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Le Liban: dans la tourmente de l'affrontement Iran et Arabie Saoudite

Une guerre sur son territoire aurait des conséquences imprévisibles et pourrait rapidement dégénérer.
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Guerre catastrophique au Yémen contre les Houthis, tentative d'isolement du Qatar et plus récemment spectacle surréaliste de Saad Hariri, le premier ministre libanais, rappelé de manière soudaine en Arabie Saoudite, d'où il annonce sa démission.
Mohamed Azakir / Reuters
Guerre catastrophique au Yémen contre les Houthis, tentative d'isolement du Qatar et plus récemment spectacle surréaliste de Saad Hariri, le premier ministre libanais, rappelé de manière soudaine en Arabie Saoudite, d'où il annonce sa démission.

Les défaites du groupe État islamique en Irak et en Syrie semblent avoir comme principale conséquence, pour l'instant, de provoquer un repositionnement stratégique dans la région, particulièrement en faveur de l'Iran. Son influence déjà grande auprès du gouvernement de Bagdad en sort renforcée. Ainsi, sans l'aide militaire de Téhéran et des unités d'élite chiites irakiennes ce dernier n'aurait jamais pu reprendre ses territoires.

En plus de villes jadis occupées par les djihadistes, comme Mossoul, les Irakiens viennent de mettre fin au contrôle kurde de la ville stratégique de Kirkouk, sans véritable combat. Ce développement, orchestré apparemment par les Iraniens, a aussi probablement mis fin aux velléités d'indépendance du Kurdistan. En Syrie, sans l'aide des Russes, du Hezbollah libanais et des Iraniens eux-mêmes Bachar al Assad ne se serait pas maintenu au pouvoir.

Tout cela a de quoi inquiéter les pays arabes d'obédience sunnite. Faute de compétition c'est l'Arabie saoudite qui s'impose désormais comme leur leader face à Téhéran.

Actuellement, c'est le prince héritier Mohamed Bin Salman (MBS pour les intimes) successeur présumé du Roi actuel qui fait parler de lui. Il provoque une accélération des changements politiques à Ryad tant sur le plan domestique qu'international. Ainsi des réformes sociales ont été annoncées indiquant une modeste libéralisation particulièrement pour les femmes. Elles furent suivies d' une vague d'arrestations qui a expédié des princes et hommes d'affaires saoudiens accusés de corruption au Ritz Carlton de Ryad, prison six étoiles.

Ce qui se passe dans le sérail des Saoud a toujours été opaque et continuera de l'être, car MBS n'a aucunement l'intention de changer les bases structurelles du pouvoir, mais simplement de renforcer le sien et de la famille régnante.

On peut se demander cependant si tous ces bouleversements au plan intérieur ne mettront pas en péril la stabilité qui prévalait au Royaume.

On peut se demander cependant si tous ces bouleversements au plan intérieur ne mettront pas en péril la stabilité qui prévalait au Royaume. Si pour l'instant il n'y a pas de résistance, nul ne sait si c'est simplement l'effet de surprise ou si la modernisation du pays reçoit vraiment l'appui de la population et du clergé alors que les revenus pétroliers diminuent ainsi que les réserves en or noir. Seuls les prochains mois nous le diront.

Mais c'est au plan international que les décisions impulsives de MBS inquiètent. Un vent de panique anti-iranien semble s'être mis en place à Ryad. Guerre catastrophique au Yémen contre les Houthis, tentative d'isolement du Qatar et plus récemment spectacle surréaliste de Saad Hariri, le premier ministre libanais, rappelé de manière soudaine en Arabie Saoudite, d'où il annonce sa démission. Il se dit libre de ses mouvements et qu'il retournera au Liban bientôt tout en laissant planer le doute sur son avenir. Il a expliqué son geste par crainte pour sa sécurité et critiqué le rôle du Hezbollah en dehors des frontières libanaises et de l'influence iranienne sur son pays.

