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La coopération internationale sur le climat est cruciale, mais pas pour les raisons que l'on croit

La lenteur de l'action mondiale en matière de climat a traditionnellement été attribuée à certains pays, qui choisissent de ne pas limiter leurs émissions de façon trop ambitieuse, et préfèrent profiter comme des "passagers clandestins" de l'action d'autres pays, qui eux réduisent leurs émissions. Ce raisonnement se base sur une croyance erronée.
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Alors que les représentants de plus de 190 pays se réuniront à Paris en décembre pour adopter un accord international sur le changement climatique, certains considèrent que les négociations ont comme objectif de partager le "fardeau" de la réduction des émissions entre pays. C'est là une façon erronée de voir la coopération internationale sur le climat.

La lenteur de l'action mondiale en matière de climat a traditionnellement été attribuée à certains pays, qui choisissent de ne pas limiter leurs émissions de façon trop ambitieuse, et préfèrent profiter comme des "passagers clandestins" de l'action d'autres pays, qui eux réduisent leurs émissions. Ce raisonnement se base sur une croyance erronée selon laquelle la réduction des émissions de gaz à effet de serre est très coûteuse, mais n'engendre que des gains minimes. Or la plupart du temps, cela n'est tout simplement pas vrai. Une action ambitieuse pour réduire les émissions de gaz à effet de serre est dans l'intérêt économique propre de chaque pays.

Les bénéfices nationaux de l'action climatique l'emportent sur les coûts

Dans un document de travail publié par l'Institut de recherche Grantham (de la London School of Economics and Political Science), je passe en revue les travaux existants sur les coûts et les bénéfices de l'action en matière climat. La conclusion que j'en tire est que dans la plupart des cas, réduire les émissions peut apporter des avantages économiques nationaux supérieurs aux coûts, ceci sans même prendre en compte les bénéfices de la réduction effective du changement climatique.

Une grande partie des mesures nécessaires pour "décarboner" l'économie permettrait aux individus et aux entreprises d'économiser sur le moyen et long terme. Elles rendraient nos économies plus productives, plus innovantes et plus stables. Elles nous feraient réaliser des avancées historiques en matière de santé et de sécurité publique. Elles permettraient de créer des villes plus attractives et vivables. Elles participeraient à l'amélioration de la qualité et de la productivité de l'environnement naturel.

Voyons quelques exemples.

Tout d'abord, passer du système énergétique mondial actuel à un système basé principalement sur les énergies renouvelables engendrerait des milliers de milliards de dollars d'économies. L'Agence internationale de l'énergie a calculé au début de l'année que les coûts initiaux supplémentaires de la transition seraient remboursés à plusieurs reprises en raison des coûts évités de l'achat de pétrole, le charbon et le gaz. Dans l'ensemble, un système énergétique sobre en carbone permettrait d'économiser 75 milliers de milliards de dollars américains sur la période 2016-2050 par rapport aux coûts d'un système basé sur l'utilisation toujours croissante de combustibles fossiles. Pour mettre cela en perspective, en 2014, la richesse cumulée de la moitié la plus pauvre de la population mondiale était inférieure à 2 milliers de milliards de dollars.

Deuxièmement, la transition vers un système énergétique bas-carbone déclencherait une vague d'innovation technologique. Elle ferait baisser plus rapidement les coûts des énergies renouvelables, du stockage de l'énergie et des technologies de gestion de réseau.

Elle entraînerait également de l'innovation dans d'autres industries. Toute innovation engendre une "retombée des connaissances" ("knowledge spillovers"), mais des travaux récents qui analysent le nombre de citations par brevet déposé montrent que la diffusion des connaissances sur les technologies propres est particulièrement forte - au même niveau que les technologies de l'information. Les brevets sur les technologies propres sont cités en moyenne 40% plus souvent que les brevets sur les technologies polluantes. L'innovation "propre" pourrait être le moteur de la croissance future -tout au moins pour les pays qui en font le choix.

Troisièmement, de nombreuses mesures de réduction des émissions offriraient d'immenses bénéfices en matière de santé publique. La combustion des combustibles fossiles, en particulier du charbon, provoque une pollution de l'air qui tue environ 7 millions de personnes par an, selon l'Organisation mondiale de la santé. Ce chiffre est supérieur au nombre de décès annuels dus au sida, au diabète et à la route combinés. La Commission mondiale sur l'économie et le climat estime les coûts économiques de la pollution de l'air à entre 3% et 11% du PIB des 10 plus grands émetteurs de CO2 au monde. Réduire la combustion d'énergies fossiles permettrait non seulement de réduire les émissions de gaz à effet de serre et de prévenir le changement climatique, mais aussi de délivrer des bénéfices immédiats sur l'économie et la santé.

