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La couverture médiatique des réalités trans: il y a place à amélioration

Discuter des réalités trans est un premier pas. Le deuxième serait d'arrêter de mettre l'accent sur la transition médicale, de respecter l'expertise des personnes trans et d'écrire selon les priorités des communautés trans et non pas la curiosité du lectorat cisgenre.
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Il est fortement encouragé d'utiliser une terminologie médicale précise comme «pénis» ou «vulve», et d'éviter de parler des organes génitaux comme étant intrinsèquement masculins ou féminins.
Emilija Manevska via Getty Images
Il est fortement encouragé d'utiliser une terminologie médicale précise comme «pénis» ou «vulve», et d'éviter de parler des organes génitaux comme étant intrinsèquement masculins ou féminins.

Récemment, j'ai pu lire le dossier du Devoir sur les réalités trans. En tant qu'universitaire transféminine se spécialisant en santé trans, je dois avouer avoir été déçue par le dossier qui commet plusieurs erreurs flagrantes. Ces erreurs auraient facilement pu être évitées si plus d'expertise avait été sollicitée de la part des communautés trans.

Tel que je le fis précédemment remarquer, la couverture médiatique des réalités trans tend au cliché: les personnes trans sont sollicitées pour leurs témoignages, alors que c'est principalement les voix des personnes cisgenres — non transgenres — qui donnent le point de vue expert.

C'est ce qu'on remarque ici. Dans le dossier de quatre articles, seul le professeur Alexandre Baril se voit contribuer en tant que membre expert de la communauté. Les autres articles prennent plutôt la parole du psychiatre Richard Montoro, un homme cisgenre. C'est dommage, puisque le Québec est rempli d'expertise: ne nommons que Gabrielle Bouchard, Dalia Tourki, Viviane Namaste et moi-même.

Terminologie désuète

Outre la présence d'expertise trans, il faut aussi savoir écouter celle-ci dans la composition des articles. Je doute très fortement qu'Alexandre Baril aie recommandé le vocable désuet «chirurgie de réassignation sexuelle» qui porte à penser que les femmes trans sont des hommes avant l'opération génitale.

Aujourd'hui, on parlera plutôt de «chirurgie de confirmation de genre» ou encore de «chirurgie de réassignation génitale». Si Le Devoir nuance son choix de terminologie en notant des termes alternatifs dans un encadré, il choisit néanmoins d'ignorer les termes préférés par les communautés trans et qui sont de plus en plus communs en santé trans. Bien que l'expression «chirurgie de réassignation sexuelle» est utilisée dans les standards de soins de l'Association mondiale des professionnels pour la santé transgenre (WPATH), ces standards datent de 2012 et ne reflètent ni l'évolution récente du terme ni la terminologie préférée des communautés trans.

Même chose pour le titre «Changer de genre sans changer de sexe» qui implique une perspective bioessentialiste du sexe. Cet usage du terme sexe comme référence à l'anatomie est découragée tant par le WPATH que par l'Endocrine Society.

De même, il est fortement encouragé d'utiliser une terminologie médicale précise comme «pénis» ou «vulve», et d'éviter de parler des organes génitaux comme étant intrinsèquement masculins ou féminins.

Diagnostics ou pas de diagnostics?

Les erreurs ne sont pas seulement terminologiques. Dans un des articles, Pauline Gravel affirme qu'avant d'entreprendre une transition médicale, «chacune de ces personnes doit se voir diagnostiquer une dysphorie de genre, une pathologie médicale reconnue par le DSM-5». Or, c'est faux. L'accès à l'hormonothérapie peut se faire sous un processus de consentement éclairé et ne requiert aucune évaluation de la dysphorie de genre: on tente plutôt de donner toutes les informations nécessaires à la prise de décision.

Au sujet des chirurgies, celles-ci demandent bien une évaluation de la dysphorie de genre, mais cette évaluation ne nécessite pas un diagnostic. L'évaluation est requise par les Standards de Soins de WPATH, document qui a été publié avant le DSM-5. Si le diagnostic de dysphorie de genre n'existait pas encore, comment est-ce que celui-ci pourrait être requis? Sous les standards de soins, la dysphorie de genre se réfère à une expérience psychologique et non pas à une catégorie diagnostique.

Les personnes non-binaires

Le dossier manque le fait de reconnaître l'existence des personnes non-binaires. Dans l'article sur les chirurgies génitales, par exemple, on mentionne qu'en 2018 le Centre chirurgical a offert 470 chirurgies génitales «d'homme à femme». Si on compte ici toutes les vaginoplasties et ou orchiectomies, le nombre est faux. J'ai eu ma vaginoplastie en 2018 et ne suis pas une femme, mais bien une personne non-binaire.

Les personnes non-binaires, qui ne s'identifient pas exclusivement comme homme ou comme femme, forment entre le cinquième et le tiers des communautés trans. Décrire les expériences des populations trans sans parler des personnes non-binaires revient à donner un portrait erroné de nos communautés.

Un premier pas...

Discuter des réalités trans est déjà un premier pas. Le deuxième pas, c'est d'arrêter de mettre l'accent seulement sur la transition médicale, de respecter l'expertise des personnes trans et d'écrire selon les priorités des communautés trans et non pas la curiosité du lectorat cisgenre.

Il serait crucial pour les journalistes de développer de meilleures bases terminologiques et conceptuelles pour mieux couvrir les réalités trans dans le futur. Inviter les communautés trans à créer un guide pour les médias serait une avancée considérable et pourrait contribuer grandement à augmenter la qualité du contenu portant sur les personnes trans.

Développer des liens avec nos communautés et garder une liste de personnes ayant expertise sur le sujet serait aussi important, puisque les communautés trans ont rarement la visibilité qu'ont les experts cis travaillant en santé trans.

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