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«Être Charlie», c'est aussi reconnaître la responsabilité des religions

Il suffit de lire le coran ou l'ancien testament pour apprécier à quel point les châtiments envers les blasphémateurs, les apostats et autres mécréants ont été théorisés.
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RELIGION - Comme chacun peut aisément le percevoir, les attaques terroristes récentes risquent d'aggraver encore le sentiment anti-musulman en France. Et la plupart des gens comprennent bien qu'il serait totalement injuste de vouloir faire porter le chapeau à tous les musulmans.

Pour autant, on ne peut pas non plus totalement dédouaner l'islam de toute responsabilité. Ici, sans chercher à expliquer des évènements nécessairement complexes et multifactoriels, je vais saisir cette occasion pour rappeler que les religions de manière générale portent une part de responsabilité dans les atrocités commises en leur nom, dans la mesure où elles portent en elles les germes de telles atrocités.

Il suffit de lire le coran ou l'ancien testament pour apprécier à quel point les châtiments envers les blasphémateurs, les apostats et autres mécréants ont été théorisés et explicités de longue date avec une inventivité et une cruauté remarquables, à côté desquelles une exécution par arme à feu peut sembler d'une grande humanité.

Et nul besoin de rappeler que l'église catholique a continué à mettre en œuvre avec zèle ces méthodes terroristes jusqu'à il y a quelques siècles seulement, et que certains états islamiques les ont conservées dans leurs textes de loi. De ce point de vue, l'islam n'accuse que quelques siècles de retard sur le christianisme, plutôt que d'être qualitativement différent.

Bien sûr, les défenseurs des religions objecteront, à raison, qu'aucune religion, idéologie ou institution ne peut être tenue responsable des actions d'une minorité d'extrémistes qui s'en réclament. Néanmoins, toutes les idéologies et tous les mouvements intellectuels n'ont pas dans leurs textes fondateurs de tels encouragements à la violence. Si les luminaires des grandes religions sont aussi pacifiques qu'ils le prétendent, qu'attendent-ils pour officiellement renier les parties les plus intolérantes, sanguinaires, sexistes et homophobes de la torah, de la bible et du coran, plutôt que de continuer à les révérer et à les promouvoir comme des textes sacrés et immuables? La défense consistant à dire que les textes anciens demandent à être interprétés n'est pas tenable, car aucun critère rationnel ne permet de départager les "bonnes" des "mauvaises" interprétations, et il y aura toujours des gens en quête d'une religion « plus pure » se basant sur une lecture littérale des textes. Ce sont donc les textes fondateurs eux-mêmes qui doivent être amendés ou rejetés.

Il existe d'autres raisons pour lesquelles les religions favorisent de manière générale les dérives fanatiques et violentes. Sur le plan idéologique, le fait de placer une loi et une justice divines au-dessus des lois et de la justice humaines favorise le mépris des lois humaines et la préférence pour des intérêts jugés supérieurs, ce qui pose problème dès qu'il y a conflit entre les deux. Les efforts constants du Vatican pour soustraire les prêtres pédophiles à la justice de leurs pays respectifs, accroissant ainsi le nombre de leurs victimes, en sont l'un des symptômes les plus visibles encore aujourd'hui [1]. Sur le plan psychologique, le fait que les religions encouragent, dès le plus jeune âge, à adopter de manière inconditionnelle des croyances en des faits magiques (entités immatérielles, omniscientes, omnipotentes, résurrection, immaculée conception, miracles, réincarnation...), sans fournir aucune justification factuelle et en décourageant toute critique, sape le développement de la pensée rationnelle et de l'esprit critique, et prépare les esprits à adopter d'autres croyances tout aussi irrationnelles, du moment qu'elles sont présentées comme ayant une légitimité religieuse (et en particulier si elles sont mentionnées dans les textes "sacrés").

Bien évidemment, les religions n'ont pas le monopole des incitations à la haine et de l'asservissement des esprits, et il n'est pas question de suggérer qu'elles portent la responsabilité de tous les malheurs du monde, ni que leur éradication conduirait inévitablement à des progrès humains. Néanmoins, cette combinaison détonante d'une crédulité savamment implantée et entretenue chez les fidèles (et valorisée sous l'euphémisme élégant de "foi") et de textes fondateurs intolérants, belliqueux et cruels, ne peut pas ne pas conduire certains à vouloir adhérer à une forme de religion plus proche des textes jugés sacrés, et à en adopter les dogmes sans aucun recul ni esprit critique. Les religions portent donc là une responsabilité qui doit être reconnue comme telle et dont elles devraient répondre devant tous les citoyens.

