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Guère de religion

Dieu n'existe pas, le corps des hommes n'héberge point d'âme et aucune force surnaturelle ne s'oppose au hasard dans la mise en œuvre de leur destin.
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Dieu n'existe pas, le corps des hommes n'héberge point d'âme et aucune force surnaturelle ne s'oppose au hasard dans la mise en œuvre de leur destin. Pourtant, la relation qu'ils entretiennent avec l'univers immatériel constitue une référence sociale commune à l'ensemble des habitants de la Terre. En effet, pendant que les animistes prononcent des incantations pour refouler les entités maléfiques, les polythéistes offrent, en guise d'expiation, des sacrifices censés apaiser la colère d'une constellation de divinités et d'autres encore s'arrogent, suite à la médiation d'un prophète, le pouvoir incommensurable d'un Créateur bienveillant. La pratique religieuse émane donc d'une croyance intrinsèque au genre humain qui transcende les époques autant que les cultures. Étant donné l'origine primordiale de ses convictions, c'est en remontant l'arbre généalogique de l'humanité que l'on découvrira les racines du phénomène de la spiritualité.

Les animaux développent au cours du processus évolutif un instinct de préservation qui se manifeste chez l'Homo sapiens par une peur innée de mourir. Les sujets dont le comportement prudent favorise la longévité augmentent leurs chances de se reproduire et, par conséquent, de perpétuer ce trait de caractère à travers une nombreuse descendance. En revanche, une personnalité téméraire entraîne de fâcheuses retombées pour la lignée d'un géniteur si le mépris du danger qu'il exhibe se solde par une disparition prématurée. La recherche d'un sentiment de sécurité, exacerbée par le succès démographique qu'elle engendre, atteint son paroxysme quand les générations qui en résultent se trouvent confrontées à la finalité de leur existence. Le patrimoine génétique collectif, imprégné d'inquiétudes qui datent de temps immémoriaux, prédispose les masses à prêter une oreille attentive aux paroles lénifiantes d'un leader charismatique qui prétendrait apporter des réponses à leurs interrogations fondamentales. Une succession de gourous élaborèrent au fil des siècles maints scénarios dans le but de convaincre les fidèles que leur passage sur cette planète ne s'avère qu'une étape à franchir vers une destination rêvée. Pareilles théories ne visaient toutes qu'un unique dessein : réconforter de simples mortels épouvantés à la perspective du sort ultime qui les attend. La foi en l'au-delà se révèle un mécanisme d'autodéfense psychologique conçu afin d'atténuer les craintes héréditaires d'une espèce en quête d'éternité.

La vie dans un environnement en constante mutation comporte des risques inhérents qu'aucune précaution ne saurait totalement éliminer. Les individus demeurent à la merci d'événements fortuits qui mettent continuellement en péril leur sûreté. Réfractaires au changement, ils perçoivent dans les banalités du quotidien une rassurante familiarité qui semble, momentanément du moins, les éloigner de la déchéance appréhendée. Persuadés que le passé se montre garant de l'avenir, ces croyants primitifs tentent de conjurer diverses menaces en répétant de manière compulsive les gestes qu'ils estiment jusque-là responsables de leur salut. Conscients de leur impuissance face aux impondérables qui les guettent en ce bas monde, l'espoir d'une intervention céleste leur procure néanmoins un certain degré de sérénité; les dévots attribuant volontiers à la Providence tout dénouement heureux et interprétant avec fatalisme les épreuves qui surviennent comme un châtiment du ciel. La plus vulgaire superstition acquiert l'importance d'un rituel liturgique à l'instant précis où elle requiert la gravité de l'enjeu; rien n'attise la ferveur eschatologique davantage que l'imminence d'une catastrophe. Aussi l'objectif de la piété consiste-t-il à se mériter, par le biais de cérémonies solennelles, les bonnes grâces d'une déité en vue de bénir les activités qui assurent à une population sa subsistance. Voilà pourquoi les peuples agraires vouent un culte au soleil, les éleveurs de bétail vénèrent une vache sacrée et les nations asservies prient pour que l'avènement d'un sauveur hâte leur délivrance.

Quantité de mystères en apparence impénétrables s'éclaircissent subitement lorsqu'on les examine d'un angle rationnel. Prenons, à titre d'exemple, l'enfant terrorisé par les monstres qu'il imagine à l'affût sous son lit; ce gamin ne réalise évidemment pas qu'il partage ainsi les angoisses jadis ressenties par ses ancêtres primates qui, perchés dans les branches, redoutaient les prédateurs rôdant aux environs de leurs gîtes nocturnes. À la lumière de cette analyse anthropologique, un exégète comprendra aisément comment la phobie des serpents influença les auteurs bibliques lors du choix de la créature désignée pour incarner le rôle du démon dans la mythologie judéo-chrétienne.

Les sociétés tribales imposent à leurs membres un conformisme ne tolérant guère de dissidence. Dans ce contexte, le particulier qui épouse une doctrine singulière éveille nécessairement les pires soupçons de ses congénères. Un tel délit d'opinion expose le coupable à des sanctions susceptibles de dissuader celui qui oserait remettre en question l'orthodoxie ambiante. Nul besoin d'un tribunal ecclésiastique pour condamner quelqu'un à l'ostracisme. Le principe philosophique qui détonne soulève habituellement plus qu'une polémique. Il n'y a pas que les méthodes propres à l'Inquisition qui permettent de mener une campagne contre les hérétiques. La différence ne laisse jamais personne indifférent. Tandis que l'homme civilisé convertit les païens avec zèle, le barbare, quant à lui, se félicite d'occire les mécréants; à chacun son fanatisme. Parce que l'ouverture d'esprit exige des participants un effort cérébral considérable, il ne suffit pas d'apostasier afin que se dissipent sur-le-champ tous les dogmes. Au lieu de crier au blasphème dès que quiconque adopte un discours jugé contraire à la rectitude politique, les partisans de la démocratie devraient plutôt se méfier des bien-pensants, car c'est toujours au nom de la vertu que les prêcheurs de morale pourfendent la liberté.

Un athée ne peut rejeter péremptoirement la notion d'être suprême en appuyant son incrédulité sur des observations concrètes. Impossible de prouver une affirmation négative. Sans éléments concluants, un postulat semblable restera éternellement dépourvu de valeur scientifique. Mais qu'à cela ne tienne, le Très Haut pardonnera bien de son infinie miséricorde l'offense, puisque les débats théologiques excluent d'emblée des discussions le moindre argument qui relève d'une logique profane. Privés de la sorte d'un exutoire intellectuel crucial, l'intimidation devient par défaut l'instrument dont usent les vainqueurs pour réduire au silence leurs adversaires; seule la violence parvenant à clore de façon définitive ce type de controverse. Désireux de faire obstacle aux idées rétrogrades véhiculées par ceux qui confondent ignorance et tradition, un législateur intransigeant barrera la route aux intégristes en érigeant une série d'institutions laïques sur leur chemin, tâchant par ces manœuvres d'éviter à ses concitoyens les conflits sectaires qui découlent de rivalités confessionnelles et les affrontements génocidaires que livrent parfois les États corrompus par l'héritage manichéen des religions monothéistes.

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