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Rosetta et son petit robot Philae, à la quête de nos origines

Si Philae se réveille au printemps, il sera en mesure de compléter ses mesures durant l'été avec l'objectif central d'analyser la composition de ce dont on pense qui a constitué le système solaire. C'est dire si le réveil de ce petit robot est crucial pour la connaissance de nos origines, il y a 4,6 milliards d'années.
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Le 12 novembre dernier eu lieu un évènement spatial dont le retentissement mondial a rappelé pour certains commentateurs celui du 21 juillet 1969. Même si la dramaturgie de l'atterrissage d'un homme sur la Lune n'est en rien comparable à celle d'un modeste engin de 100 kg, le fait d'atterrir sur une comète, un corps planétaire mystérieux et hostile, a suscité une curiosité similaire au premier pas de l'homme sur la Lune. Cet exploit, car c'en est un, est dû à la combinaison de deux acteurs: le véhicule porteur, Rosetta, et le petit atterrisseur Philae.

Rosetta, un bijou de l'industrie spatiale européenne

L'orbiteur a une masse de 3 tonnes et a été conçu par Airbus Defence & Space sous la maitrise d'ouvrage de l'ESA. Sa mission : aller à la rencontre d'une comète dont l'environnement est variable et peu connue. Son voyage devait durer une décennie et ses capacités de navigation devaient être d'une grande fiabilité afin de s'adapter à des perturbations dues aux gaz émis par la comète ainsi qu'aux chocs par des grains ou des graviers. Mais il devait aussi être robuste face à des perturbations venant de ses immenses panneaux solaires (32 m) qui représentent une « voile » induisant des forces sur l'attitude et la position de l'engin. Cette navigation dans un environnement inconnu nécessite une grande autonomie et de pouvoir s'adapter à des situations non nominales.

Une navigation innovante

La navigation de Rosetta est très singulière, car elle combine une somme de difficultés inégalée : très longue croisière, multiples assistances gravitationnelles, mode d'hibernation, et, last but not least, approche et navigation au voisinage d'un petits corps actif. L'activité d'une comète modifie sa trajectoire par rapport aux lois de la gravitation du fait des forces de réaction sur le noyau des jets de gaz qui s'en échappent. Sa position dans l'espace est en définitive mal connue, de surcroit le noyau est généralement invisible masqué par un halo de poussières. Rosetta utilise pour naviguer des caméras dédiées qui permettent de piloter la sonde à vue ! La position du noyau est précisément établie à l'aide des images mais également sa vitesse relative à la sonde. Lors de l'arrivée à la comète début août, Rosetta a ainsi effectué des spirales triangulaires pendant la phase ultime d'approche. A l'extrémité de chaque côté du triangle, elle activait ses propulseurs pour parcourir de façon inertielle le côté suivant. Cette procédure innovante permettait d'observer le noyau, d'en déterminer précisément la position et les dérives temporelles mais aussi d'en mesurer la masse par l'analyse précise de la déflection de l'arc du triangle par rapport à une droite.

"Go" pour Philae

Pour le largage de Philae le 12 novembre, les opérateurs de la sonde ont dû exceller afin de rendre cette manœuvre la plus précise possible. En effet, pour des raisons à la fois de vitesse maximale à l'atterrissage (limitée à 1 m/sec) et de sécurité pour l'orbiteur, il était prévu de larguer Philae depuis une altitude de 20 km. Dès le largage, Rosetta a effectué une manœuvre d'évitement afin de s'éloigner de la comète et de se positionner à grande distance afin d'optimiser le recueil des données du petit robot. Toutes ces manœuvres devaient être téléchargés à bord et effectuées de façon autonome. En effet, à 30 minutes-lumières de la Terre, il n'est pas possible de téléopérer la manœuvre. La position de Rosetta par rapport à la comète mais aussi sa vitesse et son orientation devait être la plus précise possible dans un environnement composé de jets de gaz et de grains pouvant perturber la trajectoire.