Lorsqu'on additionne l'ampleur de ces bénéfices et les autres avantages nationaux qui découlent de politiques climatiques bien conçues, l'idée que la réduction des émissions est un "fardeau coûteux" pour les pays apparaît à la fois dépassée et dérisoire. Nous ne devrions pas avoir besoin d'institutions mondiales pour "forcer" les pays à agir.

Les obstacles à l'action portent principalement sur la politique intérieure

Pourtant, les pays n'agissent pas encore à l'échelle nécessaire pour réduire les émissions de gaz à effet de serre et éviter un changement climatique dangereux: des obstacles importants persistent. Certains peuvent être attribués aux dynamiques politiques internes. Car si les bénéfices nationaux sont supérieurs aux coûts de l'action, c'est la répartition de ces coûts et de ces bénéfices qui fait que les politiques préfèrent s'en tenir au statu quo.

La plupart des coûts de l'action climatique devront être assumés à court terme par les très grandes entreprises. De l'autre côté, les bénéfices nationaux de l'action climatique que je viens de décrire seront visibles à moyen et long terme, et seront largement répartis au sein de la population. Les environnements politiques et économiques étant axés sur le court terme et inclinés vers les intérêts des très grandes entreprises, il n'est pas étonnant que les bénéfices de l'action climatiques ne soient pas mis en avant.

D'autres obstacles, en particulier dans les pays en développement, concernent davantage l'accès au financement et aux technologies, ainsi que la création d'institutions nationales nécessaires pour les attirer.

Ce sont ces types de barrières nationales qui devraient retenir l'attention des gouvernements, des entreprises, des ONG et des chercheurs.

La coopération internationale fait partie de la solution

La coopération internationale peut aider à surmonter ces obstacles. Les conférences internationales, comme la COP21 qui se tiendra à Paris en décembre, offrent l'opportunité pour les gouvernements d'envoyer un signal politique clair sur leur volonté d'une trajectoire zéro carbone pour l'économie mondiale. Ceci peut, à son tour, aider les partisans d'une réforme des politiques à plaider pour une action climatique dans leur pays.

Les gouvernements doivent également veiller à ce que les pays les plus pauvres puissent accéder aux financements, aux technologies et au savoir-faire dont ils ont besoin pour mettre en œuvre un développement propre. Un développement zéro carbone peut entraîner des bénéfices locaux immenses dans les pays pauvres. La coopération climatique nord-sud ne consiste pas à ce que les pays développés offrent des "compensations" aux pays plus pauvres pour leur avoir imposé un "fardeau". Au contraire, les pays développés doivent remplir leur obligation morale de mener chez eux la transition zéro carbone, tout en aidant les pays plus pauvres à profiter des avantages locaux de ce développement décarboné et résilient au changement climatique.

Enfin, nous avons besoin d'initiatives de la part de petits groupes de pays volontaires, et d'acteurs non étatiques, qui soient ciblées sur des secteurs spécifiques et sur les obstacles à l'action climatique. Les exemples incluent des initiatives visant à accélérer les investissements bas-carbone ; à partager les coûts initiaux de l'innovation dans les technologies propres ; à élever progressivement les normes d'efficacité énergétique ; à taxer les émissions de gaz à effet de serre ; à éliminer la production et la consommation de charbon ; et à protéger et restaurer les forêts. La conférence de Paris fournit l'occasion de nouer et de développer de telles alliances.

Dans ces domaines et de bien d'autres façons, nous pouvons accélérer la transition vers un monde qui apporte d'immenses avantages aux générations actuelles, tout en préservant un climat vivable pour tous ceux qui suivront.

La Fondation Jean-Jaurès et la Fondation européenne d'études progressistes (FEPS) ont lancé le projet "Progressistes pour le climat", alors que la France accueillera en décembre 2015 la COP21, conférence internationale décisive sur le changement climatique.

À travers le site progressistespourleclimat.fr, elles accueillent le débat sur les enjeux politiques et sociétaux de la lutte contre le changement climatique et font entendre des voix progressistes sur le sujet, afin de contribuer à la construction d'un avenir bas-carbone, respectueux de l'homme et de l'environnement .2015-01-14-HuffPostBanGr5.jpg

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