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Game of Thrones: derrière le succès, les intérêts

C'est bien connu,bat tous les records. Série la plus téléchargée, la plus chère, tournage étalé aux quatre coins de la planète... Derrière tout ce tapage, on oublie parfois qu'un tel engouement n'a pas toujours été si évident.
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C'est bien connu, Game of Thrones bat tous les records. Série la plus téléchargée (5,9 millions de téléchargements illégaux en 2013), la plus chère (environ 6 millions de dollars par épisode), tournage étalé aux quatre coins de la planète... Le dernier en date: avoir détrôné Tony Soprano sur le trône de l'audience de HBO. Le final de la série de David Chase détenait le record d'audience de la chaîne... jusqu'au 6 avril, date à laquelle le premier épisode de la saison de 4 GOT était diffusé.

Derrière tout ce tapage, on oublie parfois qu'un tel engouement n'a pas toujours été si évident. Les dragons, les sorcières et les nains ne suscitent pas toujours un large assentiment. Certes, le succès de l'adaptation cinéma du Seigneur des Anneaux avait révélé une appétence pour l'heroic fantasy. Mais les multiples projets qui s'en sont ensuite inspirés révélaient un manque flagrant d'audace et d'originalité (Le Monde de Narnia, A la croisée des mondes, Eragon...). De façon générale, il faut tout de même admettre que ce genre très particulier est souvent réservé à des amateurs de jeux Magic un peu geeks. C'était sans compter sur les sympathiques Stark, leurs ennemis manipulateurs et incestueux, les Lannister, et les innombrables peuples que compte la contrée de Westeros. Un savant mélange de sexe, de pouvoir, de sang, une réalisation aux petits oignons, et des airs de série d'auteur, ont fini par faire de cette série un "Sopranos, en Terre du Milieu", selon ses deux showrunners, David Benioff et D.B. Weiss.

Ils l'avaient proposée à Showtime, mais rêvaient secrètement de HBO, qui en a décelé, avant tout le monde, les potentialités. Chaîne câblée, donc non soumise à la pression des annonceurs, elle a pu laisser au programme le temps de s'installer. Elle était certaine de pouvoir compter, dans un premier temps, sur les fans des livres dont la série est tirée. Puis le bouche-à-oreille, plus que favorable, n'a cessé d'accompagner un succès croissant. Beaucoup ont commencé à regarder par curiosité et n'ont finalement jamais arrêté. Les audiences américaines de la première saison ne dépassaient pas les 3 millions de téléspectateurs. Au fur et à mesure des années, elles n'ont cessé d'augmenter, passant de 2,5 millions en 2010 à 6,8 millions en 2014. Game of Thrones a ainsi relancé la machine HBO, en perte de vitesse depuis quelques années, concurrencée par d'autres chaînes câblées (AMC, Showtime...) et leurs productions de qualité (Mad Men, The Walking Dead, Breaking Bad, Dexter...).

Au Québec, la série est diffusée sur HBO Canada. En France, c'est le bouquet OCS qui en a hérité, fort de son accord de première exclusivité avec le diffuseur américain. "C'est ce qu'il y a de bien avec une série, on suit l'intégralité de son cycle de vie, affirme Boris Duchesnay, directeur des programmes à OCS. Une série, lorsqu'elle arrive sur les écrans télé, elle n'a pas été vue avant. Ce n'est pas comme un film, qui a pu être vu en salle, en DVD, en VOD... La série, il faut l'accompagner et c'est ça qui est intéressant." Dès la première saison, il lui donne une place de choix dans sa programmation, celle du prime-time. Le destin de la série sur le bouquet va être le même qu'ailleurs: une croissance exponentielle.

Lancée en catimini en 2011, le dispositif déployé fut totalement différent pour le démarrage de la saison 4. Vaste campagne de publicité (accompagnant également la sortie en DVD de la saison 3), avant-première événement au Grand Rex en présence de certains acteurs (Sophie Turner/Sansa Stark, Maisie Williams/Arya Stark, et Liam Cunningham/Davos Mervault), supplément spécial dans le hors-série des Inrockuptibles à l'occasion d'un partenariat... "C'est un moyen de nous faire connaître, assure Boris Duchesnay. Notre gros point faible est qu'on n'est encore très mal identifié de la part du public. Ce genre de gros événements est pour nous une façon de nous faire connaître, de nous identifier."

Elément constitutif d'une volonté affichée de proposer des contenus exigeants, Game of Thrones est aussi et surtout un programme hautement stratégique pour OCS. Diffuser une série comme GOT et le revendiquer à grands renforts de communication permet en effet au bouquet de se faire connaître en général, et de parfaire l'image d'une programmation de qualité, devenir "la chaîne qui diffuse Game of Thrones". C'est aussi l'occasion d'attirer les fans de la série, motivés par le dispositif US+24 (épisodes disponibles le lendemain de la diffusion américaine), et ainsi de drainer de nombreux nouveaux abonnés.

Comme le rappelle la chercheuse Séverine Barthes (dans Décoder les séries télévisées, de Boeck, 2011), "il ne faut jamais oublier que, avant tout, les séries télé sont des produits industriels qui n'existent que parce qu'ils font fonctionner le système économique qui les sous-entend". Si Game of Thrones suscite tant d'intérêt chez les diffuseurs, ce n'est pas seulement pour ses qualités scénaristiques et esthétiques, c'est aussi, et surtout, parce qu'économiquement, c'est un pari gagnant ! L'arrivée prochaine en France du géant Netflix n'est pas (uniquement) pour leur déplaire. Celle-ci oblige en effet les acteurs du marché français à accélérer leur positionnement sur des segments bien précis du marché de la fiction. Les intrigues des séries se doivent donc de fournir des épisodes susceptibles d'être des événements en soi. Un gage que les rebondissements ne manqueront pas à l'avenir...

Par Elodie Beaumont, étudiante à l'Université Panthéon-Assas, à l'Institut français de presse et Fabrice d'Almeida, professeur à l'Université Panthéon-Assas (IFP)

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