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Algérie: après la révolution du vendredi, dictature ou chaos?

Les centaines de milliers de personnes qui descendent dans la rue, grisées par l’euphorie collective et la certitude de faire chuter un système déjà largement craquelé, savent-elles ce qui les attend demain?
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Des étudiants algériens manifestent au centre de la capitale, à Alger, en Algérie, le 26 mars 2019, contre l'extension du mandat du président Abdelaziz Bouteflika et réclamant un changement immédiat.
Billal Bensalem/NurPhoto via Getty Images
Des étudiants algériens manifestent au centre de la capitale, à Alger, en Algérie, le 26 mars 2019, contre l'extension du mandat du président Abdelaziz Bouteflika et réclamant un changement immédiat.

Plus qu'au temps de leur guerre d'indépendance, les «Algériens» gagnent des sympathies en France où médias et classe politique semblent admiratifs devant la Révolution du vendredi. Pacifiques, colorées, souriantes et bon enfant, les gigantesques foules qui se déplacent chaque vendredi depuis le 22 février 2019 pour faire tomber un système politique mi-colonial, mi-soviétique, nourrissent l'espoir d'un printemps démocratique en pays dit d'islam.

Même si, chez les élites parisiennes, l'orientalisme a encore de beaux jours devant lui, et plutôt que d'avoir confiance dans le hasard, il serait bon de contester la symbolique et les rapports de force en présence à Alger. L'avenir risque de déchanter dramatiquement et plus vite qu'on ne le croit.

Dès lors que le problème n'est plus la candidature de Bouteflika à un 5e mandat présidentiel, essayons de voir un peu plus clair et plus loin.

Les centaines de milliers de personnes qui descendent dans la rue, grisées par l'euphorie collective et la certitude de faire chuter un système déjà largement craquelé, savent-elles ce qui les attend demain?

Assurément non. Elles sont, au mieux, en train de faire le lit d'une nouvelle dictature, plus féroce que la précédente. En effet, il y a lieu de s'attendre soit à l'émergence d'un nouveau Pinochet parmi les militaires assumant un bain de sang à grande échelle, soit au retour des islamistes qui tenteront d'imposer leur ordre en exterminant tous ses mécréants rationnels et autres rêveurs de démocratie. Les démocrates seront encore une fois les instruments de leur propre malheur comme en Iran en 1979.

Ce qui rend ces deux alternatives possibles, c'est un faisceau de principes de bases:

1) Le système se confond avec l'État. Il n'y a pas de recette pour faire tomber l'un, tout en conservant l'autre.

2) Les élites politiques ont toutes été corrompues par lui et sont disqualifiées aux yeux de la majorité des Algériens. Il n'y a pas parmi elles une figure charismatique en mesure de fédérer une majorité de citoyens aux repères régionaux plus prégnants que les nationaux.

3) Dans un pays comme l'Algérie, irrigué par l'intégrisme islamiste, la xénophobie et la haine de l'Occident, il n'y a pas de projet démocratique qui incite à l'adhésion populaire. Une constituante signifie l'enterrement de toutes les libertés et des droits humains avec la légitimité des urnes.

4) Les islamistes sont en train d'intimer leur rythme à la marche des Algériens en ayant déjà fixé les méga-manifestations hebdomadaires algéroises au seul vendredi, après la prière du même nom. La charge religieuse du vendredi l'a emporté sur des jours comme jeudi ou samedi qui, pourtant, sont aussi fériés et qui auraient été à l'avantage des démocrates.

5) Il n'y a pas de nation algérienne. L'Algérie est une mosaïque de nations. Le slogan «khawa, khawa» (Tous frères), ayant fleuri sur la bouche de la plupart des marcheurs et dans des messages Facebook, n'est là que pour demander aux Amazighs en général et aux Kabyles en particulier de taire leurs revendications nationales au profit d'un nouveau régime arabo-islamiste.

Les démocrates qui réclament à cor et à cri l'avènement de la deuxième république ne font que légitimer à l'avance la peine de mort à laquelle ils sont déjà condamnés dès son installation.

Enfin, si le scénario de la dictature ne se réalise pas, ce serait alors celui du chaos qui va bientôt se mettre en place. Dans un mois ou deux, les salaires ne seront plus versés, les services non assurés et les pénuries de carburants et de denrées alimentaires vont instaurer un climat de violence.

Alors, seuls les peuples d'Algérie (Kabyles, Chawis, Mzabs, Touaregs, Constantinois et Oranais...) remplaceront, par leurs structures traditionnelles, l'absence d'État. Ils parviendront enfin à mettre sur pied ce que la communauté internationale empêche à tort d'émerger en Libye: de nouvelles entités étatiques plus apaisées et plus viables que celles issues de la décolonisation des années 50-60.

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