Alors que tous les Français sont unis pour défendre les valeurs de la république et en particulier de la liberté d'expression, comment ne pas rappeler que cette liberté d'expression n'est actuellement pas garantie sur l'ensemble du territoire français? En effet, un droit local particulier subsiste en Alsace-Moselle, qui préserve notamment le délit de blasphème. Le blasphème, c'est précisément ce que les terroristes reprochent aux journalistes de Charlie Hebdo. Ils y associent la peine de mort, et ont pris le parti d'appliquer leur " justice" eux-mêmes, là où le droit alsacien-mosellan se contente d'en faire un délit passible de trois ans d'emprisonnement, et accorde aux accusés un procès équitable. Néanmoins, à l'heure où "nous sommes tous Charlie", peut-encore tolérer qu'il existe une partie du territoire français où il est interdit de railler des croyances ésotériques, au nom du respect dû aux religions? Je suis Charlie, et je suis alsacien-mosellan.

C'est l'occasion de rappeler qu'aucun respect particulier n'est dû aux religions, pas plus que par exemple aux associations, aux partis politiques, ou à toute autre entité abstraite. Le respect est dû à tous les êtres humains, et ce, quelles que soient leurs croyances et leurs affiliations. Mais respecter les êtres humains n'implique pas de respecter toutes les croyances invraisemblables qu'ils peuvent avoir. C'est plus respecter les êtres humains de les traiter comme des êtres rationnels dont on peut débattre et critiquer les croyances, y compris par la moquerie, que de les traiter comme des imbéciles dont il faudrait absolument préserver les illusions pour éviter de les froisser. Le délit de blasphème doit être aboli, partout et maintenant [2].

Le droit alsacien-mosellan impose également "l'enseignement religieux" dans les écoles publiques et la rémunération des personnels religieux sur fonds publics, en totale contradiction avec la loi de 1905 sur la séparation de l'église et de l'état. A l'heure où la laïcité est sur toutes les lèvres, et où les effets pervers de l'endoctrinement des esprits par des dogmes irrationnels sont visibles par tous, peut-on encore tolérer que l'état français impose et finance l'embrigadement des enfants sur une partie de son territoire ? Le concordat a vécu. L'état français doit rétablir son autorité et la laïcité sur l'ensemble du territoire.

Au-delà du cas des écoles publiques en Alsace-Moselle, c'est plus généralement l'endoctrinement religieux des enfants pendant la période où leur esprit est excessivement influençable et où leur esprit critique est en formation qui pose problème. Autant il est important de continuer à garantir la totale liberté de conscience et de pratique religieuse pour les adultes majeurs, dans la limite des lois de la république, autant la liberté de conscience reste à ce jour constamment bafouée pour les enfants qui sont endoctrinés dès le plus jeune âge sans qu'ils soient en mesure de véritablement y consentir [3]. N'est-il pas temps d'y réfléchir?

Remerciements à Nicolas Gauvrit, Jean-Paul Krivine, Magali Lavielle-Guida et Benjamin Spector pour leurs commentaires sur une version précédente. L'article tel que publié ne reflète bien entendu que mes opinions personnelles.

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[1] Voir le rapport du comité des droits de l'enfant des nations-unies publié en février 2014 : http://tbinternet.ohchr.org/Treaties/CRC/Shared%20Documents/VAT/CRC_C_VAT_CO_2_16302_E.pdf

Et mon article "Mea Maxima Culpa: Silence in the House of God": http://franck-ramus.blogspot.fr/2013/08/mea-maxima-culpa-silence-in-house-of-god.html

[2] Voir également l'article de Michel Seelig, Mediapart, 18/02/2014 : http://blogs.mediapart.fr/blog/michel-seelig/180214/delit-de-blaspheme-ca-suffit et la pétition en cours : http://tinyurl.com/nf7pmnj.

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