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Protéger les renseignements personnels des citoyens: un geste de respect et de responsabilité

Depuis le 28 avril dernier, la question du transfert des dossiers des citoyens entre députés sortants et nouveaux députés a refait surface dans l'actualité. Ayant été interpellée moi-même, je me vois dans l'obligation d'apporter quelques précisions.
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Depuis le 28 avril dernier, la question du transfert des dossiers des citoyens entre députés sortants et nouveaux députés a refait surface dans l'actualité. Ayant été interpellée moi-même, je me vois dans l'obligation d'apporter les précisions suivantes.

Lorsque j'ai été élue pour la première fois, le député libéral qui m'avait précédé dans le comté de La Pinière pendant 14 ans et qui était également président de l'Assemblée nationale, ne m'a transféré que quelques meubles pour mon nouveau bureau de comté et aucun dossier et encore moins des dossiers de citoyens.

Comme c'est la pratique dans les bureaux de députés, ces documents avaient été déchiquetés et je comprenais l'exigence de la confidentialité des données personnelles s'y rattachant. En effet l'article 54 de la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels stipule que « Dans un document, sont personnels les renseignements qui concernent une personne physique et permettent de l'identifier ».

Loin d'accuser mon prédécesseur d'irresponsable, comme le fait le nouveau député Gaétan Barrette, je me suis organisée pour prendre la relève rapidement, et en l'espace de deux semaines, mon bureau de comté était loué, meublé et équipé. Mon équipe était en place et une petite annonce était publiée dans le Journal local indiquant les coordonnées de mon bureau et invitant les citoyens à se prévaloir de mes services.

Dans le cas de monsieur Barrette, il a hérité de mon bureau de comté, un local impeccable, avec une armoire-présentoir garnie de renseignements sur les services gouvernementaux destinés aux citoyens, 4 bureaux entièrement meublés avec bureaux, fauteuils, crédences, tables, chaises et filières, une aire ouverte aménagée en 3 stations de travail toutes équipées, trois armoires pleines de papeterie et matériel de bureau pour au moins 3 mois, une télévision, un magnétoscope, une radio, une cuisinette tout équipée, etc. ... Toutes les personnes présentes au moment de la remise des clefs, le 22 avril dernier, étaient impressionnées, seule une adjointe de monsieur Barrette avait exprimé une préoccupation, celle d'avoir un bureau fermé avec télévision pour le chauffeur du ministre...

Qu'est-ce qu'un dossier de citoyen ?

L'un des dossiers les plus sensibles dans un bureau de député est celui des citoyens. Il contient des données sur leur vie privée, confiées par ces derniers à leur député, en toute confidentialité, pour les aider à corriger une injustice dont ils font l'objet ou à résoudre un problème avec l'un ou l'autre des 180 ministères et organismes gouvernementaux, notamment Revenu Québec, l'Assurance maladie, la Sécurité de revenu, Emploi Québec, la CCCST, l'Assurance automobile, les Prêts et bourses, l'Immigration, Hydro-Québec, etc. .... Ces informations personnelles sont protégées par la Loi et ne peuvent être transférées ou utilisées à d'autres fins que celles pour lesquelles elles ont été colligées.

Durant ma pratique de députée, le service aux citoyens a toujours été une de mes priorités d'action, assez pour lui consacrer une partie importante de mon temps allant même jusqu'à travailler le samedi pour permettre aux citoyens -individuellement et en groupes - de me rencontrer sans rendez-vous. Ce travail a été fait avec diligence et compétence avec une équipe dévouée et dans le respect de la vie privée des citoyens.

Que contient un dossier de citoyen dans un bureau de député ?

L'un des rôles de député consiste à représenter les citoyens de son comté et à défendre leurs préoccupations auprès du gouvernement. C'est ainsi qu'en toute bonne foi, un citoyen accepte de lui confier des renseignements personnels dans l'espoir de lui venir en aide. Le dossier du citoyen ainsi ouvert contient, selon les cas, copies de son numéro d'assurance sociale, de son rapport d'impôt, de son dossier médical, la liste des médicaments qu'il consomme, son revenu personnel ou familial, les coordonnées des personnes impliquées, ses échanges de correspondance personnelle avec l'administration, etc. .. Souvent, c'est toute une tranche de vie privée qui s'y écrit.

