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Quelque chose ne tourne pas rond en éducation

Considérons-nous réellement les enfants handicapés comme des personnes en mesure de se développer? Leur donne-t-on les moyens de s'en sortir?
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Tout ce qu'un parent souhaite, c'est que son enfant soit en bonne santé et se développe bien. Et c'est ce qui arrive très souvent, heureusement.

Mais parfois, la vie fait que ce n'est pas le cas...

Parfois, la maladie est sournoise et ne présente pas de symptômes physiques. Elle trouble, mais de manière invisible.

Je pense par exemple aux enfants ayant un trouble du langage ou du spectre de l'autisme. À ceux affectés par une déficience intellectuelle, des problèmes de santé mentale, des troubles d'apprentissage ou tout autre problème qui les empêche d'apprendre à lire, écrire, compter, communiquer et participer à la vie sociale aussi vite et aussi bien que les autres.

Ces enfants sont reconnus comme handicapés et bénéficient de services du système de santé et d'éducation. Enfin, ils essaient de recevoir le minimum auxquels ils ont droit, mais ils se butent à des absurdités, des incohérences et des décisions qui compromettent leur développement.

Tout d'abord, les parents de ces enfants ont droit à des aides financières pour soutenir leurs enfants dans leurs besoins particuliers. Ils sont reconnus comme handicapés par le gouvernement fédéral et ont droit à un crédit d'impôt et une allocation par l'Agence du Revenu du Canada (calculés selon leurs revenus). Si tant est que l'on soit capable de prouver, par des rapports médicaux ou de professionnels, le handicap que subit le jeune, ces aides sont accessibles.

Au Québec, cependant, nous observons une absurdité: ces enfants peuvent être reconnus par le Ministère de l'Éducation comme handicapés et avoir accès à des classes spéciales ou des services professionnels, mais ne sont pas forcément reconnus par la Régie des rentes pour être admissibles à une allocation pour enfant handicapé. Sont-ils handicapés à temps partiel?

En prenant en compte le resserrement des critères pour accéder à l'allocation et l'augmentation notable des demandes de réévaluation par un professionnel, on serait porté à croire que pour le gouvernement, le handicap semble à temps partiel en effet.

Si on peut attendre une dizaine d'heures aux urgences, si on peut attendre plusieurs mois pour des examens ou une opération, voire plus d'un an, pour un handicap invisible, on peut bien attendre plusieurs années... C'est le cas pour les services d'orthophonie, par exemple, qui sont de plus en plus inaccessibles.

Considérons-nous réellement ces enfants handicapés comme des personnes en mesure de se développer dans la société?

Si votre enfant de 2 ans ne parle pas du tout et que six mois plus tard, ça commence à peine, pour finalement constater qu'à 3 ans les progrès restent faibles, il est plus que temps de consulter une orthophoniste. Au CLSC, on vous fera attendre maximum 90 jours pour évaluer votre enfant. Une fois le retard de langage confirmé, on vous annoncera qu'il a besoin d'orthophonie, d'ergothérapie ou de psychologie. En dépit du fait que cette période soit cruciale dans le développement de votre enfant, eh bien... il patientera. Il attendra des mois durant, que la liste d'attente, s'étendant facilement de 18 mois à 2 ans, passe.

Comme dans toute bonne situation, si vous avez les moyens, vous irez au privé. Si vous ne les avez pas, c'est bien dommage.

Et si, par chance, votre enfant reçoit 8 séances d'orthophonie dans sa quatrième année dans le système public, soyez content et achetez-vous un billet de loterie, ou de la patience, car c'est loin d'être fini.

Il entrera ensuite à l'école et le système de santé transférera le dossier de votre tout petit au milieu scolaire, maintenant responsable d'assurer son suivi. Malheur! Dans les écoles, il n'y a pas assez d'orthophonistes pour offrir ces suivis. Alors, il devra recommencer à espérer. Espérer recevoir des services lui permettant de se rattraper, afin d'éviter d'être définitivement exclu dans un milieu où le langage est essentiel pour communiquer et apprendre.

Heureusement, vous venez d'ici. Le parcours est tumultueux, même si peu fructueux, mais il est faisable. Imaginez maintenant que vous arrivez d'un pays où la structure administrative est totalement différente? Imaginez que vous avez fui la guerre ou la pauvreté, que vous aspirez à une vie meilleure pour vos enfants. Imaginez vivre le même parcours quand on ne vient pas d'ici. À quel point ce chemin devient-il plus difficile? C'est sans compter la barrière linguistique et culturelle. D'autant plus lorsque les besoins de base (avoir un logement, manger, se vêtir) sont une priorité. Peut-on affirmer, alors, que les services sont accessibles?

La faute n'est pas à placer sur le personnel de la santé ou sur celui du milieu scolaire, qui font du mieux qu'ils peuvent avec les moyens dont ils disposent et les contraintes qui leurs sont imposées. Laisser des centaines d'enfants attendre sur des listes est loin d'être une satisfaction pour eux. C'est même souvent un poids qu'ils portent avec les familles. D'année en année, les critères d'accès aux services sont restreints, les services sont limités, et il faut justifier la moindre extension du temps de traitement avec les patients.

Et ce n'est pas par manque de professionnels, comme l'indiquait l'Ordre des psychologues du Québec dans son communiqué de presse du 2 mai dernier. Il manque tout simplement de postes pour répondre à la demande de la population. En attendant, sur place, les parents - tout comme les professionnels et les enseignants - se battent tous les jours, parce qu'ils sont attachés à l'avenir de leurs enfants, tout simplement parce qu'ils croient en eux.

Ont-ils fait le choix d'avoir un enfant différent avec des besoins particuliers? Non. Mais dans la plupart des cas, ils font le choix d'offrir le maximum à leur enfant. Parfois même au détriment de leur vie professionnelle. Et nous, en tant que société, faisons-nous le choix d'offrir le maximum aux enfants différents?

Considérons-nous réellement ces enfants handicapés comme des personnes en mesure de se développer dans la société malgré leurs difficultés et de devenir des citoyens qui contribuent à celle-ci? Leur donne-t-on les moyens de s'en sortir, ou distribue t-on des miettes pour éviter l'hémorragie? Est-ce que les politiques qui nous gouvernent les considèrent comme ayant la même valeur que les autres?

Certaines aberrations nous laissent sans voix pour l'avenir de ces enfants, qui deviendront adultes. Quel avenir pour eux? Seront-ils intégrés ou exclus?

Toutes ces questions sont perturbantes pour une société établissant ses fondations sur les principes de l'équité et de la dignité.

Nous avons créé une pétition pour changer l'éducation (que vous pouvez signer ici), pour changer notre vision de la situation, pour enfin considérer ces enfants au même titre que les autres et permettre une meilleure accessibilité aux services. Pour qu'ils puissent concentrer leurs énergies sur leur réussite, plutôt que de patienter sur une liste.

Exprimez votre soutien en quelques minutes, pour montrer que l'avenir de ces enfants vous tient à cœur. Car, définitivement, quelque chose ne tourne pas rond en éducation...

Ce billet de blogue a été écrit par François-Olivier Pinard-Herkel et Anne-Laure Gille, orthophoniste scolaire.

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Mai 2017

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