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La petite histoire d'une privatisation des soins de santé

Avertissement : ce billet est une mise en scène avouée de théorie du complot.
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Par définition, il s'agit donc, selon Wikipédia, « d'un récit théorique qui se prétend cohérent et cherche à démontrer l'existence d'un complot entendu comme le fait qu'un petit groupe de gens puissants se coordonne en secret pour planifier et entreprendre une action [...] néfaste affectant le cours des évènements. ». À lire avec un grain de sel.

Prélude

Début 2017. Le ministre de la Santé du gouvernement libéral de Philippe Couillard, Gaétan Barrette, octroie plusieurs millions de dollars à trois cliniques de chirurgie privées près de Montréal pour « faire une évaluation comparative des coûts d'une chirurgie entre le secteur privé et le public ». Quelques-uns se questionnent : quel est l'objectif visé en sauvant des cliniques privées de la faillite, tout en bâtissant un projet-pilote qui veut apprendre des « bons coups » du privé ?

Aucune réponse. Après quelques semaines, aucun intérêt. Le projet-pilote se poursuit.

Acte 1

Fin 2017. Les coupes dans tous les secteurs publics font rage. Dans le milieu de la santé, les infirmières sont épuisées. Les autres professionnels de la santé se joignent à elles rapidement : le réseau est saturé, les gestionnaires ont été renvoyés, les moyens manquent pour bien traiter les patients. Une vague de solidarité s'empare de la population : il faut y regarder de plus près et rétablir un financement équitable de nos services de santé !

Acte 2

Début 2018. La Fédération des médecins spécialistes (FMSQ), après 3 ans de discussions et de retard, boucle avec le ministère l'entente salariale de ses membres. Les hausses de salaire initialement discutées en 2014 verront enfin le jour, avec des ajustements qui restent flous dans les médias. Des détails sont disponibles, mais ils sont noyés au travers de plusieurs articles qui, de jour en jour, s'attardent de moins en moins à la question budgétaire et s'attaquent de plus en plus à l'honnêteté et la valeur des médecins.

On s'indigne : on dirait qu'il s'agit-là d'une nouvelle hausse, en plus d'une hausse en 2014 ! Les messages s'entremêlent, les médias s'en mêlent, la population se mêle. Une chose reste claire : les médecins sont trop payés, et c'est sûrement de leur propre faute. Denise Bombardier le dit : ils sont paresseux et mal sélectionnés. Les médecins tentent bien de lui répondre que les entrevues de sélection des étudiants, leurs cours et leur formation sont spécifiquement axés sur l'empathie et le dépassement de soi, rien n'y fait.

Peu importe qu'il s'agisse d'une décision budgétaire gouvernementale, et que plusieurs médecins la dénoncent : la confiance de la population envers les médecins sur le terrain est ébranlée.

Acte 3

Automne 2018. Aux élections générales, les libéraux reprennent le pouvoir (tsé). Le réseau de santé, lui, décrépit au même rythme, sous l'assaut répété des coupes et des restructurations. Se croyant encore en campagne électorale, M. Barrette s'élance : « Notre système de santé public est désuet, rien ne va plus, et c'est la faute du Parti québécois et de la CAQ ! »

On ne saura jamais pourquoi.

Mais, au fond, on a aussi vaguement l'impression que c'est la faute des médecins.

Acte 4.

Automne 2019. Le projet-pilote des cliniques de chirurgie privées prend fin. Malgré le fait que le projet ait finalement coûté 25 M$ et non les 4 M$ prévus initialement (si ça continue à ce rythme), le ministre est inébranlable et le verdict tombe : le privé est plus efficace ! C'est incroyable. Face à un système public mis à mal volontairement depuis plusieurs années, les trois cliniques de chirurgie privées financées par le gouvernement ont définitivement prouvé leur valeur !

La voilà la solution : les premiers hôpitaux publics-privés voient le jour. À la fois financés par les impôts, et directement par les contribuables utilisateurs-payeurs ! C'est d'une efficacité sans nom.

Et, surtout, avez-vous déjà entendu des médecins du privé se plaindre de leur salaire ?

Épilogue

Comme les patients paient désormais de leur poche une grande partie de leurs soins, le gouvernement économise gros. On peut enfin couper les impôts. Le citoyen paie davantage, à la pièce, les différents services qu'il utilise, mais le contribuable, lui, paie moins d'impôts...

Avril 2018

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