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Le point de rupture

L'un des effets pervers de 40 années d'étapisme est la fausse croyance très répandue qu'il serait impossible de réaliser l'indépendance de façon démocratique et d'obtenir une reconnaissance internationale sans passer par une victoire référendaire.
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Depuis la publication de mon plus récent billet, j'ai été agréablement surpris de constater la volonté de plusieurs indépendantistes dont certains candidats à la direction du Parti québécois à enfin débattre des modes d'accession à l'indépendance, de mécanique.

Si certaines propositions sont très intéressantes comme celle de Martine Ouellet pour une constitution de transition ou celle d' Alexandre Cloutier avec ses six actions fondatrices pour l'État du Québec, d'autres sont pour le moins farfelues comme l'idée d'un référendum sur le renouvellement du fédéralisme.

Référendum ≠ indépendance

L'un des effets pervers de 40 années d'étapisme est la fausse croyance très répandue qu'il serait impossible de réaliser l'indépendance de façon démocratique et d'obtenir une reconnaissance internationale sans passer par une victoire référendaire. Ainsi, beaucoup trop de Québécois et de péquistes croient que si l'on renonce à tenir un référendum, l'on renonce du coup à réaliser l'indépendance. Si pour certains indépendantistes l'idée de s'engager à ne pas tenir de référendum est inacceptable, l'histoire récente et le contexte politique du Québec devraient plutôt rendre l'idée même du référendum inacceptable.

La question du référendum de 1980 ne portait pas sur l'indépendance, mais sur le mandat de négocier une nouvelle entente avec Ottawa. Qui plus est, un second référendum était promis avant tout changement de statut politique pour le Québec:

«Le Gouvernement du Québec a fait connaître sa proposition d'en arriver, avec le reste du Canada, à une nouvelle entente fondée sur le principe de l'égalité des peuples; cette entente permettrait au Québec d'acquérir le pouvoir exclusif de faire ses lois, de percevoir ses impôts et d'établir ses relations extérieures, ce qui est la souveraineté, et, en même temps, de maintenir avec le Canada une association économique comportant l'utilisation de la même monnaie; aucun changement de statut politique résultant de ces négociations ne sera réalisé sans l'accord de la population lors d'un autre référendum; en conséquence, accordez-vous au Gouvernement du Québec le mandat de négocier l'entente proposée entre le Québec et le Canada?»

2 187 991 (59,56 %) Québécois rejetèrent cette proposition de confier le mandat au gouvernement du Québec de renégocier le pacte fédéral avec Ottawa. Pierre-Elliott Trudeau était à la tête d'un gouvernement majoritaire depuis le 18 février 1980. Il interpréta les résultats du référendum à sa façon. Les Québécois avaient soif de changement, mais ce changement, selon lui, devait venir d'Ottawa. Et c'est ce qui se produisit. Trudeau procéda au rapatriement de la constitution avec l'appui des différents gouvernements provinciaux, à l'exception du gouvernement du Québec de René Lévesque, qui s'était présenté pour ces négociations à Ottawa en position de faiblesse suite à sa défaite référendaire. Le Québec se retrouva ainsi dans un nouvel ordre constitutionnel, aux prises avec une Charte canadienne lui imposant le multiculturalisme, verrouillé par une formule d'amendement haute sécurité, sans que ses citoyens aient pu se prononcer sur le sujet.

Quinze ans après le référendum de 1980, un deuxième référendum fut organisé.

«Il faut bien relire la partie sur le mandat référendaire de l'entente du 12 juin pour saisir la portée réelle du référendum du 30 octobre 1995.»

«Acceptez-vous que le Québec devienne souverain, après avoir offert formellement au Canada un nouveau partenariat économique et politique, dans le cadre du projet de loi sur l'avenir du Québec et de l'entente signée le 12 juin 1995?»

Il faut bien relire la partie sur le mandat référendaire de l'entente du 12 juin pour saisir la portée réelle du référendum du 30 octobre 1995. Ainsi, advenant une victoire du OUI, l'Assemblée nationale pouvait proclamer la souveraineté un an plus tard, et s'engageait à proposer, durant cette année, une nouvelle association économique et politique au Canada. Jacques Parizeau se permettait donc de promulguer l'indépendance un an après le référendum, que les négociations engagées avec le fédéral aboutissent ou pas.

