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Les Friedman à l'épreuve de la crise

Le propre d'une descendance est de cultiver un héritage, celui d'une dynastie un empire. Et l'empire des Friedman est vaste, bâti par le grand-père, Milton Friedman. Cet intellectuel américain, considéré comme l'un des plus fameux du vingtième siècle, a fondé deux familles...
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Le propre d'une descendance est de cultiver un héritage, celui d'une dynastie un empire. Et l'empire des Friedman est vaste, bâti par le grand-père, Milton Friedman.

Cet intellectuel américain, considéré comme l'un des plus fameux du vingtième siècle, a fondé deux familles. La première avec son épouse, l'économiste Rose Director Friedman, sœur du célèbre professeur de droit Aaron Director, la seconde avec l'économie et les politiques publiques. D'une part, il a eu un fils, David Friedman, docteur en physique et lui-même professeur d'économie, et de l'autre il a donné naissance à l'École de Chicago, dont les philosophies politiques ont été adoptées par les puissants de l'époque.

Le second souffle de Milton Friedman

Si Milton Friedman n'est pas le père du libéralisme, il en demeure aujourd'hui son meilleur représentant. De son vivant, il a mis en pratique ses théories dans le Chili du général Augusto Pinochet, a soutenu Ronald Reagan et alimenta les réformes majeures de Margaret Thatcher au Royaume-Uni à partir de 1979.

La pensée Friedmanienne se concentre principalement sur la lutte contre l'inflation et les déficits publics. Elle considère aussi que le chômage s'explique par un coût du travail trop important et que les valeurs du profit priment sur tout. C'est aujourd'hui une confrontation autant économique qu'éthique en particulier lorsque le PDG de Titan International, Maurice M. Taylor Jr., adresse un courrier à Arnaud Montebourg, ministre français du Redressement productif, en assurant que "les salariés français touchaient des salaires élevés" et que son "gouvernement appelait à plus de gouvernement".

L'héritage de Milton Friedman trouve encore un écho important à l'heure où l'Europe ne parvient pas à se relever d'une crise durable et un pays dont le légataire de la Dame de fer, David Cameron, désire revoir ses traités d'alliance avec le Vieux continent.

À cet effet, de récentes théories encore plus radicales émergent, cette fois-ci du côté du fils, David Friedman, un anarcho-libertarien de la première heure qui va jusqu'à dénoncer son père de socialiste. David Friedman s'en remet à ses propres idées, et n'hésite pas à en faire la publicité en Europe, comme lors de son périple à Zurich en janvier dernier à l'invitation de la Progress Foundation.

Si Milton Friedman considérait qu'il fallait ramener l'État à ses fonctions les plus primaires, un État minimal, David affirme que l'existence d'un État n'est pas seulement inutile, mais qu'il est également illégitime. En effet, dans son ouvrage Vers une société sans État (1973), David Friedman appelle à une privatisation de toutes les fonctions gouvernementales qu'il s'agisse de la justice, de la police ou encore de l'éducation, les très fameux School vouchers de Milton Friedman. Comme quoi, on ne renie jamais complètement ses parents. Les sociétés ne produiraient pas seulement un service de meilleure qualité, mais elles en diviseraient également le coût par deux.

En définitive, David Friedman oppose le marché privé au marché politique, car si l'échec du premier est l'exception, l'échec du second serait la règle.

Liberté, liberté, liberté

Alors la famille Friedman s'emploie à dupliquer les principes de l'entreprise type jusqu'au bout. À la transmission d'un capital monétaire, ils lèguent entre vifs un capital immatériel que chaque descendant interprète à sa façon et selon son époque.

C'est au tour de Patri Friedman, petit-fils de Milton et fils de David, de promouvoir une forme avancée du libéralisme économique. Ce libertarien prêche pour un modèle peut-être plus concret et moins conceptuel bien qu'utopique, celui de la création d'un nouveau monde basé sur une notion jusqu'au-boutiste de la liberté.

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Dans un portrait dressé par Louise Couvelaire pour M Magazine, Patri Friedman explique que pour concurrencer un gouvernement, il ne suffit plus de participer au jeu démocratique traditionnel, mais de créer de toute pièce des territoires artificiels où les règles du jeu seraient modifiables à l'envie, "plus libre qu'ailleurs" et où "tout serait envisageable", une "ville-État" créée gérée et administrée comme une start-up californienne. Patri Friedman considère que le fonctionnement idéal de la cité doit être pensé comme on élabore un business plan. On n'y parle pas de culture, d'éducation ou de développement humain, mais de levée de fonds, de coût et de viabilité économique.

Tout cela n'est pas nouveau. Le film 8th Wonderland de Jean Mach et Nicolas Alberny (2008) évoque les ambitions de citoyens en quête d'une autre gouvernance avec la création d'un nouveau monde, celui-ci virtuel, dont ils se rendent compte, à leur insu, des perversions qu'elles engendrent tout à fait naturellement. Or la construction de ce nouveau monde peut-il s'expliquer par la nécessité de prouver par l'expérience les théories libertariennes les plus extrémistes? L'individualisme économique continue à être prôné comme la solution idéale quand il a bien fallu que les États interviennent pour sauver un système fondé et ébranlé par ses propres concepts. Mais que les marchés puissent échouer, cela, au moins, ils en conviennent.

Les théories libérales classiques, anarcho-libérales ou libertariennes s'érodent en période de crise, car elles amènent à préférer non pas la liberté individuelle, mais le repli sur soi pour les plus forts, c'est-à-dire pour les plus riches, les beaucoup plus riches, quand il apparaît nécessaire de refonder un système grâce à la collectivité. C'est bien une nouvelle architecture économique et politique qu'il est nécessaire de bâtir et dont l'Europe est un modèle encore neuf, tout à fait contemporain, prouvant que la solidarité ne s'oppose pas au libre arbitre, ni étatique, ni individuel, un modèle fondé sur le partenariat dont l'axiome principal serait une collaboration mutuellement bénéfique.

Dans Capitalisme et liberté (1971), Milton Friedman assure que:

"Seule une crise -réelle ou supposée- peut produire des changements. Lorsqu'elle se produit, les mesures à prendre dépendent des idées alors en vigueur. Telle est, me semble-t-il, notre véritable fonction: trouver des solutions de rechange aux politiques existantes et les entretenir jusqu'à ce que des notions politiquement impossibles deviennent politiquement inévitables".

Pourtant, les mouvements citoyens comme Occupy Wall Street ou le Mouvement des Indignés partagent de nombreux points en commun avec les théories libertariennes, à la différence que pour les seconds la liberté est individuelle tandis que pour les premiers, l'individu se confond dans un groupe. Une voie du milieu peut-être.

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