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La fin des hipsters expliquée par le tourisme

Depuis quelques années, on entend parler «hipster» à tout va. Mouvement américain, initié à Brooklyn, que sait-on de ce qu'est «être hipster»? Difficile d'en trouver une définition adéquate, surtout que le mouvement a profondément changé depuis ses origines.
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Depuis quelques années, on entend "hipster" à tout va. Mouvement américain, initié à Brooklyn, que sait-on de ce qu'est "être hipster"? Difficile d'en trouver une définition adéquate, surtout que le mouvement a profondément changé depuis ses origines.

À l'origine, il s'agissait un style de vie, passant un style vestimentaire façon chemise bucheron et barbe longue, à une façon de consommer plus "bohème". Comme diraient Daniel et Brenna Lewis, les fondateurs de Brooklyn Tailors "une vraie communauté a vu le jour, désireuse de se détacher d'un monde hyperconnecté, déshumanisé - des artistes, des personnes qui ne rentraient pas dans le modèle du succès américain classique".

Cette mode hipster vient sans aucun doute d'un dégoût générationnel de cette consommation de masse se produisant depuis la révolution industrielle, de ces délocalisations à la chaîne et de cette surexploitation incontrôlée des ressources. Une génération de "bohèmes" cherchant à se reconnecter avec des valeurs plus traditionnelles et à s'exprimer à travers une mode vestimentaire et artistique propre.

Le hipster est végétarien et mange bio

Le hipster cherche avant tout à se rapprocher de communautés locales, plus attentives et investies dans des sujets proches d'eux physiquement. Il cherchera à consommer différemment qu'il s'agisse de lieux de culture ou de sortie peu populaires ou de modes alimentaires alternatives comme le véganisme, tout en gardant une attitude cool et un style vestimentaire pas des moins onéreux.

Globalement le mouvement hipster semble bon pour la planète, des gens consommant de façon locale, aimant une mode du biologique et du durable, promouvant des produits responsables et ne surconsommant pas. Une communauté babacool bien qu'élitiste et un peu vaniteuse. Le hipster se déplace en vélo, mange sain et porte bien la barbe et les lunettes. Il connaît tous les endroits sympas et moins fréquentés où l'on peut boire une bonne bière produite localement et un bon hamburger végan. Du coup, ça a fait rêver et beaucoup de gens ont voulu devenir hipster. Et c'est bien là le problème: le hipster est devenu une mode, aux dépens de sa propre image.

Le mouvement hipster s'est généralisé au point d'en perdre son originalité et les valeurs originelles de celui-ci qui répondait à une société sur-mondialisée et sur-consommatrice, il est devenu lui-même une mode de consommation globalisée.

Aujourd'hui, les journalistes et médias parlent de la "fin" du mouvement hipster et du début du post-hipster. La raison? Le mouvement hipster a débuté dans les années 2000, et certains hipsters sont aujourd'hui en âge d'être parents. Vieillissant et ringardisé, ce mouvement a été perçu depuis quelques années comme élitiste, et critiqué par certains car les anciens quartiers "d'artistes" sont devenus aujourd'hui des quartiers branchés et excessivement chers. Ben oui, le "vieux" hipster a les moyens de s'acheter des appartements malgré son look de fermier urbain.

Ainsi les millennaux -les moins de 30 ans, arrivés en plein essor de ce mouvement hipster, ne cherchèrent pas à créer une mode différente- même s'ils diront le contraire - mais à globaliser le mouvement hipster selon leurs propres termes, tout en changeant de nom pour quelque chose de bien différent qui sonnera aussi cool. Millenial? Yuccies? Yuppies? Normcores? Peut-être en avez-vous entendu parler. Au final, rien de bien différent, si ce n'est que l'on revient sur une consommation de masse de produits "hipster", d'une auto-satisfaction proche du narcissisme, postant tout sur Instagram et sur Périscope, mais ne portant plus la barbe ni les lunettes, car c'est ringard et franchement démodé. Et surtout, ne les appelez JAMAIS hipsters. Cette génération ne cherche plus simplement à atteindre ses rêves, mais à en vivre. Les Yuccies sont en quête de sensations et ne cherchent à répondre qu'à eux-mêmes et leurs abonnés sur Instagram, ce qui les rend très entrepreneuriaux et créatifs.

Le yuccies ou millennal post hipster consomme en masse et des produits plutôt chers, mais ne postera uniquement les "trucs cools" sur son Instagram. Il ne vivra pas à la poursuite des valeurs qui ont fondé le mouvement hipster mais bien à la recherche de tendances dernier cri, afin de construire son identité "sociale". Il pourra aussi bien aller à des fêtes de luxe sur des yachts que partager un moment avec des tribus indigènes. Tant que tout cela est Snapchaté bien évidemment, sinon où est le but? Le post hipster aime le bio, mais pas que, mange parfois végétarien, mais pas tout le temps.