«Après une victoire du Oui au référendum, l'Assemblée nationale aura, d'une part, la capacité de proclamer la souveraineté du Québec et le gouvernement sera tenu, d'autre part, d'offrir au Canada une proposition de traité sur un nouveau Partenariat économique et politique qui vise notamment à consolider l'espace économique actuel. Dans la mesure où les négociations se déroulent positivement, l'Assemblée nationale déclarera la souveraineté du Québec après entente sur le traité de Partenariat. Un des premiers gestes du Québec souverain sera la ratification du traité de Partenariat. Ces négociations ne dureront pas plus d'un an, sauf si l'Assemblée nationale en décide autrement. Dans la mesure où les négociations seraient infructueuses, l'Assemblée nationale pourra déclarer la souveraineté du Québec dans les meilleurs délais.»

Le référendum de 1995 fut littéralement volé par Ottawa et le camp du NON et la suite des choses fut au grand désavantage du Québec et des Québécois. Le Plan B d'Ottawa fut déployé avec succès: offensive juridique, politique, idéologique et économique pour déstabiliser l'État du Québec, miner le mouvement indépendantiste et promouvoir le Canada. Nous continuons aujourd'hui de subir les contrecoups de cette politique de sape de l'État.

Que ce soit lors du référendum de 1980 ou de celui de 1995, il n'a jamais été question d'un processus de réalisation de l'indépendance, ni de l'exercice effectif de tous les pouvoirs par l'État du Québec et encore moins d'une rupture avec Ottawa ou de l'abolition du lien monarchique. Pis encore, nous venons de le voir, les deux référendums ont placé le Québec en position de faiblesse et l'ont fait reculer.

Anticonstitutionnellement, unilatéralement, effectivement

Le gouvernement du Québec n'a jamais signé la constitution de Pierre-Elliott Trudeau, pourtant il s'y soumet comme si tel était le cas. Le nouvel ordre constitutionnel canadien s'est donc installé sans que les Québécois aient été consultés et malgré le refus du gouvernement du Québec d'y adhérer formellement. C'est comme si les deux référendums, qui ne portaient pas sur la réalisation de l'indépendance, avaient eu pour effet d'amener le gouvernement du Québec à se soumettre lui-même à la constitution canadienne. On n'osera jamais plus sortir de ce cadre sans avoir au préalable remporté un référendum. C'est donc dire que tous les gouvernements du Québec élus depuis 1982 ont été des gouvernements soumis, des gouvernements provincialistes.

L'idée de l'indépendance nationale n'est pas une lubie. Elle demeure bien ancrée dans la psyché de nombreux citoyens des peuples du monde qui ne relèvent pas d'un État indépendant, car un État qui a tous les pouvoirs normalement dévolus aux États indépendants est nécessairement en bien meilleure posture pour réaliser sa mission. Un État, cela doit servir à organiser la vie de ses citoyens et à leur offrir un environnement favorisant la réussite, le confort, la fierté, bref, le bonheur. Malheureusement, dans le cadre actuel, le gouvernement du Québec n'est pas dans une situation optimale pour réaliser cette mission. Il n'a pas tous les pouvoirs d'un État indépendant et manque cruellement de moyens financiers, Ottawa occupant la plus large part.

Le gouvernement du Québec n'a pas tout ce qu'il faut pour remplir pleinement sa mission et il se soumet à un ordre constitutionnel qu'il n'a pas choisi. Il préfère respecter le cadre canadien que de bien servir les Québécois. Un véritable parti indépendantiste ne devrait jamais se retrouver dans un tel dilemme. Un véritable parti indépendantiste devrait toujours choisir de remplir sa mission, choisir son peuple, et ce sans se soucier d'une constitution imposée qu'il n'a jamais signée.

Des questions aux candidats à la chefferie

Malgré toutes les belles choses que nous proposent les candidats à la direction du Parti québécois, il faudrait qu'ils nous indiquent clairement quel est leur point de rupture avec l'État fédéral. À partir de quel moment seront-ils prêts à agir anticonstitutionnellement, unilatéralement et effectivement? Si ces candidats en venaient à diriger le Québec, seraient-ils à la tête d'un gouvernement provincialiste, un gouvernement qui se soumettrait à la constitution de Pierre-Elliott Trudeau, un gouvernement à genoux devant Justin, un gouvernement qui continuerait de se plier aux décisions de la Cour suprême d'un autre État.

Pour être bien clair, demandez-vous un mandat de gouvernance provinciale ou un mandat de gouvernance indépendantiste, un mandat pour remplir la véritable mission de l'État du Québec? Votre hypothétique élection à la tête du gouvernement du Québec constituera-t-elle votre point de rupture?

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