Quelles ont été les pressions exercées sur Hariri? Financières, politiques? Comme on le sait, les liens entre les Hariri et l'Arabie Saoudite ne datent pas d'hier. Leur fortune y a été faite dans le secteur de la construction (leur compagnie serait en faillite) et l'ancien premier ministre libanais est aussi citoyen saoudien. Avait-il été mis en place à Beyrouth pour servir les intérêts saoudiens qui voyant que cela ne marchait pas ont mis fin unilatéralement à sa mission? Tout cela est bien étrange.

Ayant été pendant des siècles traités comme des citoyens de deuxième classe en Irak et au Liban notamment, ils ont depuis la révolution islamique de l'Ayatollah Khomeini, relevé la tête.

Quoi qu'il en soit les chiites prennent leur revanche sur l'histoire. Ayant été pendant des siècles traités comme des citoyens de deuxième classe en Irak et au Liban notamment, ils ont depuis la révolution islamique de l'Ayatollah Khomeini, relevé la tête. Ils sont unis et bien organisés.

Évidemment cela peut inquiéter. La menace de l'arme atomique est écartée pour le moment, grâce à l'accord que le président Trump veut terminer, mais l'Iran se renforce géographiquement directement ou à travers ses alliés. Du point de vue de Téhéran, il s'agit de contrecarrer l'influence des «satans américains et israéliens» dans la région et de s'assurer que les mollahs gardent leur autorité religieuse et politique.

Cette reconfiguration était à prévoir, mais prend de court les régimes sunnites. Tout cela est allé plus vite que prévu.

Israël qui, lors du conflit en Syrie et en Irak, était resté passablement à l'écart, se contentant de regarder le monde arabe s'entre-déchirer, commence aussi à se poser de sérieuses questions. Le Hezbollah est ressorti renforcé du conflit syrien, aux plans militaires et politiques. D'autre part, les Iraniens pourront bénéficier d'un corridor en Syrie permettant de transporter des armes au Hezbollah.

Est- ce que des forces iraniennes et du Hezbollah resteront sur place une fois le contrôle complet du territoire syrien acquis? On peut penser que ce serait le cas, du moins pour un certain temps, pour asseoir le régime Assad. Pareille situation pourrait être totalement inacceptable pour Israël.

Tout est possible dans ce coin du monde, mais Israël a-t-il intérêt de se lancer dans un conflit qui serait sûrement coûteux en pertes militaires et civiles des deux côtés?

Au Liban, l'épisode Hariri et l'appel de plusieurs pays du Golfe fait à leurs citoyens de quitter ce pays font craindre à une nouvelle guerre. On y évoque un scénario qui verrait les Saoudiens utilisant les Israéliens pour tenter de détruire Hezbollah. Tout est possible dans ce coin du monde, mais Israël a-t-il intérêt de se lancer dans un conflit qui serait sûrement coûteux en pertes militaires et civiles des deux côtés? Et pour faire plaisir à MBS? Qui n'a jusqu'à maintenant pas fait preuve de beaucoup de clairvoyance dans ses aventures de politique étrangère. Cela reste à voir.

La communauté internationale quant à elle appelle au calme et au respect de l'indépendance du Liban. Sera-t-elle écoutée? Et avec un Donald Trump à Washington complètement incompétent et inspiré par des ventes d'armement à l'Arabie Saoudite, cela n'a rien de rassurant.

Le Liban pourrait encore une fois se retrouver au coeur des confrontations moyen-orientales. Une guerre sur son territoire aurait des conséquences imprévisibles et pourrait rapidement dégénérer.

Décidément, cette région est en convulsion permanente. Son destin apparaît comme une suite sans fin de crises et de souffrance.

Mais on rapporte que l'administration Trump travaille sur un plan pour régler le conflit israélo-palestinien. Dans le contexte régional décrit plus haut on ne peut que lui souhaiter beaucoup de chance!

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