Le consentement du citoyen

Afin de pouvoir communiquer et recevoir des informations du ministère ou de l'organisme gouvernemental avec lequel le citoyen est en litige, ce dernier doit compléter et signer un formulaire de Consentement qui autorise nommément le député (son nom est inscrit en toutes lettres dans le formulaire) à avoir accès à son dossier. Ce formulaire de consentement est cosigné par un témoin qui est généralement la personne responsable des dossiers de citoyens dans le bureau du député et qui en fait le suivi auprès du fonctionnaire concerné. Ce dernier, conformément à la loi, est également lié par la même exigence de confidentialité et du respect des renseignements personnels. Il ne peut fournir aucune information au député nommément autorisé que lorsqu'il reçoit le fameux formulaire de consentement signé par le citoyen.

L'échange d'information avec les fonctionnaires du gouvernement

C'est au sein de ce corridor de confidentialité que s'effectue l'échange d'information sur les dossiers des citoyens. La divulgation de ces informations personnelles au député est faite dans un seul objectif, celui de trouver une solution à un problème précis. À titre de députée de La Pinière, et grâce à la collaboration de l'Administration gouvernementale, j'ai toujours eu une collaboration exemplaire qui m'a permis, ainsi que mon adjointe, de résoudre des centaines de dossiers à la satisfaction des citoyens de mon comté pendant les vingt dernières années.

Le traitement des dossiers de citoyens

À mon bureau de comté, la durée moyenne de traitement des dossiers des citoyens était de 2 semaines. Une fois les dossiers réglés, un relevé trimestriel de ces interventions était effectué pour en conserver l'historique avec leur date d'ouverture, l'identification complète du citoyen concerné, la nature du problème qu'il a soumis, le résumé des interventions effectuées et le statut du dossier (réglé, fermé en date du...).

Dans tous les cas, le citoyen garde l'original de son dossier et la copie des informations personnelles qu'il m'a confiée pour faire l'interface avec le gouvernement est déchiquetée, une fois le dossier réglé, pour en protéger l'identification et la vie privée.

À en juger par les messages d'appréciation reçus à date, je suis très fière d'avoir aidé des centaines de citoyens aux prises avec la bureaucratie gouvernementale, avec diligence et de l'avoir fait dans le respect de leur vie privée.

Une collaboration exemplaire avec les organismes du milieu

Pour ce qui est du dossier des subventions aux organismes communautaires qui contient aussi des informations nominatives, j'ai pris la peine de leur écrire, le 20 avril dernier, pour les inviter à soumettre leurs demandes au nouveau député, comme ils le faisaient par les années antérieures avec moi. J'ai également offert ma collaboration aux adjointes du nouveau député, en cas de besoin. Ma collaboratrice responsable de ces dossiers a fait de même.

Un fonds documentaire Fatima Houda-Pepin

Étant bibliothécaire de formation, j'ai une petite idée de la valeur des documents. Aussi, j'ai conservé, au cours de mes 20 ans de vie parlementaire, un fonds documentaire important et pris entente, en 2013, avec les Archives de la Bibliothèque de l'Assemblée nationale pour le rendre public. Deux archivistes de Québec ont effectué une première sélection et une équipe d'une dizaine de bénévoles se relaie avec moi, depuis le 8 avril dernier pour élaguer, recycler, trier, déchiqueter et classer ces documents. Une attention particulière est donnée aux renseignements personnels. Chaque dossier est trié pour en soustraire ces informations.

Un geste de respect et de responsabilité

L'article 34 de la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels stipule qu'« Un document du bureau d'un membre de l'Assemblée nationale ou un document produit pour le compte de ce membre par les services de l'Assemblée n'est pas accessible à moins que le membre ne le juge opportun ».

Les députés qui m'ont précédée de même que tous ceux avec lesquels j'avais siégé l'Assemblée nationale jusqu'en 2012 ainsi que la très vaste majorité de ceux issus de cette élection - tout parti politique confondu - ont toujours fait le choix de protéger les renseignements personnels.

Pourquoi transférer des notes manuscrites sur la vie privée des citoyens, leurs numéros d'assurance sociale, leurs rapports d'impôt ou leurs dossiers médicaux alors que leurs dossiers sont réglés depuis des mois, voir des années. La première ministre Pauline Marois, comme les premiers ministres qui l'ont précédée - également députés - ont choisi de protéger les renseignements personnels. Si la loi n'est pas assez claire pour tous, il n'appartient pas aux députés de la contourner avec des solutions a géométrie variable, au gré de la partisanerie politique, mais au législateur de la resserrer dans l'intérêt des citoyens et l'intérêt public.

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