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Syrie: une révolution arabe à saveur de crise humanitaire sans fin

Le contexte syrien s'envenime et la population civile continue à être accablée par les abominables réalités de la guerre. Il faut donc espérer une lutte plus silencieuse et penser aux moyens d'armer l'opposition syrienne en permettant l'accès humanitaire aux populations civiles. Bref, il faut s'engager et faire bien plus qu'un simple appel au calme.
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On a vu ces dernières années un mouvement sociopolitique historique dans certains pays du nord de l'Afrique et du Moyen-Orient. Pour les uns, il s'agit de révolutions nécessaires pour tendre vers des projets démocratiques; pour les autres, il s'agit de complots occidentaux visant à déstabiliser une région qui se perd aux mains de mouvements islamiques. Dans tous les cas, le résultat est le même: les réalités de la guerre se reproduisent indistinctement des contextes et nous font comprendre à quel point il ne faut pas prendre les «révolutions» à la légère.

En fait, qui gagne à faire la révolution? Par exemple, à l'annonce de la libération possible d'Hosni Moubarak en Égypte, on titrait :«Tout ça pour ça ?». On peut incontestablement se poser la question étant donné les centaines de morts et de disparus, et les milliers de réfugiés qui transitent entre les frontières. Autant de réalités connues, et bien plus méconnues, qui surviennent pendant les conflits générés par les révolutions. En effet, après la pureté du sentiment de liberté et d'héroïsme qu'annonçait chacun de ces mouvements révolutionnaires, la réalité de la guerre aussi ignoble et barbare soit-elle, affecte les civiles. C'est le triste coût des révolutions, c'est l'affreux sort réservé aux populations civiles, toujours premières victimes lors des conflits.

Toutefois, la situation qui prévaut en Syrie est sans précédent. On apprend que le régime de Bashar al-Assad aurait utilisé des armes chimiques sur la population civile. Il n'y a simplement pas de mot pour décrire les images qui ont été diffusées à cet effet. À l'heure d'écrire ces lignes, la Réponse Inter-agence Régionale du Haut commissariat aux réfugiés (HCR) de l'ONU estimait à près de deux millions le nombre de Syriens qui ont fui leur pays jusqu'à présent. Ils sont aux frontières du Liban, de la Jordanie, de la Turquie et de l'Irak principalement. Par ailleurs, ce nombre pourrait doubler dans la prochaine année si le conflit perdure, ce qui est plus que probable.

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Camps de réfugiés en Syrie

Ces réfugiés, comme les autres libyens ou égyptiens, fuient pour leur sécurité, leur vie et celle de leur famille. Mais la fuite au beau milieu du désert, bien que soit le seul dénouement à court terme, est bien loin d'être une solution durable, au contraire. En effet, les réfugiés sont rapidement rejoints par les réalités des relations internationales. Les pays voisins, souvent empêtrés dans leur propre problème, sont contrariés par l'arrivée de milliers de réfugiés. Par exemple, les autorités irakiennes avaient fermé leur frontière en mai dernier, craignant de voir le conflit syrien dégénérer de leur côté.

Ces restrictions avaient cependant été levées en juillet, permettant à nouveau aux Kurdes syriens de trouver refuge dans le nord de l'Irak. Mais de là, c'est le début d'une longue et douloureuse réalité dont aucun État ni aucune organisation n'a encore trouvé de solution: que faire avec ces centaines de milliers de personnes? Une réponse que bien des humanitaires, des pays récepteurs de réfugiés, mais surtout, les millions de réfugiés eux-mêmes voudraient assurément entendre un jour.

Dans tous les cas, pour résoudre un conflit, il faut au moins trois ingrédients: de la volonté politique, de l'argent, et s'indigner en luttant contre l'indifférence des réalités de la guerre. Ces ingrédients qui étaient apparemment disponibles pour résoudre la crise malienne ne sont actuellement pas au rendez-vous en Syrie.

Premièrement, il faut oublier la volonté politique. À la table du Conseil de Sécurité, on attend que l'occasion pour lever son droit de veto. En effet, la Chine qui vient d'innocenter la responsabilité du gouvernement syrien concernant les attaques chimiques paralysera toute décision susceptible de forcer la main du régime syrien. La Russie qui dispose d'investissements militaires importants en Syrie mettra également son veto à toute intervention des Nations Unies. Malgré le concept maintenant admis de la responsabilité de protéger, on peut dès lors oublier toute éventuelle mission de l'ONU. Malgré le précédent du Kosovo, il serait très surprenant que les États-Unis ne dépassent les menaces actuelles dans un territoire qui n'est pas occidental.

On ne peut pas non plus compter sur l'argent. On estime qu'il y a un manque à gagner de plus de 2,6 milliards de dollars seulement pour répondre aux besoins humanitaires actuels de la population syrienne. À l'heure où l'économie mondiale est en contraction, il est peu probable que l'occident y investisse davantage. Pendant ce temps à Ottawa, on apprenait que le gouvernement canadien avait sous-décaissé plus de 13% de son budget d'aide internationale (419 millions de dollars). Des fonds qui auraient certainement été utiles à des organisations humanitaires pour venir en aide aux réfugiés.

Il se peut par contre que certains pays du Golfe compensent pour l'espace laissé vide. Mais il faudra plus que des pétrodollars pour répondre aux multiples crises humanitaires et résoudre diplomatiquement le conflit. En effet, en Syrie, tout comme en Égypte et en Lybie d'ailleurs, le Qatar et l'Arabie Saoudite se font une guerre par procuration. Chacun se bombe le torse pour assurer son autorité et prendre la relève des financements et de l'influence essoufflés de l'occident.

Le troisième ingrédient est probablement le plus important, mais le plus difficile à obtenir. C'est qu'il n'y ait pas d'indifférence par rapport aux crises humanitaires. Mais cette lutte, maintenant personnalisée à travers Johanne Liu, la nouvelle présidente de Médecins Sans Frontière, est loin d'être gagnée. L'indifférence se gagne par l'information. Cependant, tant que les grands médias continueront de réduire l'espace qui devrait être réservé aux nouvelles internationales et aux débats publics et politiques qui en découlent, la population et conséquemment les politiciens ne se sentiront pas concernés. C'est particulièrement vrai au Canada où la politique étrangère n'a jamais été un enjeu électoral prioritaire.

Ainsi, sans ces ingrédients, il est vraisemblable que le contexte syrien s'envenime et de fait, que la population civile continue à être accablée par les abominables réalités de la guerre. Il faut donc espérer une lutte plus silencieuse. Il faut penser aux moyens d'armer l'opposition syrienne. Il faut permettre l'accès humanitaire aux populations civiles, premières victimes de ces contextes de violence. Bref, il faut s'engager et faire bien plus qu'un simple appel au calme.

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