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Nous, les enseignants, on est cheap?

Les profs ont un trop grand cœur et sont loin d'être. C'est précisément ce pour quoi ils se font manger la laine sur le dos. Ils imaginent, bâtissent et concrétisent des projets et des réussites à l'année longue, très souvent dans l'ombre, contre vents et marées,.
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Un collègue m'a montré l'article paru dans Le Devoir en fin de semaine intitulé Un boycottage insensé et injustifiable. Un article fort intéressant dans lequel monsieur Jean-Paul Gagné, conseiller bénévole du conseil d'administration de la Fondation de la Commission scolaire de Montréal, déplore la réaction des enseignants de la CSDM qui ont publiquement décliné l'invitation de contribuer financièrement à la Fondation à même leur paie.

Monsieur Gagné s'explique mal le fait que ces mêmes invités aient repoussé aussi vigoureusement ce qui leur a été offert de bonne foi, dans le but de relancer la réussite des élèves en difficulté. Il s'indigne du fait qu'on rattache tout cela à de la déresponsabilisation gouvernementale en termes de financement et qu'on considère que les changements apportés à la gouvernance de la Fondation sont, en soi, un gage que la Fondation est non seulement digne de confiance, mais enfin prête à surmonter les défis auxquels elle tente de s'attaquer. Il termine enfin en mentionnant que tout cela ne devrait susciter qu'un enthousiasme à participer, employés comme parents, afin d'assurer «l'épanouissement et le développement de nos enfants et l'avenir de notre société».

Voyez-vous monsieur Gagné, le gros problème que nous avons, mes collègues et moi, avec votre article, c'est que vous nous traitez, finalement, de cheap. Et les profs - ou enseignants selon votre école de pensée - sont loin d'être cheap. En fait, c'est probablement leur philanthropie justement qui se trouve à être leur plus grand défaut. Combien d'entre nous ont de la misère avec la simple idée de respecter leurs heures de travail question d'arriver à corriger pour leur permettre de revoir des trucs avant l'examen? Question de revenir en récupération, encore une fois, parce qu'on le sait capable et qu'on veut tellement que ses efforts soient récompensés, pour une fois? Question d'appeler ou de rencontrer les parents en fonction de leurs disponibilités pour redresser rapidement la situation, afin d'éviter que ça ne mette en péril son étape? Combien d'entre nous, croyez-vous, ont déjà investi de leurs poches pour améliorer leur classe? Leur coin lecture? Leur mobilier? Leur système de récompense? Leurs affiches pour améliorer la révision?

Du temps supplémentaire gratuit et des sous, monsieur Gagné, les profs ont en déjà donnés en masse. Des sous prélevés à même leurs revenus en plus. Des sous que les profs ont choisi d'investir parce que la déplorable offre de services de leur commission scolaire ou de leur école était tout simplement inacceptable à leurs yeux. Des sous qu'on tente souvent d'éviter de dépenser, parce que le faire n'a pas d'allure, parce que ce n'est pas normal ni supposé être ainsi, mais qu'on dépense quand même parce que ne pas le faire est encore pire à nos yeux.

Les profs ont trop grand cœur et sont loin d'être cheap. C'est précisément ce pour quoi ils se font manger la laine sur le dos. Ils imaginent, bâtissent et concrétisent des projets et des réussites à l'année longue, très souvent dans l'ombre, contre vents et marées, et lorsque vient le temps de reconnaître leur travail en renégociant leurs conditions de travail, il semble que ça ne mérite pas tellement plus qu'un gros 500 $ en forfaitaire avec un «Lâchez pas» et des coupes dans les services éducatifs à la grandeur de la province.

Les profs et le reste du personnel scolaire soutiennent à bout de bras un système scolaire décrépit et la CSDM en est probablement le plus bel exemple. Alors lorsqu'une Fondation dont la gouvernance a été renouvelée pour être véritablement indépendante (ne se devait-elle pas de l'être depuis le début?) vient nous dire qu'on fait preuve d'«aveuglement philanthropique» dans le Devoir, sachez que ça m'insulte. Et que c'est nier tout ce que j'ai donné depuis presque 10 ans. Donner pourquoi? Je me le demande encore, parce que ces dernières années, on me met de plus en plus de barreaux dans les roues en sachant très bien que la réussite des plus démunis en sera affectée, pour ensuite me dire que c'est la qualité de l'éducation le problème. La qualité.

Heureusement, ce qui me rassure dans votre cri du cœur, monsieur Gagné, c'est que vous avouez en toute honnêteté que la réussite de nos jeunes est en péril à la CSDM et que pour y remédier, il faut de l'argent. Il en va de l'avenir de notre société.

Comme j'ai déjà investi assez de mon montant forfaitaire imposable dans des collants, des cahiers, des crayons et autres pour ma classe, que mon épicerie coûte de plus en plus cher et que je doive payer de plus en plus pour ma santé, il ne me reste que mon support. J'offre donc tout mon support à la Fondation et vous invite à déposer vos sollicitations financières dans les pigeonniers du Parti libéral, très à l'aise avec l'idée des dons et de tout ce que cela implique.

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