Cet article fait partie des archives en ligne du HuffPost Québec, qui a fermé ses portes en 2021.

Visa le noir, tira 16 fois

Laquan McDonald ne l'aura jamais eu facile dans la vie, même sa mort reste aujourd'hui une tragédie sans nom. Il avait 17 ans lorsqu'un policier de Chicago l'a froidement abattu dans les rues de cette ville le 20 octobre 2014.
This post was published on the now-closed HuffPost Contributor platform. Contributors control their own work and posted freely to our site. If you need to flag this entry as abusive, send us an email.

Laquan McDonald ne l'aura jamais eu facile dans la vie, même sa mort reste aujourd'hui une tragédie sans nom. Il avait 17 ans lorsqu'un policier de Chicago l'a froidement abattu dans les rues de cette ville le 20 octobre 2014.

Il avait à peine 3 ans en 2000 quand l'état de l'Illinois l'a soustrait de la garde de sa mère. Victime de négligence parentale, il s'est alors promené de foyer d'accueil en foyer d'accueil. Peu de temps après avoir été placé une première fois, une enquête des services publics de l'Illinois déterminait qu'il subissait encore des sévices dans la famille qui l'abritait à ce moment. En février 2001, il se retrouve dans la maison d'un parent, pour quelques mois cependant,avant d'être confié à sa grand-mère par l'état.

On ne sait pas vraiment pourquoi, mais Laquan est retourné vivre avec sa mère en mai 2002. Juin 2003, une nouvelle enquête des services sociaux, le bambin de 5 ans qu'est Laquan McDonald est de retour dans une famille d'accueil après que l'on ait constaté qu'il présentait différentes blessures au corps, notamment des coupures, enflures et ecchymoses. L'ami de la mère aurait été violent à l'égard du petit.

De retour chez sa grand-mère, cette dernière a obtenu la garde légale de son petit-fils en 2008. Il y est resté jusqu'à la mort de celle-ci en 2013, il avait alors 15 ans. En janvier suivant, il était arrêté pour possession de drogue et détenu dans un centre jeunesse jusqu'en mai 2014 pour ensuite être confié à un oncle. Deux mois avant sa mort, il avait commencé à fréquenter la Maison Sullivan, une école alternative dont le directeur n'avait que de bons mots à dire concernant le jeune homme qui disait vouloir se prendre en main et jouer au basketball. Il allait à l'école tous les jours et s'impliquait dans ses études.

Puis arriva le 20 octobre 2014

Début de la relève de nuit dans le district 8 de Chicago. Le policier Jason Van Dyke, âgé de 37 ans, et son partenaire débutent leur quart de travail à 21h. Van Dyke est policier depuis 13 ans à Chicago et a fait l'objet de pas moins de 18 plaintes au cours de sa carrière. Violence, utilisation de force excessive, commentaires raciaux négatifs et utilisation négligente de son arme de service. Il n'a jamais été « passé » en discipline pour autant.

Il est passager dans le Chevrolet Tahoe identifié aux couleurs du Service de police de Chicago et portant l'identification «Beat 845R». Les choses vont se précipiter moins d'une heure après le début de la patrouille.

Les détails suivants sont tirés d'un document rendu public après l'accusation, la «Présentation des faits par la poursuite afin de déterminer la caution» (People's factual proffer in support of setting bond).

- 21h47 Un répartiteur informe les policiers en patrouille qu'un citoyen détient un homme (McDonald) qu'il a surpris à voler des radios dans des véhicules dans un terrain de stationnement.

- 21h53 La patrouille 815R rapporte que le suspect déambule, un couteau à la main. Le répartiteur demande sur les ondes si un des policiers qui répondent à l'appel a un « taser » (pistolet à impulsion électrique, vous savez ce que c'est).

- 21h56 Le 815R rapporte sur les ondes que le suspect a frappé un des pneus de leur véhicule, le perçant.

Quelques secondes plus tard, le 845R (Van Dyke) mentionne être à deux pâtés de maison.

- 21h57m25s La caméra placée sur le tableau de bord du 913R montre McDonald alors qu'il marche rapidement dans la rue. On y voit aussi les autres véhicules de police qui arrivent sur les lieux.

- 21h57m33s McDonald marche toujours, passant le véhicule 822, un couteau à la main droite. Van Dyke et son partenaire sont vus alors qu'ils pointent leur arme vers la victime qui semble vouloir s'éloigner.

- 21h57m36 Les bras de McDonald sursautent, il tourne sur lui-même et tombe au sol. Van Dyke est à environ 3 mètres de lui. Le policier fera un autre pas vers l'homme au sol et l'angle de la caméra ne nous montrera plus le tireur.

- 21h57m38 Laquan McDonald gît au sol et on voit 2 éclats de poussière quand deux autres balles l'atteignent.

- 21h57m51s La dernière balle touche McDonald. Au cours des 13 secondes alors qu'il était au sol, la vidéo démontre quelques sursauts de la part de McDonald et des débris de poussière provoqués par les balles tirées. Il bouge un peu le bras.

- 21h57m54s Le partenaire de Van Dyke approche l'homme étendu au sol, pousse du pied le couteau loin et constate que Van Dyke est à recharger son pistolet.

Il lui dit de cesser de tirer. Aucun autre coup de feu ne sera entendu à compter de ce moment.

