigilance est une sensibilité excessive à la stimulation. Elle nuit à la concentration car elle nous pousse à porter attention aux distractions au lieu de les bloquer. L'hypervigilance se voit chez les personnes qui ont des difficultés à s'endormir ou chez celles qui ont un trouble anxieux comme le stress post-traumatique. On l'observe aussi chez les personnes qui prennent des stimulants (ex.: amphétamines). Elles peuvent parfois être hypersensibles au bruit ou aux évènements menaçants ce qui peut entrainer des surinterprétations ou des idées paranoïaques.

L'état d'alerte, c'est épuisant! Qu'elle soit due à l'effort mental soutenu ou à la surstimulation (bruit, stress, émotions), la vigilance prolongée entraine une fatigue mentale, un épuisement des fonctions cognitives (ex.: difficultés d'attention, de raisonnement ou de mémoire). La fatigue mentale affecte la tolérance à l'effort et peut nous faire voir des tâches simples comme des montagnes. Souvent, un repos et des activités agréables suffisent à remettre les systèmes de vigilance en forme. Mais il faut parfois intervenir sur les sources d'épuisement (bruit, stress, interactions malsaines).

Dans le syndrome de fatigue chronique, l'épuisement est ressenti même au repos et il est souvent accompagné de troubles cognitifs et de douleurs. On ignore la cause de ce syndrome, mais une hypothèse est que les systèmes d'activation du cerveau sont perturbés par un dysfonctionnement du système immunitaire.

Les batteries de notre cerveau sont précieuses et nos fonctions mentales en dépendent, mais elles ont des limites et il est important de tenir compte de leurs fluctuations chez nous-même et chez nos proches.

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