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Ali Khaménei, Guide suprême

À supposer que les pro-réformistes aient une chance de gagner la bataille le 14 juin, ce qui est peu probable aucun des deux n'a l'envergure et l'expérience de Hachémi Rafsandjani, politique rodé, rusé et pragmatique.
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Ce blogue est un extrait des chapitres 2 et 8 du livre de Fariba Hachtroudi Ali Khamenei ou les larmes de Dieu, paru en 2011.

Les politologues iraniens qualifiaient souvent les élections présidentielles iraniennes de sélection. En effet, la validité des candidats selon les principes de l'islam étatique étant du ressort du Conseil des Experts sous l'égide du Guide suprême Ali Khamenei. Il va sans dire que seuls les "gens du sérail" sont validés par ledit Conseil.

Or, cette année Hachémi Rafsandjani, actuel Président du Conseil de discernement, fidèle compagnon du "Père de la Révolution" et un des piliers de la République islamique a été invalidé et ne peut se présenter à la course pour l'exécutif. Il n'est pas le seul, il en va de même d'Esfandiar Machaï, le bras droit et protégé du Président sortant Ahmadinéjad. Les candidats validés, exceptés deux, qualifiés de pro réformistes (Messieurs Hassan Rohani et Mohammad Ali Aref) sont tous des fidèles du Guide Suprême Ali Khaménei.

À supposer que les pro réformistes aient une chance de gagner la bataille le 14 juin, ce qui est peu probable - nul n'a oublié les fraudes massives en 2009 - aucun des deux n'a l'envergure et l'expérience de Hachémi Rafsandjani, politique rodé, rusé et pragmatique. "Aussi, on ne peut même plus parler de sélection présidentielle cette année, mais d'acte d'allégeance au Guide. C'est lui et lui seul qui veut conduire les affaires du pays avec un prédisent docile..."

Qui est Ali Khamenei qui dirige la théocratie iranienne?

Depuis 1989, Ali Khamenei occupe la plus haute des fonctions de la République islamique d'Iran. Il est le second, dans l'Histoire de ce pays - et peut-être le dernier - à porter le titre de "Guide suprême", après le défunt Ayatollah Khomeyni (...)

L'article 5 de la Constitution théocratique octroie à Ali Khamenei, au même titre qu'à son prédécesseur, Rouhollah Khomeyni, les pleins pouvoirs: "Durant l'absence ou l'occultation du douzième Imam (qu'Allah accepte à nouveau son apparition), l'Imamat ou la guidance de la communauté des musulmans incombe au Faqih (Docteur de la Loi) juste, pieux, courageux, plein de ressources ; celui qui est au fait des problèmes de son temps et possède l'habileté administrative (de gouvernance)."

Le Guide suprême "de la révolution mondiale de l'islam" (dixit article 107), assume les responsabilités de ses fonctions en accord avec l'article 110 :

  • La direction générale de la politique du pays, après consultation avec le Conseil de Surveillance.
  • La décision et la permission pour la tenue de référendums nationaux.
  • Il est le Commandant en chef des armées.
  • Il peut déclarer la guerre, la paix ou la mobilisation des armées.
  • Il peut nommer, renvoyer ou accepter la démission des jurisconsultes ou Docteur de la Loi ainsi que les juristes non religieux du Conseil de la Surveillance.
  • Il peut nommer, renvoyer ou accepter la démission des hautes instances du pouvoir judiciaire et du responsable de la radio-télévision nationale.
  • Il peut nommer, renvoyer ou accepter la démission des commandants des forces armées (l'armée régulière, l'armée des Gardiens de la révolution et les forces de police).
  • Il lui revient de régler les problèmes entre les trois pouvoirs en cas de conflit.
  • Il lui revient de régler les problèmes liés à l'ensemble du système s'ils ne peuvent être résolus par les méthodes conventionnelles et par le biais des Institutions.
  • Il signe l'investiture et valide le poste du Président de la République choisi par le peuple.
  • Il valide les candidats présidentiables une fois qu'ils ont été préalablement autorisés par le Conseil de Surveillance.
  • Il peut destituer le président de la République dans l'intérêt du pays si le chef de l'exécutif est reconnu coupable pour violation de la Constitution et condamné par la Cour suprême ou par un vote du Parlement islamiste confirmant son incompétence pour mener à bien les affaires du pays selon l'article 89 de la Constitution.
  • Il peut gracier un condamné ou réduire sa peine en tenant compte des critères islamiques recommandés par le pouvoir judiciaire.

