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Contrairement aux prémisses de son analyse, le temps joue définitivement en faveur des unionistes. Parce que le conservatisme d'un électorat augmente en fonction de son âge, il se fait déjà très tard pour la cause souverainiste.
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Le Québec et Israël partagent, au grand déshonneur de chacun, une incongruité tant sociologique que législative indigne d'un pays se voulant régi en accord avec les canons du droit constitutionnel et ceux du libéralisme. Le silence complice cautionnant la discrimination que subit un certain groupe allogène témoigne, de façon éloquente, du mépris réciproque qui caractérise sa relation avec l'ethnie majoritaire.

En effet, les exemptés ne se formalisent pas outre mesure que l'État hébreu oblige tous ses citoyens, sauf les Arabes, à remplir leur service militaire; de même, les anglophones ne se considèrent aucunement victimes de ségrégation quand la Belle Province exige que l'ensemble des enfants sur son territoire, à part les leurs, reçoivent une éducation publique dans la langue de Molière. Loin de s'insurger contre pareille exclusion institutionnelle, les évincés s'en réjouissent, à l'inverse, unanimement.

Or, un privilège qui isole marginalise son détenteur. À la vérité, le traitement égalitaire des membres qui s'en réclament déclencherait assurément, au sein des communautés dissidentes, une violente rébellion sociale. Aussi, seul le respect des valeurs démocratiques fondamentales réussira-t-il un jour à sortir ces deux entités du bourbier philosophique dans lequel elles se trouvent enlisées. Cependant, ni l'avènement d'une Franche-Amérique indépendante (République du Québec), pas plus que la libération d'une Palestine à nouveau unifiée ne saurait résoudre, de manière permanente, les conflits internes qui secouent aujourd'hui les populations concernées. Mais qu'importe si un tel revirement de situation entraînait la permutation des maux qui, auparavant, affligeaient l'une et l'autre, puisqu'à bien y penser, qui ne substituerait pas volontiers au vacarme des bombes un vulgaire débat sur l'affichage commercial, ou aux querelles linguistiques incessantes un contingent d'objecteurs de conscience?

Au lendemain du référendum de 1995, un chantre du camp victorieux (1) exprima l'opinion que la popularité de l'option séparatiste, chez les jeunes francophones, semblait préfigurer un dépouillement de scrutin différent si, dans un plus ou moins bref intervalle, on invitait les Québécois à se prononcer derechef sur la question nationale. Selon ce commentateur chevronné, il incombait dorénavant aux autorités centrales de favoriser une immigration accrue en sol canayen, afin de renverser l'avancée d'un mouvement sécessionniste recueillant à cette époque l'appui de presque la moitié des bulletins tabulés.

Mais contrairement aux prémisses de son analyse, le temps joue définitivement en faveur des unionistes. Parce que le conservatisme d'un électorat augmente en fonction de son âge, il se fait déjà très tard pour la cause souverainiste. En démocratie, autant qu'au sein d'une famille, le désir d'autonomie animant les générations montantes se heurte de front à la peur du changement qui paralyse leurs aînés. Sans distinction de classe appréciable, la crainte des perturbations économiques diminue nettement la volonté d'émancipation que manifestent les électeurs interpelés. D'ailleurs, bon nombre d'individus préfèreront toujours le confort d'une servitude familière à l'incertitude qui tourmente inlassablement les hommes libres. L'inertie résiste avec acharnement aux élans des plus enthousiastes réformateurs.

Du reste, bien que 50 % +1 des votes suffisent à combler les attentes d'un gouvernement à la recherche du mandat lui permettant de négocier les termes d'une union remodelée, le soutien d'un projet indépendantiste, quant à lui, requiert plutôt l'obtention d'une majorité qualifiée des suffrages. Compte tenu du score nécessaire à l'atteinte de l'objectif en vue duquel ils militent, les partisans républicains verront bientôt la réalisation de leur but confrontée à une improbabilité statistique progressivement plus implacable. Les fédéralistes devraient toutefois se raviser avant de jubiler, sachant que ce genre de scénario mène habituellement en droite ligne vers une guerre civile inextricable, le révolutionnaire à qui l'on barre la voie des urnes empruntant souvent au détour celle des armes pour arriver à ses fins.

Les minorités constituent, par définition, des nations dénuées d'État. En raison de sa précarité inhérente, un statut semblable ne se révélera jamais autre que provisoire; car une société qui ne maîtrise pas son destin s'avère, inévitablement, vouée à disparaître. Les cultures qui baignent en milieu étranger se conservent fort mal. Toutes, sans exception, arborent une date d'échéance qui varie en proportion de leur degré d'immersion démographique; la péremption résultant d'une assimilation graduelle ou, cas moins fréquent, d'une brutale campagne d'extermination. L'émancipation politique offre donc l'unique alternative à leur éradication éventuelle.

Le sort ultime du peuple franc d'Amérique n'échappe point à cette logique. Que les Français du Nouveau Monde choisissent enfin d'entreprendre une action décisive concernant leur avenir, ou encore continuent à laisser passivement les événements se précipiter autour d'eux, un contentieux historique les mobilisera afin de livrer une série de batailles dont l'issue déterminera, non seulement leur propre futur, mais également, par procuration, celui de l'humanité entière. Dans les circonstances, les rois de nos ancêtres germaniques ne pouvaient adopter emblème identitaire plus approprié qu'un sceptre à fleur de lys, représentation stylisée d'un fer de lance d'angon, symbole guerrier d'une tribu qui semble éternellement condamnée à se battre pour survivre.

(1) Michael Ignatieff - écrivain et futur chef du parti whig canadien - sur les ondes du réseau de télévision CBC Newsworld.

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