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Anticiper les barrières à l'aide à mourir

Le refus de certains médecins de pratiquer l'aide à mourir par objection de conscience pourrait s'avérer problématique.
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De nombreux experts se sont fait entendre depuis février 2015 sur le cadre légal qui sera établi sur l'aide à mourir au Canada. Avec raison, nos législateurs ont passé les derniers mois à étudier les différents moyens de protéger les populations vulnérables et d'éviter les failles judiciaires.

À l'opposé du balancier, la notion d'accès ne semble avoir ressurgi que tout récemment dans les échanges publics.

Dans son rapport, le comité d'étude MedPASS sur l'aide médicale à mourir a souligné l'importance d'une réglementation provinciale de cette pratique, étant donné l'expertise et la proximité des provinces pour réglementer leur système de santé et la pratique médicale. Néanmoins, nos membres ont dû reconnaître qu'une telle gestion régionale pourrait entraîner des disparités significatives dans l'accès aux soins de fin de vie.

Par-dessus tout, le refus de certains médecins de pratiquer l'aide à mourir par objection de conscience pourrait s'avérer problématique pour certaines provinces. On pourrait croire que dans chaque région du pays se trouveront assurément au moins quelques professionnels de la santé prêts à fournir l'aide à mourir. Pourtant, l'histoire nous apprend que des impasses peuvent être anticipées.

C'est la situation actuelle à l'Île-du-Prince-Édouard (I.-P.-É.), où aucune interruption volontaire de grossesse (IVG) n'est pratiquée, qui a soulevé des inquiétudes chez notre comité. Bien que l'avortement soit décriminalisé au Canada depuis 1988, l'I.-P.-É. s'est dotée de lois contraignantes afin d'empêcher toute forme d'IVG sur son territoire et d'en faire «la seule province canadienne pro-vie». Différents groupes activistes et religieux, ainsi qu'une lourde pression sociale, ont créé un climat d'incertitude dans la communauté médicale, si bien qu'aucun spécialiste de la santé ne peut fournir ce genre de soins, par peur de représailles. Les femmes nécessitant un avortement sont, depuis juin 2015, référées à Moncton, au Nouveau-Brunswick. Le gouvernement prince-édouardien fait d'ailleurs actuellement l'objet d'une poursuite judiciaire pour ses lois jugées inconstitutionnelles et son inaptitude à assurer ce service.

Il est possible d'anticiper des barrières similaires avec l'aide à mourir. Seule différence avec l'avortement : l'aide médicale à mourir a été reconnue comme un droit par la Cour. Si l'objection de conscience est, tout comme l'aide à mourir, protégée par la Charte canadienne des droits et libertés, les provinces se devront d'instaurer un système qui saura respecter le jugement de la Cour Suprême et assurer un accès juste à l'aide à mourir.

Pour un enjeu qui, certains diront, soulève encore plus les passions que l'avortement, la tâche pourrait être très délicate dans certains coins du pays. La solution à ce problème, propre à chaque province et à son contexte, est cependant capitale, car il peut paraître sévère de référer des femmes enceintes pour des soins hors-provinces, mais cela est impensable pour des patients à l'agonie ou en fin de vie. Il relèvera aussi du gouvernement fédéral d'étudier la situation à travers le pays et d'assurer, dans le respect de la juridiction provinciale, un accès universel.

À cela s'ajoute la complexité du protocole entourant l'aide médicale à mourir, qui pourrait varier d'une province à l'autre. Bien que tous les comités parlementaires sur la question aient préconisé une discussion pancanadienne sur cette nouvelle pratique, les différents gouvernements provinciaux demeurent uniques maîtres à établir le processus de demande (et de révision) à l'aide à mourir en leur sol. Les étapes et exigences administratives de chaque système auront certainement un impact direct sur l'accès régional à ce type de soin. Encore une fois, une étroite collaboration entre les législations canadiennes permettra une meilleure compréhension et saura agir dans le meilleur intérêt des patients canadiens.

Les inquiétudes ici soulevées sont, à nos yeux, inévitables dans le contexte canadien. Vu la nature de notre fédération, certaines dissimilitudes devront être tolérées d'une province à l'autre. Cependant, tel qu'établi, des échanges honnêtes, des investissements sérieux et des mesures légales appropriées permettront une transition plus efficace et un accès juste.

Ce genre de dilemme législatif n'a rien de nouveau pour notre nation. Si les ajustements seront probablement nombreux dans les prochaines années, la bonne volonté des législateurs provinciaux permettra, espérons-le, d'éviter de longues batailles juridiques et des délais indésirables.

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