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Janvier est le mois de la sensibilisation à l'Alzheimer, cette maladie qui nous prive de nos êtres chers, de ces grands-parents qui ont entouré notre enfance de leur amour si précieux. C'est l'occasion de dresser un bref état des lieux.
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Ses cris me terrifiaient. Ses onomatopées agressives d'animal blessé jaillissaient du fond du couloir de la grande demeure familiale, voyageant le long du couloir au fond duquel elle était cloîtrée dans sa chambre depuis tant d'années, pour se rendre jusqu'à nous, les bien portants, nous qui tentions en vain de ne pas les entendre. J'avais 5 ou 6 ans et elle peut être, 90, ou même 95. Dans l'insolence de leur jeunesse, les enfants ne font pas le détail, ils sont aveugles à la nuance, au degré relatif de vieillesse de leurs aînés. L'esprit de l'aïeule avait sombré dans une démence profonde. Depuis des décennies, nous semblait-il, et malgré la présence aimante de ses proches, elle était coupée du monde, elle qui se demandait tout haut en voyant son fils : « Mais qui est donc ce beau jeune homme ? ». À l'époque, j'oscillais entre peur et douce moquerie. Je ne réalisais pas bien sûr que les chances étaient bonnes, si la vie daignait ne pas me lâcher avant un âge avancé, pour qu'un jour je me retrouve moi-même dans les pantoufles avachies de mon arrière-grand-mère.

Elle souffrait de ce que l'on appelait jadis la sénilité. À l'époque, des personnes comme elle bénéficiaient de relativement peu de soins pour leurs pertes cognitives et attendaient simplement la mort lente, leur état étant vu comme une fatalité.

Aujourd'hui sans doute aurait-elle reçu quelque part dans la course de son cerveau vers la brume un diagnostic d'Alzheimer. Elle aurait aussi pu bénéficier d'un dépistage précoce grâce à toutes les campagnes d'information auprès du public sur les signes à surveiller chez un proche. Elle aurait ensuite eu des soins adaptés à son cas et sa famille aurait reçu de précieux conseils sur la façon de l'aider.

Peut-être les efforts de ses proches puis ceux des professionnels de la santé n'auraient-ils en rien infléchi le cours de son déclin. Mais peut-être aurait-elle joui de quelques années de plus d'éveil à son entourage et d'autonomie, de ces moments précieux à partager avec ceux qu'elle avait aimés et dont les traits avaient fondu dans le triangle des Bermudes de sa mémoire défaillante. Peut-être même aurait-elle appris plus tôt dans son existence qu'une maladie chronique contrôlable comme une tension artérielle élevée ou un diabète augmentait ses risques de développer une démence et pouvait être endiguée. Qui sait ?

Janvier est le mois de la sensibilisation à cette maladie qui nous prive de nos êtres chers, de ces grands-parents qui ont entouré notre enfance de leur amour si précieux. C'est l'occasion de dresser un bref état des lieux.

Comme l'a rappelé la Société de l'Alzheimer qui a lancé cette semaine sa campagne annuelle, chaque année, 25 000 Canadiens apprennent qu'ils sont atteints d'une maladie cognitive. Une dure réalité se cache derrière ces chiffres. Les amis, les familles et toute la société portent le poids de malades en souffrance et en perte d'autonomie.

Côté recherche, même si plusieurs avenues explorées dans les laboratoires du monde entier permettent de faire progresser la compréhension des mécanismes de la maladie d'Alzheimer, les experts s'entendent pour dire qu'il faudra attendre encore au moins quelques années avant de penser voir émerger une avenue de traitement curatif efficace.

Mais, et c'est un gros mais, sur une note moins sombre, l'augmentation exponentielle prévue de l'incidence de la maladie d'Alzheimer qui devait accompagner le vieillissement de la population n'est pas tout à fait au rendez-vous. L'un des grands experts québécois du domaine, le neurologue de la cognition Alain Robillard (Hôpital Maisonneuve-Rosemont), explique que plusieurs études, dont une suédoise et une autre, britannique, celle-là, révèlent une certaine stagnation du nombre de nouveaux cas, bien que l'Alzheimer se place encore parmi les maladies qui progressent le plus rapidement au monde. Les causes de ce tassement sont multiples et complexes, mais Dr Robillard précise qu'au moins une portion de la baisse est liée à un meilleur contrôle de maladies chroniques dont on sait maintenant qu'elles constituent un facteur de risque important pour les affections cognitives, soit le diabète et la tension artérielle élevée. La sédentarité et le tabagisme jouent également un rôle, ont compris les experts.

Alors, pendant que j'ai encore toute ma tête, laissez-moi prendre une minute pour jouer les donneuses de leçons et vous encourager à poser des gestes dans le fond assez simples en vue de prendre en main les habitudes de vie les plus néfastes, et à surveiller avec l'aide d'un médecin les indicateurs de santé de votre organisme.

Bien sûr, toutes ces précautions ne garantissent pas que vous échapperez à l'Alzheimer. Mais elles augmentent les chances que vous puissiez repousser l'apparition des symptômes à un âge plus avancé, et on s'entend que c'est déjà tout bénef.

Parce qu'un esprit sain dans un corps sain, cela veut quand même dire quelque chose.

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