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Je vais l'appeler Richard, même s'il a un autre prénom, plus joli. La première fois que je l'ai rencontré, je l'admets, j'ai été intimidée, et je n'ai pas compris pourquoi. En fait, je me suis vaguement inquiétée de le voir se promener dans les corridors, seul.
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Je vais l'appeler Richard, même s'il a un autre prénom, plus joli, je trouve, et qui convient tout à fait à sa personnalité attachante. La première fois que je l'ai rencontré, je l'admets, j'ai été intimidée, et je n'ai pas compris pourquoi. En fait, je me suis vaguement inquiétée de le voir ainsi se promener dans les corridors, seul. Ce devait être le premier jour de mon entrée au Douglas, parce que Richard fait sa tournée quasi quotidienne des bureaux de l'Institut, beau temps, mauvais temps. Certains jours, tout de même, il ne se déplace pas et nous appelle, un poste téléphonique à la fois. En notre absence, il laisse sur nos boites vocales un court message respectueux, souvent le même.

Ce premier jour-là, Richard est donc entré dans mon bureau sans crier gare, de son pas incertain, avec son regard mobile. Richard, une bonne pièce d'homme, un vrai costaud, des écouteurs autour du cou, un regard candide. Quel âge lui donne-t-on? La quarantaine? Un peu plus? Dur à dire. «Bonjour, moi c'est Richard. Peux-tu me faire travailler en informatique....?» Car il faut dire que Richard adorerait travailler dans ce domaine et il ne manque pas de nous le rappeler. Richard a débité son message sans reprendre son souffle. Il avait peur que je l'interrompe, de toute évidence. Et moi, ce jour-là, je voulais juste revenir à mes moutons. Voyez, comme tout le monde, il fallait que j'apprenne à le connaitre, et à surmonter mes idées reçues. À sacrifier un peu de ce temps que, Dieu sait pourquoi, je juge si précieux pour m'ouvrir à une autre réalité, à celle des personnes qui nous entourent au quotidien. Avec le recul, je pense surtout que j'avais peur de ne rien avoir d'intelligent à répondre à Richard.

Vous aurez compris que Richard souffre d'un problème de santé mentale. Même si Richard a certains défis à surmonter en raison de son trouble mental, il n'est pas seulement un patient de l'Institut, loin s'en faut. Quand on prend la peine de s'arrêter et de tendre l'oreille, on se rend compte que Richard est pas mal au fait du monde de la politique. C'est étonnant et intéressant de discuter avec lui. Richard est aussi un artiste. Nos bureaux sont pleins de ses œuvres. Moi je les trouve beaux, ses tableaux. Il m'a offert deux dessins, l'un, abstrait, évoque un champ de fleurs. L'autre lui ressemble, à lui. Un visage aux couleurs inhabituelles, uniques, mais intéressant.

Alors que le monde autour s'attache à débattre du sort des personnes souffrant de problèmes de santé mentale en en parlant à la troisième personne, en les rangeant dans de petites cases proprettes comme des oubliettes, je veux juste dire une chose: aujourd'hui, les jours où je ne reçois pas d'appel de Richard ou quand sa silhouette ne se profile pas dans l'encadrement de ma porte, j'ai comme un petit vide dans ma journée. Pour moi, comme je pense pour plusieurs autres ici, il nous rappelle notre mission et qu'il y a beaucoup de travail à faire pour enrayer la stigmatisation envers les personnes ayant des problèmes de santé mentale. Et qui nous rappelle aussi que même une personne souffrante porte en elle une richesse et une humanité trop précieuses pour les ignorer, les gaspiller. Je sais, c'est quétaine d'écrire ça. J'assume.

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Avril 2018

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