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Qui a peur d'Anonymous?

Alors, qui a peur d'Anonymous? Eh bien, moi. Et tous ceux, j'ose croire, qui sont mal à l'aise devant la panoplie de hacktivistes toujours prêts à dénoncer et à menacer, dans le plus parfait anonymat, les gros de ce monde. La voix ténébreuse qui sort du plafond (ou, en l'occurrence, de l'ordi) vous sommant d'avoir peur, très peur... elle n'est pas celle d'un gouvernement omniprésent et répressif, tel qu'imaginé par George Orwell dans 1984. Elle est celle des matamores de l'internet qui collaborent à Anonymous.
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Jean Charest? Peu probable. C'est vrai qu'elle est savoureuse la vidéo du party chez les Desmarais, mais dans le grand livre des gros problèmes du PM, cette révélation, signée Anonymous, fait figure de pattes de mouche. Le piratage des sites du ministère de l'Education, la semaine dernière, n'est guère plus embêtant.

Bernie Ecclestone? Encore moins probable. Le groupe de pirates informatiques Anonymous, connu pour son masque souriant et énigmatique, a menacé d'infiltrer le site du Grand Prix de Montréal, cette semaine. Mais pourquoi le grand patron de la Formule 1 s'en inquièterait-il? M. Ecclestone, on le sait, a déjà affiché une souveraine indifférence vis-à-vis Montréal et la course automobile.

Alors, qui a peur d'Anonymous? Eh bien, moi. Et tous ceux, j'ose croire, qui sont mal à l'aise devant la panoplie de hacktivistes toujours prêts à dénoncer et à menacer, dans le plus parfait anonymat, les gros de ce monde. La voix ténébreuse qui sort du plafond (ou, en l'occurrence, de l'ordi) vous sommant d'avoir peur, très peur... elle n'est pas celle d'un gouvernement omniprésent et répressif, tel qu'imaginé par George Orwell dans 1984. Elle est celle des matamores de l'internet qui collaborent à Anonymous.

"Nous sommes Anonymous. Nous sommes légion. Nous ne pardonnons pas. Nous n'oublions pas. Attendez-vous à nous voir."

Admettez que ça donne froid dans le dos. On dirait un passage de l'Ancien Testament, juste avant la pluie de crapauds et boules de feu....

Comprenez bien: ce n'est pas ce que défend Anonymous qui pose problème, mais la manière que le groupe s'y prend. Anonymous s'est fait connaître en 2008, en menant une campagne tous azimuts contre l'église de Scientologie. On ne pouvait qu'applaudir --sauf, encore une fois, au ton emprunté. La campagne vidéo parue sur YouTube donnait envie de se cacher sous son lit: "Hello, leaders of scientology, over the years we have been watching you..."

Il est difficile aussi de leur en vouloir d'avoir ciblé Jean Charest en ces temps de crise sociale, encore moins d'avoir révélé la vidéo de sa soirée faste au domaine Desmarais. On sait comment Pierre Falardeau aurait été aux petits oiseaux...

Que des jeunes (il faut forcément être jeune pour démanteler aussi facilement les codes informatiques) veulent faire un bras d'honneur aux élites, aux grosses corporations, aux régimes anti-démocratiques, où qu'ils se trouvent... j'en suis. J'en suis d'autant plus qu'au Québec, en ce moment, il y a une réelle déchirure entre ceux qui sont du côté du gouvernement, de l'économie et de la soi-disant raison et ceux qui sont du côté des étudiants, de la contestation et de la soi-disant utopie. C'est-à-dire du changement. Il m'apparaît impérieux d'être du côté du changement.

Anonymous aussi se dit du côté du changement, mais, que voulez-vous, je n'aime pas les machos. Même quand ils défendent une bonne cause. À l'instar de Julian Assange et ses Wikileaks, Anonymous, qui a d'ailleurs pris le relais du prédécesseur australien depuis que celui-ci est sous surveillance, fait, à mon humble avis, un power trip. Dans une entrevue à la radio de CBC en 2007, une des rares personnes identifiées à ce mouvement de cybernautes, Trent Peacock (sans doute un pseudonyme?), disait d'ailleurs ceci: "Nous sommes juste un groupe de personnes sur internet qui ont besoin d'un débouché pour faire ce qu'on ne pourrait pas faire dans la société normale. C'est à peu près ça l'idée: fais ce que tu veux. On dit souvent, "on le fait pour le lulz".

Lulz, au cas où vous auriez plus de 40 ans, est une déformation de l'acronyme internet lol (laugh out loud). Qu'on se bidonne aux frais des grosses légumes, encore une fois, je veux bien. Qu'on soit prêt à faire un peu n'importe quoi pour se faire remarquer, c'est là que je débarque. C'est un peu comme le problème des casseurs masqués. Que l'inertie et mauvaise foi du gouvernement inspirent jeunes et moins jeunes à battre la casserole et crier leur colère, on comprend, voire on applaudit. Mais que ces manifestations soient l'occasion pour se défouler la tétastérone, sous cagoule par-dessus le marché, ou derrière le sourire cynique du légendaire pyromane Guy Fawkes, ça frise l'abus et le n'importe quoi.

L'intimidation, d'où qu'elle vienne, et à plus forte raison sous anonymat, est intolérable. Le leader de la CLASSE, Gabriel Nadeau-Dubois, était sur le point d'avoir à régler le problème lorsque le gouvernement Charest lui a fait cadeau de la loi 78, et les bonnes gens de Montréal, du bruit de leurs casseroles. Le problème des dérapages se voyait dès lors englouti sous un joyeux et amibitieux tin-t-on-en-a-marre. Mais la partie n'est que remise: tout mouvement populaire, s'il veut le demeurer, doit limiter les dérapages et le radicalisme puant.

Tant qu'à se cacher derrière un masque, Anonymous ferait mieux d'imiter Anarchopanda. Au moins un qui a compris que des câlins bien administrés sont à la fois plus subversifs et plus intéressants que des semonces paternalistes tombées du ciel.

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