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La petite histoire du gin

Il y a encore trente ans, le gin additionné de tonic était considéré comme un apéritif ringard. Depuis, l'alcool de genièvre a connu une renaissance.
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Quand on pense au gin, on pense à une boisson pour dockers anglais dont les mauvaises bouteilles pouvaient rendre aveugle, sourd ou impotent. C'est l'origine de la fameuse bataille du gin qui sévit durant la deuxième moitié du XVIIIe siècle entre partisans et opposants du distillat, ces derniers vantant plutôt les mérites de la bière.

Le professeur Suzy Halimi nous conte la trouvaille du gin par les Britanniques. «Quand les soldats anglais vont guerroyer en Hollande au XVIIe siècle, ils y découvrent une boisson nouvelle, mise au point par le professeur Sylvius de l'Université de Leyde. Il s'agit, à l'origine, d'un remède réputé agir sur les aigreurs d'estomac, soulager la goutte et les douleurs provoquées par les calculs biliaires. Cette eau de vie (aqua vitae) alcoolisée, obtenue par distillation d'orge, est alors aromatisée au jus de genièvre pour en atténuer le goût déplaisant, ce qui la rend plutôt flatteuse au palais.»

C'est en ramenant en Angleterre cette «eau de genièvre» qui deviendra «genever», «geneva» puis «gin» que la boisson connaîtra un nouvel essor (Halimi Suzy, La bataille du gin en Angleterre dans la première moitié du XVIIIe siècle. In: Histoire, économie et société. 1988, 7e année, n°4. Toxicomanies: alcool, tabac, drogue. pp. 461-473.).

La quinine dans l'eau, l'eau dans le gin

La quinine est un antipaludique efficace fort utilisé au XIXe siècle, notamment dans les colonies britanniques infectées de moustiques, vecteurs possibles de la malaria. Afin de faciliter la consommation du médicament au demeurant fort amer, on eût l'idée de le diluer dans de l'eau pétillante, l'eau tonique était née. On imagine la suite. Pour faciliter encore la consommation, on dilue l'eau dans le gin ou l'inverse... Quand il s'agit de promouvoir la santé, l'esprit humain ne connaît pas de limites.

Benoît Poelvoorde, ambassadeur du gin

Il y a encore trente ans, le gin additionné de tonic était considéré comme un apéritif ringard. Les cocktails se faisaient à base de vodka ou éventuellement de rhum. Si on était à la mode, on prenait un whisky, jamais un gin.

Depuis, l'alcool de genièvre a connu une seconde naissance. Une date est à retenir, 1992, sortie de l'ovni cinématographique C'est arrivé près de chez vous. Benoît Poelvoorde y tient le rôle de Ben, un tueur à gages suivi par une équipe de télévision. Ben dispense, tout au long du film, ses considérations philosophiques, trop heureux de trouver enfin un public pour ses élucubrations. Le gin est mis à l'honneur macabre, mais l'honneur quand même, dans la fameuse scène où Ben crée le cocktail «Petit Grégory».

Une larme de gin, une larme. Une rivière de tonic ... Et ensuite la p'tite victime, composée d'une petite olive, d'un p'tit morceau d'sucre et d'un p'tit bout d'ficelle. Et nous avons: le Petit Grégory. (...)

Ensuite tu prends ton Petit Grégory et tu l'immerges. Et tu attends le résultat. Dès que l'olive est remontée, si tu es le premier, tu as perdu. Et tu payes la tournée. Ce n'est pas compliqué.

Les distilled gins et les autres

Le gin dans sa version basique est composé d'alcool neutre rectifié dans lequel on fait infuser des baies de genévrier ainsi que d'autres épices, le tout étant redistillé. Dans une version plus haut-de-gamme, le maître distillateur fabrique lui-même son distillat plutôt que d'acheter de l'alcool rectifié. Lors de la dernière distillation, les vapeurs d'alcool passent dans une sorte de marmite où se trouvent les baies de genévrier et autres épices. «Ce sont les seuls gins qui peuvent s'appeler distilled gin», nous précise Patrick Van Schandevijl, quatrième génération à la tête de la distillerie De Moor, entreprise familiale fondée en 1910 à Alost, bourgade se situant à une trentaine de minutes de Bruxelles.

La vapeur d'alcool réalise une extraction fine des flaveurs, des arômes et des huiles essentielles. Lorsque le composé passe dans le condensateur, on peut alors goûter à un alcool aux saveurs aromatiques très complexes. «Seulement ainsi, on peut réaliser des gins de qualité. Nous sommes une des dernières distilleries chaudes de Belgique, ce qui signifie que tout le processus de production est entièrement fait en interne, du grain à la boisson.»

Craft gin

Récemment, un événement a eu lieu, avec le mariage des deux anciens frère ennemis du XVIIIe siècle: gin et bière. La distillerie De Moor s'est associée à la brasserie Lindemans, brasserie elle aussi familiale fondée en 1822 à Vlezenbeek, en périphérie bruxelloise. Ensemble, fut créé le premier gin fabriqué à partir d'un distillat de Oude kriek Lindemans Cuvée Renée. «La kriek, cette bière à la griotte, est fabriquée dans son isotope à partir d'une fermentation spontanée. C'est un produit vraiment exceptionnel. Nous distillons ce produit pour produire un véritable craft gin

En l'honneur de la belle saison et en apéritif avec le méli mélo de salade et dorade, sauce gremolata qui vous est proposé, on peut tenter le gin tonic!

Le maître distillateur livre quelques-uns des quinze fruits et épices qu'il utilise pour cette production de Lindemans Premium Distilled Gin: citron et autres agrumes notamment l'orange, cardamone, coriandre, fleur de lavande, cannelle... et bien entendu les fameuses baies de genévrier.

En dégustation, on trouve assez vite les arômes d'agrumes. En bouche, le gin est sec puis arrivent les saveurs chaudes de la cardamone, le tout se terminant par une finale sur la griotte. «Ce n'est pas de la science exacte. Il n'y a pas de livre qui vous dit comment il faut faire. C'est notre expérience. Le défi était ici de combiner l'essentiel de la kriek de Lindemans avec la quintesence du gin... et de trouver l'équilibre.» À noter qu'il existe également une version Lindemans Premium Red Gin obtenue par adjonction de jus de cerise à la kriek.

Retrouvez Fabrizio Bucella dans la Revue du Vin de France et dans l'école de dégustation de vin Inter Wine & Dine (IWD):

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