En 2007, Warren Buffett proposa une gageure aux barons de la haute finance : assemblez un portefeuille composé d'au moins cinq fonds activement gérés dont le rendement sur dix ans dépassera celui du S&P 500. Les participants devaient s'engager à verser un million de dollars à un organisme de charité choisi par le gagnant du pari. Un seul dirigeant de Wall Street accepta de relever le défi. Ted Seides, de la firme Protégé Partners, sélectionna cinq portefeuilles formés d'une panoplie de fonds de couverture à la tête desquels se trouvent certains des cerveaux les plus réputés et les mieux rémunérés du monde des affaires.
Ces gestionnaires de capitaux chevronnés emploient des stratégies sophistiquées qui permettent de profiter d'un environnement tant haussier que baissier. Le président de Berkshire Hathaway, pour sa part, jeta son dévolu sur un fonds Vanguard à gestion passive qui réplique tout bonnement la performance de l'indice. Du 1 janvier 2008 au 31 décembre 2017, le rendement annualisé des cinq portefeuilles de Seides se chiffra entre 0,3 % et 6,5 %, le meilleur du groupe affichant un gain total de 87,7 % durant la période. Le fonds de Buffett, quant à lui, augmenta de 8,5 % en moyenne annuellement et enregistra une hausse globale de 125,8 % au cours de la même décennie. La lucidité légendaire de l'Oracle d'Omaha l'emporta donc finalement sur la témérité de ceux qui privilégient la sélection de titres.
Quelqu'un demanda un jour à J. P. Morgan comment la bourse allait évoluer. « Elle va fluctuer », lui répondit le financier. Cette boutade apocryphe se veut une mise en garde pour quiconque tenterait de synchroniser ses transactions en fonction des mouvements du marché qu'il anticipe, car comme le dit si bien le dicton, faire des prédictions s'avère difficile, surtout quand elles concernent le futur.
Les plus sobres prévisions se voient quotidiennement confrontées à des scénarios catastrophiques.
En effet, les épargnants ne se comportent pas toujours de manière rationnelle. La moindre rumeur, fondée ou non, risque de déclencher un vent de panique dans leurs rangs. La nervosité qui les caractérise pousse les investisseurs à de fréquentes sautes d'humeur. Une foule d'événements fortuits menace à tout moment de bouleverser les plus savantes analyses. Le hasard perturbe souvent des plans les mieux élaborés. Les plus sobres prévisions se voient quotidiennement confrontées à des scénarios catastrophiques. Les manchettes spectaculaires volent constamment la vedette aux réflexions pondérées. La notoriété de certaines idées saugrenues rivalise avec la sagesse populaire en retentissement. Les consensus se butent obstinément à des opinions contradictoires. Ainsi, les forces divergentes qui s'opposent à répétition créent de la volatilité sur les marchés.
La formule magique pour faire fortune en bourse ne constitue un secret pour personne : il suffit de courir les aubaines et, une fois acquises, de les revendre à prix fort. Bien qu'elle s'apparente à une vérité de La Palice, très peu d'investisseurs parviennent, sur une base régulière, à appliquer les leçons de cette simple maxime. De la théorie à la pratique, il y a loin de la coupe aux lèvres. Évidemment, des millions d'investisseurs obtiennent un rendement supérieur à celui du marché chaque année. Mais peuvent-ils s'attendre à répéter l'exploit sur une longue période ? Rien n'est moins sûr ! Le passé n'est aucunement garant de l'avenir. Premier de classe aujourd'hui et cancre demain. Après tout, même une horloge arrêtée a raison deux fois par jour.