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Plaidoyer d'un entrepreneur pour l'intelligence collective

il faut une double révolution, politique et technologique. La première consiste à tabler sur l'intelligence collective en donnant à la communauté les moyens de son expression. Elle consiste à lui redonner le goût du débat collectif et de l'engagement civique.Quant à la révolution technologique, elle puise moins dans leou dans les vertus duque dans l'invention des espaces virtuels de formulation et de co-construction des idées et des projets.
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Je suis fier d'annoncer la création d'un nouveau siège social à Montréal. Le fruit de la fusion entre bluenove, leader français du conseil en innovation collaborative, et Clouds, pionnier québécois de l'intelligence collective en ligne. L'opération s'est effectuée avec le soutien du Fonds de travailleurs Fondaction qui investit près de 2 millions de dollars dans cette startup québéco-française. Ses équipes réunissent 35 consultants et développeurs. La nouvelle entité bluenove Group opèrera depuis Paris et Montréal.

Cette levée de fonds marque ainsi la naissance d'un leader francophone à l'ambition internationale visant à développer des solutions d'intelligence collective au sein des entreprises, des collectivités (municipalités et territoires) et des acteurs de la société civile.

Sur le plan personnel, je ne peux que me féliciter de l'ancrage montréalais d'une nouvelle équipe maîtrisant des savoir-faire encore émergents, entre co-résolution en ligne de problématiques managériales ou sociétales complexes, sourcing d'experts aux profils atypiques partout dans le monde et marchés prédictifs fondés sur la sagesse des foules.

En tant que chef d'entreprise, je suis porteur d'une conviction. J'en appelle à une vision renforcée de la gestion participative au sein des entreprises québécoises. J'en appelle aux décideurs qui commencent à ouvrir les processus d'innovation à certains des acteurs externes de leur écosystème, clients ou fournisseurs, bientôt usagers finaux, ONG ou communautés de pratiques. J'en appelle aux dirigeants d'entreprises qui mentionnent, dans la lignée de certains de leurs homologues européens, l'idée audacieuse d'ouvrir leurs données à l'extérieur. J'en appelle en somme à l'industrie québécoise tout entière, qui ne peut ni ne doit être supplantée par des grands groupes ou des PME américaines, européennes ou asiatiques ayant recours à des stratégies d'innovation participative de plus en plus proactives.

En tant que citoyen montréalais, je m'inscris bien évidemment dans la dynamique de la ville intelligente, de la ville transparente, de la ville numérique, de la ville ouverte. Montréal a une longue tradition de société civile agissante. Certains arrondissements ont mis en place des systèmes de budget participatif bien avant l'heure. L'implication citoyenne y est multiforme et plurielle. On peut même se féliciter d'un activisme politique des jeunes générations plutôt exemplaire. En poussant quelque peu le trait, la révolution érable, sa Loi spéciale et ses casseroles sonores ont résonné, toutes proportions gardées, comme un hommage à la Place Tahir ou au Zuccotti Park du mouvement Occupy.

Vibrante et vigilante, donc, la société civile québécoise ! En tout cas, quand elle se sent menacée. Pour le reste, et donc pour l'essentiel, elle a le meilleur à partager, mais encore trop peu de sollicitations. Les consultations publiques demeurent insuffisamment suivies, comme dans toutes les métropoles du monde d'ailleurs. L'open data a été un relatif succès, aux dires des observateurs, en ce que la libération des données de la Ville a permis de mobiliser une communauté de développeurs, d'animateurs de hackatons, de libristes convaincus, bref, d'un «middleground» réactif et, anagramme oblige, plutôt créatif. Mais encore fort discret, il faut bien se l'avouer. Le vrai défi de la Ville Intelligente, au-delà d'un effort évident et nécessaire en matière de données, d'infrastructures de télécommunications, de senseurs, de capteurs, d'objets connectés, d'immeubles à consommation passive, de smart grid, de transport en commun multimodal, etc., le vrai défi de la Ville intelligente, donc, demeure avant tout, je le pense profondément, celui des citoyens intelligents. Pour le dire différemment, l'avenir de Montréal tient dans une métonymie salutaire: de la Smart City aux Smart Citizens.

Parce que la Ville, ce sont des gens qui vivent, travaillent, se déplacent, pensent, créent, agissent, entreprennent.

Parce que l'intelligence collective a une vertu démocratique et énergisante encore très (trop) peu exploitée. Longtemps cantonnée aux consultations publiques, dont on ne présente plus les limites représentatives, la participation citoyenne est pourtant ici et maintenant sur les starting-blocks, si tant est que l'on soit en mesure de faire tourner le bon moteur d'allumage. L'open data était un premier pas, «techie», quantitativiste, parfois anecdotique, au mieux symbolique, au pire gadgétisé. Mais un premier pas quand même. Il faut pourtant, je crois, aller beaucoup plus loin, dans un cadre politique et stratégique qui mette les «Smart Citizens» au cœur du dispositif collaboratif.