Tomber comme une pierre pendant 7 heures

Avant son largage, Philae avait mis en route sa roue à inertie qui lui permettait de maintenir fixe dans l'espace l'orientation du plan du train d'atterrissage. Philae pouvait néanmoins tourner autour de la verticale de ce plan ce qui s'est effectivement produit. L'atterrisseur n'avait aucun système actif de contrôle d'attitude qui aurait été trop lourd à embarquer. Philae s'est laissé tomber comme une pierre pendant les 7 heures de la descente. Peu après le largage, des photos de Rosetta prises par Philae et de Philae prises par Rosetta ont confirmé que le début de la descente était nominal et que Philae était stable pendant la descente.

Un atterrissage fou, fou, fou!

L'impact eu lieu à la minute près et à 120 mètres du point visé, ce qui montre que les navigateurs planétaires de l'ESA et du CNES (pour la trajectoire de descente) ont fait un superbe travail parfaitement coordonné. Malheureusement 2 des systèmes prévus pour éviter le rebond n'ont pas fonctionné. Le propulseur à gaz froid qui devait plaquer Philae au sol à l'impact était HS car la vanne du réservoir de gaz est restée fermée pour une raison encore mal comprise. De même les deux harpons chargés de nous ancrer dans le sol de la comète ne se sont pas déclenchés. Par contre, le vérin amortisseur situé au centre de Philae a parfaitement joué son rôle, amortissant l'impact en s'enfonçant de 4 cm. Cette valeur, plus faible que prévue, révèle que le sol de la comète (le dernier système amortisseur !) est couvert d'une couche molle et amortissante de 20 cm d'épaisseur sous laquelle se trouve une couche de glace très dure. Telle une peau de tambour, cette dernière a propulsé Philae dans les airs dans une parabole mouvementée qui a duré 2 heures. La trajectoire précise a été déterminée et une collision sur un haut relief a même été établie. Après 2 rebonds, Philae est venu se caler entre 2 rochers où il a continué miraculeusement à dérouler sa séquence scientifique qui avait été téléchargée.

Dans la nuit suivante, les opérateurs ont téléchargé une nouvelle séquence afin de prendre en compte la réalité de la situation. La logique retenue a été d'activer tous les 10 instruments du bord ce qui a été fait. Mais tous n'ont pas pu collecter les informations scientifiques attendues.

Hibernation & Réveil

Après 57 heures d'activités intenses, Philae est tombé dans un profond sommeil avec l'épuisement de sa pile. Il devrait résister aux très basses températures qui règnent sur le « côté obscur » de la comète, dans l'ombre. Le temps joue en sa faveur. D'une part au passage au périhélie (point le plus proche du Soleil) le 13 août 2015, l'énergie reçue sera 6 fois plus importante que le 12 novembre. D'autre part, le Soleil devrait être au plus haut dans le ciel de Philae (c'est-à-dire l'été) au tout début septembre.

Des premières tentatives ont eu lieu récemment pour recevoir une preuve de vie de Philae. Ces tentatives vont se poursuivre régulièrement dans les semaines à venir avec l'espoir grandissant d'un réveil de Philae.

Si Philae se réveille au printemps, il sera en mesure de compléter ses mesures durant l'été avec l'objectif central d'analyser à l'aide de sa foreuse la composition de ce matériau cométaire riche en composés organiques et dont on pense qu'il se serait formé dans le milieu interstellaire avant même l'effondrement de la nébuleuse qui a constitué le système solaire. C'est dire si le réveil de ce petit robot est crucial pour la connaissance de nos origines, il y a 4,6 milliards d'années.

Francis Rocard est un membre contributeur du réseau TEDxParis et intervenant à TEDxParis 2014 "De l'idée à l'action". L'Echappée Volée et TEDxParis sont des événements édités par Michel Lévy-Provencal et l'agence Brightness. Retrouvez l'actualité des conférences sur brightness.fr.

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