Jason Van Dyke avait un pistolet semi-automatique de calibre 9 mm muni d'un chargeur d'une capacité de 16 balles. Les enquêteurs au dossier ont par la suite récupéré 16 douilles et déterminé que toutes les balles tirées l'avaient été à partir d'une seule arme, celle de Jason Van Dyke.

L'étude de la bande vidéo démontre qu'il s'est passé entre 14 et 15 secondes pour que Van Dyke tire 16 balles.

Pendant 13 de ces secondes, Laquan McDonald est au sol. Durant l'événement aucun des 8 autres policiers présents n'a fait feu. L'autopsie pratiquée a révélé que Laquan McDonald a été atteint à la tête, au coup, dans le torse, au coude, au bras et à la main ainsi que dans le bas du dos. Le rapport du pathologiste indique que seules 2 balles ont frappé la victime alors qu'elle se tenait debout.

Les analyses toxicologiques démontrent la présence de PCP dans le corps de la victime.

Tous les témoins rencontrés, autant policiers que civils on déclaré n'avoir pas vu de mouvement brusque par McDonald vers les policiers, ni qu'il semblait vouloir s'en prendre à ceux-ci, de quelque façon que ce soit. On dit même que la victime voulait s'éloigner des véhicules marqués et des uniformes, ce que la bande vidéo démontre.

Cette même bande vidéo qui n'aurait peut-être jamais été rendue publique si ce n'était du journaliste indépendant Brandon Smith qui a déposé une requête judiciaire pour ensuite obtenir un ordre de la cour que la vidéo soit rendu publique au plus tard le 25 novembre 2015.

On connaît la suite, Jason Van Dyke a été accusé de meurtre au premier degré et demeure détenu, du moins jusqu'à lundi alors que la cour décidera s'il peut être remis en liberté sous caution.

Pourquoi ?

Trop de questions sans réponses subsistent plus d'une année après les événements. Encore une fois, c'est un média qui a révélé l'affaire, provoquant une réaction que le District Attorney qualifie de prématurée, à savoir de porter des accusations contre le policier même s'il avait en main les rapports du Cook County State's Attorney's Office, du United States Attorney's Office, du Independant Police Review Authority et du FBI. C'est pas long un peu un an plus tard ?

Je veux bien croire que c'est le travail de l'avocat de la défense mais de là à dire qu'il ne s'agit pas d'un cas de meurtre, que son client était justifié de tirer puisque la victime avait frappé un pneu avec son couteau et que le policier craignait pour sa vie, il y a quelqu'un qui peut lui montrer la bande vidéo ?

La Fraternal Orders of Police a envoyé un courriel mardi dernier à tous les membres actifs et retraités de la police, les enjoignant à contribuer au fonds de défense du policier accusé et amasser une importante somme d'argent pour constituer une caution s'il était remis en liberté. On ne l'avait pas fait avant ? Est-ce qu'on pensait que le temps effacerait les choses et que l'histoire tomberait dans l'oubli ?

Même chose pour la conjointe du policier Van Dyke qui a ouvert une page du site GoFundMe, fermée depuis, afin d'amasser des dons pour la défense de son mari.

Vraiment ? Un an plus tard ? Il y a panique à bord devant la possibilité de condamnation ?

Entre le moment de la mort de Laquan McDonald et la diffusion des images de sa mort, la ville de Chicago a accepté de verser $5 millions de dollars à sa mère. Quel est le message derrière ce geste ? Est-ce que ça peut avoir aidé la famille à dire via son avocat qu'ils ne souhaitaient pas que les images soient rendues publiques mais qu'ils comprennent qu'il y a eu une décision de cour à cet effet ?

Et ce code du silence, décrié par certains, il existe ? Est-ce parce que des 12 000 policiers de Chicago plus de 400 sont visés par plus d'une vingtaine de plaintes. Celui qui en a le plus est visé par 68 dénonciations.

Et maintenant

On fait quoi à partir de là ? Il me semble qu'à chaque fois qu'une telle tragédie se produit, on souhaite que de tels gestes ne se reproduisent plus jamais, sauf que l'impensable se répète encore et encore depuis quelques années. Des policiers blancs, des victimes noires, ça arrive trop souvent chez nos voisins du sud. On promet des changements et puis on finit par s'endormir dans le processus quand soudainement un nouveau cauchemar nous ramène à la réalité. Assez, c'est assez !

Une dame de Chicago a eu une excellente réflexion lorsqu'interrogée par un média, permettez-moi de vous en faire part :

- Il y a une opportunité pour les deux camps ici. La communauté noire doit participer au changement du cycle de la violence et les policiers doivent honorer l'uniforme qu'ils portent. Ils se doivent de retrouver la fierté et le respect de leur mission «Servir et Protéger», et non pas tuer, voler et détruire.

Ouf ! Il faut débuter par faire en sorte que tous les Jason Van Dyke soient dépouillés de leur uniforme et qu'ils remettent leur arme de service. Et ça prend du courage pour le faire. Sinon, l'opération «Regagner la Confiance» prendra du temps, beaucoup de temps.

VOIR AUSSI SUR LE HUFFPOST:

Ferguson Protests

Close
Cet article fait partie des archives en ligne du HuffPost Canada, qui ont fermé en 2021. Si vous avez des questions ou des préoccupations, veuillez consulter notre FAQ ou contacter support@huffpost.com.