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Violence policière: la culture de l'indifférence

En déshumanisant les étudiants, en victimisant la police et en responsabilisant les manifestants, on procède à un renversement idéologique qui diabolise la frange revendicatrice tout en excusant les policiers de leurs abus.
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Ce qui choque, ce ne sont plus les mesures d'austérité qui allègent le fardeau fiscal des entreprises tout en maintenant celui des contribuables. Ce qui choque, ce n'est plus la violence policière envers les manifestants (elle est devenue monnaie courante au fil des mobilisations étudiantes). Non, c'est bien l'indifférence des citoyens face à cette violence policière qui me vire à l'envers le plus.

Comment rester passible devant les messages apathiques et cyniques qui légitiment la violence policière sur les réseaux sociaux et les sites Internet de médias comme le Journal de Québec. Bien sûr, ces messages ne sont pas représentatifs de la population, mais ils laissent tout de même supposer qu'une certaine culture de l'indifférence s'installe au Québec quant à la violence policière. Analysons ensemble cette culture de l'indifférence qui se décline en trois différents axes : la déshumanisation des étudiants, la victimisation des policiers ainsi que la responsabilisation des manifestants.

C'est un truisme de le rappeler, mais les étudiants, pour une certaine partie de la population, sont considérés comme des «privilégiés» qui profitent de certains avantages payés par les contribuables, les citoyens moyens. Ce sont des «enfants gâtés», qui, non contents de leurs prérogatives, ajoutent l'insulte à l'injure en quittant les classes pour aller manifester. Ce ne sont plus des êtres humains avec des idéaux et des revendications sociales, ce sont des «criss de carrés rouges», une «minorité d'excités» qui foutent la «marde» partout. C'est en pensant ainsi qu'une certaine frange de la population se crispe à chaque action étudiante et qu'elle finit par applaudir le travail policier.

Pour soutenir le travail policier vis-à-vis des manifestants, il faut procéder à un renversement idéologique assez saugrenu. Pour ce faire, on tente d'égaliser la situation entre des policiers ultra-équipés et les manifestants armés de leur poing et de leurs slogans matraques. On procède donc à la victimisation des policiers, ce qui contribue à la normalisation de la violence. On répète sur tous les toits que le travail des policiers est harassant, difficile et stressant. Qu'il est de leur devoir de faire respecter la loi et l'ordre. Ainsi, lorsque ceux-ci utilisent la violence de façon exagérée, on explique que les policiers «ne font que leur travail».

En défendant le travail policier dans de tels cas de violence comme la manifestation du 26 mars, on démontre l'inutilité du code de déontologie des policiers du Québec qui stipule à l'article 11 : «Le policier doit utiliser une arme et toute autre pièce d'équipement avec prudence et discernement». On dit également que l'article 5 indiquant que tout policier «doit se comporter de manière à préserver la confiance et la considération que requiert sa fonction», est, après tout, un vœu pieux. La victimisation des forces de l'ordre est donc le premier argument qui fait basculer l'opinion publique du côté des policiers.

La seconde technique, et non la moindre, est celle de la responsabilisation des manifestants. Qu'un policier abuse de son pouvoir, qu'il utilise la violence de manière excessive ou qu'il manie son armement de mauvaise façon, et ce sera toujours la responsabilité des manifestants. On explique les actions policières du 26 mars à Québec par le fait que les manifestants «chargeaient» vers la police. Le maire Labeaume se demande ce que les étudiants faisaient si proche des policiers. On vocifère partout que les étudiants savaient ce qui les attendaient s'ils ne donnaient pas leur itinéraire, comme si tirer une grenade lacrymogène en plein visage était moins dangereux que de dissimuler son itinéraire. En responsabilisant les manifestants, on déculpabilise le corps policier qui peut continuer à utiliser la violence pour avorter les manifestations qui dérangent l'ordre social.

Ainsi, en déshumanisant les étudiants, en victimisant la police et en responsabilisant les manifestants, on procède à un renversement idéologique qui diabolise la frange revendicatrice tout en excusant les policiers de leurs abus. Mais une fois analysées ces techniques fallacieuses, difficile de prendre le parti du corps policier.

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