L'Ayatollah Khomeyni, le "sauveur" de 1979, se comporta comme l'alter ego du Messie en justifiant toutes ses décisions, notamment les plus meurtrières, par l'autorité que lui conférait le statut de Guide suprême. Les douze imams étant infaillibles, selon la croyance chiite, Khomeyni le devenait par la même occasion. Qui aurait pu le contredire, sinon l'Imam caché, supposé se terrer au fond d'un puits ? Ali Khamenei suit aujourd'hui la même logique poussée au paroxysme d'autant que grâce à un alinéa de la Constitution le règne du Jurisconsulte de Khomeyni s'est transformé en règne absolu du jurisconsulte sous Khamenei.

Les candidats à l'élection présidentielle iranienne (en anglais)

Le billet se poursuit après la galerie

Ali Akbar Velayati

Iran's Official 2013 Presidential Candidates

L'incroyable ascension d'Ali Khamenei

Dans la panique provoquée par la mort de Rouhallah Khomeyni en 1989, nombreux sont ceux, qui comme Mehdi Bazargan croient à la fin du gouvernement théocratique.

"Ce vêtement (de Docteur de la Loi et donc de Guide suprême) ne sied qu'à Monsieur Khomeyni", déclare l'ancien premier ministre. Erreur. La nomination d'Ali Khamenei, alors Président de la République, est décidée en coulisse par le fils de Khomeyni, Ahmad et Hachémi Rafsandjani, le numéro deux du régime, au détriment de l'ayatollah Montazéri, le dauphin disgracié par Khomeyni (...).

Ainsi, l'Aba1 taillé par et pour Rouhallah Khomeyni est ajusté en un temps record à la haute stature d'Ali Khamenei. Alors qu'il est nommé in extremis ayatollah par l'Assemblée des Experts - comme Khomeyni dans les années 1960 -, Rafsandjani fait taire les voix discordantes des dignitaires qui contestent néanmoins les compétences religieuses ou le jeune âge du successeur. "Monsieur Khamenei est incapable de lire certains textes anciens sans faire au moins de vingt fautes", aurait péroré l'inconséquent ayatollah Mésbah Yazdi2, mentor d'Ahmadinejad, et aujourd'hui le plus vil des obligés d'Ali Khamenei (...).

"En rupture avec la plupart des enquêtes publiées depuis de nombreuses années sur le système politique actuel de l'Iran, l'ouvrage pionnier de Fariba Hachtroudi s'attaque à un objet neuf : la figure et l'entourage du successeur de Khomeyni et "Guide" de la révolution depuis 1989, Ali Khamenei. Ce faisant, l'auteur s'est attaquée à l'institution centrale de la République islamique depuis un quart de siècle, et qui constitue en même temps l'aspect le plus secret du système politique iranien actuel.

Fondé sur une investigation scrupuleuse et le recueil de nombreux témoignages, d'anciens prisonniers d'opinion, mais aussi d'ex-membres de l'entourage rapproché de Khamenei, l'ouvrage de Fariba Hachtroudi ouvre des perspectives inédites sur l'exercice du pouvoir au quotidien dans la République islamique. Dans un contexte d'extrême segmentation de la classe politique iranienne, divisée par d'innombrables querelles de personnes et de tendance, ce livre soulève aussi nombre de questions sur le degré d'autonomie des protagonistes de la scène politique iranienne actuelle -- la présidence de la république en particulier, plus que jamais suspendue, à quelques semaines des élections, aux choix et arbitrages nécessairement imprévisibles du leader suprême.

Loin des illusions longtemps entretenues sur l'unité et la marge de manœuvre des "réformistes" au sein du système politique iranien, l'auteur a mis au jour, avec une rare lucidité, les multiples implications de l'extrême idéologisation du régime, héritée du khomeynisme, en particulier sur l'impact du "Beyt" (la "Maison" du Guide) et de ses différents QG, maintenus dans l'ignorance les uns des autres, dans la politique tant intérieure qu'extérieure de l'Iran. De ce point de vue, l'enquête de Fariba Hachtroudi doit être saluée comme l'un des travaux les plus originaux et les plus féconds de ces dernières décennies en matière de compréhension des mécanismes du pouvoir à Téhéran, ainsi que de manipulation par le Guide des identités politiques et confessionnelles très au-delà des frontières de l'Iran."

Stéphane A. Dudoignon (CNRS, Paris)

Hachtroudi, Fariba, Ali Khamenei ou les larmes de Dieu, Paris : Gallimard, 2011 : 230 p.

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