L'outil numérique est l'une des clés d'un tel dispositif démocratique. Encore sous-utilisé, ou mal utilisé, alors qu'il a fait ses preuves historiques en inventant les succès que l'on sait : Wikipedia, OpenStreetMap, la panoplie de logiciels open source co-conçus par d'immenses communautés (Apache, Linux, PHP, Python, OpenOffice, etc.). Certes, on a vu fleurir, notamment au nord de l'Europe, moult expériences d'implication citoyenne par le recours au numérique : sondages en ligne, votes électroniques, chats avec des élus, e-pétitions, groupes Facebook, cartographies collaboratives, forums citoyens, «applis» de budgets participatifs, etc. Même un bout de Constitution islandaise rédigé en mode wiki collaboratif ! Tout cela est bel et bon, comme disait Molière. Mais tout cela n'est pas suffisant.

Force est de constater que la ruée vers le «Smart Gold» a d'abord et avant tout été marquée par une culture technophile. La Ville intelligente, c'est la ville qui se mesure et s'autorégule par rétroaction. C'est une étape requise, sans nul doute, et une étape fascinante parce que la cybernétique est fascinante. Mais il existe une longue traîne, pour reprendre l'expression de Chris Anderson. Celle de la place du citoyen dans le réseau smart de demain.

Car lorsque tous les compteurs intelligents du monde auront été installés, lorsque nous serons couverts de la tête aux pieds de capteurs ou de puces RFID, informés en temps réel de l'évolution du meilleur parcours multimodal à emprunter au petit matin, serons-nous des citoyens plus responsables ? Plus conscients ? Plus contributifs ? N'y a-t-il pas vertu à concevoir aussi la ville intelligente comme l'un de ces «shared spaces» à la hollandaise dans lesquels les feux de circulation sont bannis pour permettre aux piétons, cyclistes, automobilistes et routiers de se croiser en se regardant dans les yeux afin d'éviter le plus efficacement du monde tout risque de collision ?

N'y a-t-il pas vertu à chercher aussi à responsabiliser l'individu en lui confiant autre chose que le message de la machine, aussi intelligente fût-elle? En d'autres termes, faire en sorte que la multitude dans le paysage urbain soit actrice du changement, sollicitée en amont des décisions publiques, architecte des idées de demain, adulte parmi les adultes. Un paradigme en chasse l'autre, ou se superpose au précédent: non pas le citoyen informé par la donnée, mais le citoyen qui choisit quelle donnée, ou qui est par son discours et par ses actes la donnée même.

Pour cela, il faut une double révolution, politique et technologique. La première - la politique - consiste à tabler sur l'intelligence collective en donnant à la communauté les moyens de son expression. Elle consiste à lui redonner le goût du débat collectif et de l'engagement civique. Elle vise à concevoir la communauté comme un moteur à quatre temps, constitué de cylindres interdépendants.

Les citoyens entre eux tout d'abord, que la Smart City doit outiller pour des usages utiles à inventer: actions collectives de quartier, expériences d'émancipation citoyenne, projets solidaires spontanés et organiques. Non pas la ville créative, mais la ville de créatifs. Au service d'une innovation sociale pérenne, ludique et motivante, soutenue par le digital.

Les citoyens avec le secteur public par ailleurs, dont la Smart City doit se faire l'espace privilégié d'implication, bien au-delà des transactions courantes de la e-administration : débats publics, démocraties participatives au pluriel, co-définition des politiques de la Ville, dialogues continus entre les élus et leurs administrés, etc.

Le citoyen avec le secteur privé ensuite, que la Smart city doit soutenir par le biais de crowdsourcing d'experts-amateurs, de communautés de testeurs d'usage, de places de marché de compétences créatives, de challenges d'idées en ligne, de hackatons d'entreprises, de design collaboratif de nouveaux produits ou services, etc.

Et enfin, un jour, la véritable intelligence collective sociétale, quand tout ce beau monde saura créer en commun dans une même intention, via des mécanismes multipartites qui pourraient ressembler à des PPPC. Des Partenariats Publics-Privés-Citoyens. La pertinence et l'acceptabilité sociale des projets portés par la ville et déployés par l'industrie ne s'en porteront que mieux.

Quant à la révolution technologique, elle puise moins dans le big data ou dans les vertus du cloud que dans l'invention des espaces virtuels de formulation et de co-construction des idées et des projets, là où la matière première est le point de vue, le jugement, la contribution et l'engagement du citoyen. Une révolution qui parle donc plutôt d'interfaces Web ou d'interfaces mobiles, qui favorise l'interactivité avec l'utilisateur final et l'ergonomie d'usage, sans fracture numérique excessive. La ville-plateforme en somme. Celle qui réalisera le dessein d'un propulseur virtuel qui soit à la fois lieu de concertation citoyenne et tremplin d'actions collectives.

Rêvons à haute voix.

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