Ce que cela change pour l'industrie touristique?

Depuis deux ans, des guides des villes les plus "hipsters" sont en ligne et le WTC (World Tourism Council) vient juste de publier une étude mettant le voyage "hipster" comme une tendance majeure de l'industrie touristique. Manger comme les locaux, vivre avec les locaux (Airbnb) et visiter des lieux inédits (LikeaLocal). Berlin fut en quelque sorte la mère du mouvement des villes hipsters et aujourd'hui les quartiers anciennement abandonnés, squattés par les artistes de rue, sont les quartiers tendances avec des cafés et des restaurants coréens au coin des rues.

Somme toute, le voyage devient une aventure à partager en ligne: on distingue le touriste et le voyageur. Le Yuccies est un voyageur pas un touriste.

Les millennaux posthipsters recherchent les mêmes choses lorsqu'ils voyagent tout en voulant encore plus de nouveautés et d'inédit. Être les premiers à montrer au monde à quel point ils sont cools. Cela implique pour l'industrie de constamment créer et innover, créant de nouveaux concepts comme les pop-up restaurants et bars, des hôtels aux designs insolites et industriels, des régions autrefois non touristiques prises d'assaut. Maintenant, on est dans le "hipster" consommable et jetable, tout en faisant attention à l'image présentée sur les réseaux sociaux.

L'émergence d'un tourisme vert non responsable

Du coup, ces 2 dernières années ont vu un essor énorme du mouvement posthipster ou millennaux ou tout autre nom qui qualifie ce néohipster, et ce, dans le monde entier. Des magasins bio ont vu le jour un peu partout, et des cafés "commerce équitable" n'ont de cesse de concurrencer Starbucks. Et tout ça avec de jolis packaging bien graphiques et 100% hipster. Parce que c'est tendance et non parce que les gens ont une réelle conscience de l'impact de ce qu'ils consomment individuellement (exemple avec les Mast Brothers). Enfin comme toute généralisation, il y a évidemment des exceptions et heureusement.

Un marketing du "vert" destiné aux Millenials: une tendance plus qu'une prise de conscience

Nous avons vu dans tous les pays que nous avons visités un marketing incroyable autour du "tourisme" responsable et des produits "bio" "écologiques "sans OGM" "produit localement". La contradiction qui choque ici, c'est l'émergence de cette tendance alors même que le nombre de déchets sur les plages ou dans la nature n'a pas diminué, que les hôtels interrogés (écoresponsables ou pas) confirment qu'aucun touriste n'a jamais soulevé les questions environnementales, et qu'il nous semble toujours passer pour des extraterrestres lorsque nous abordons le sujet du voyage responsable auprès des gens que nous rencontrons. "Oh c'est coooool, c'est suuuper!!! Mais bon c'est une niche quand même, vous faites comment?".

Nous avons même interrogé des clients aux abords d'un restaurant végan pour leur demander la raison de leur venue. La plupart d'entre eux ont répondu "nous voulions manger sain et tester quelque chose de différent". Pareil pour les restaurants bio. C'est une bonne chose en soi, mais le problème est que comme toute tendance, celle-ci aura une fin. Qu'est-ce que cela signifie pour tout ce mouvement "écoresponsable" si le millennal décide de passer à autre chose?

Une recherche de l'exceptionnel constante mettant en péril l'environnement

Le voyageur millennal post hipster va vouloir donc de l'unique et du sensationnel. De l'aventure et des expériences incroyables pour pouvoir les partager sur ses réseaux sociaux. Il irait loin pour une photo ou une vidéo inédite ou extrême, que ce soit un selfie avec un animal sauvage ou avec un indigène d'une tribu menacée par la déforestation, du moment qu'on le partage sur les réseaux sociaux! Évidemment, il ne pense pas à mal, mais par manque de conscience, et soif de reconnaissance, il cherchera avant tout à "profiter" du moment sans se soucier des conséquences.

Et malgré la recherche d'une consommation "alternative", cela ne l'empêche pas d'acheter un nouveau smartphone tous les ans, ou de manger des produits animaux sans se soucier de leur provenance. Vivre pour les sensations, et non selon des principes.

Ce qui implique pour l'industrie du voyage, qu'il faille sans cesse innover, promouvoir des destinations inexplorées ou longtemps ignorées comme l'Islande, devenues en deux ans le paradis des hipsters... pardon millenials... en soif d'aventure, au détriment même parfois de l'environnement.

De ce fait, cet essor du voyage responsable, du bio et d'un tourisme plus proche de la nature semble éphémère, périssable. Cette mode ne tient pas nécessairement d'une prise de conscience globale, mais bien d'une volonté de se distinguer. Hipsters, yuccies ou millennaux, ont changé la façon dont on voyage, mais à quel prix et pour combien de temps?

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