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Laïcité: le débat a-t-il été mal engagé, est-il en train de déraper pour de bon?

La semaine dernière, nous étions une quarantaine de femmes originaires du Maghreb et du Moyen-Orient à cosigner une déclaration rédigée dans l'intention de neutraliser ceux et celles qui souhaitaient polariser les débats entourant la charte de la laïcité. Appuyée par des dizaines de personnes dans les heures qui ont suivi sa diffusion, notre déclaration a rapidement suscité de la sympathie au point qu'elle s'est transformée en pétition.
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La semaine dernière, nous étions plusieurs à cosigner une déclaration rédigée dans l'intention de neutraliser ceux et celles qui souhaitaient polariser les débats entourant la Charte de la laïcité telle que proposée par le gouvernement.

Notre déclaration, cosignée par une quarantaine de femmes laïques originaires du Maghreb et du Moyen-Orient, et appuyée par des centaines de personnes dans les heures qui ont suivi sa diffusion, a rapidement suscité la sympathie, entre autres, sur les médias sociaux au point où nous avons été contraintes de diviser la déclaration et de proposer aux Québécois dits « de souche » ainsi qu'aux hommes et aux femmes, de toutes origines confondues de la remplir et la signer. Alors qu'il ne s'agissait pas d'une pétition.

Pour quelles raisons avons-nous donc décidé, à tout le moins pour certaines d'entre nous car d'autres y étaient déjà fort bien engagées, d'entrer dans le débat alors qu'il suscite depuis tant de semaines des réactions quotidiennes vives par divers groupes organisés autour d'associations?

Parce que le débat comme le souligne certains a mal été engagé et dérape à plusieurs égards ce, pour les raisons suivantes :

  • Certains pro-charte font une réelle fixation sur le voile des musulmanes au nom de l'égalité des sexes.
  • Certains anti-charte font aussi une fixation sur le voile des musulmanes au nom de la liberté de religion.
  • Les pro-charte font des déclarations maladroites qui les discréditent comme celle de Janette Bertrand ou celle de Denise Filiatrault.
  • Les anti-charte s'associent et manifestent avec des porte-parole douteux comme Adil Charkaoui. Ces derniers tiennent des discours qui les discréditent tout autant.

Les positions nuancées et éclairées contre la stigmatisation des musulmans pour enclencher un vrai débat sur la place de la religion dans les institutions publiques, et pour la nécessité de limiter son expression chez les fonctionnaires, sont invalidées à coups d'attaques personnelles. Ces attaques sont étonnamment dirigées envers la majorité des modérés, toutes religions confondues.

Tout ce qui précède démontre au moins très certainement qu'il y a un problème et il faut en débattre. Et non accuser le gouvernement au pouvoir d'avoir soulevé une polémique, montée de toutes pièces, pour faire diversion alors que tout allait bien au Québec, que tout le monde s'entendait à merveille.

Si tel était le cas et que nous vivions dans un climat harmonieux, nous le saurions depuis belle lurette que tout va bien au Québec.

Nous n'assisterions donc pas à une telle animosité de la part de certains groupes et à une telle passion dans le débat comme celui organisé, samedi 23 novembre par l'UQAM et qui a dérapé. Lors de ce débat, nous aurions pu parler de la grande noirceur, du Refus global, du chemin parcouru depuis par le Québec. Nous aurions pu nous projeter et identifier ce qui se passerait si nous dérapions vers une autre problématique religieuse. Nous aurions dû insister sur la nécessité de balises communes et d'une neutralité réciproque des pouvoirs spirituels et religieux dans les affaires publiques. La table avait été mise dans ce sens. Dommage.

Voilà pourquoi nous ne pouvons enterrer cette question sous prétexte qu'elle divise le Québec et qu'elle crée de la chicane. On le sait, les Québécois n'aiment pas la chicane et ils sont ouverts. Mais il y a ouverture et mièvrerie.

Et qui dit ouverture, dit aussi une prudence à toute épreuve de ne pas se retrouver associé et aux côtés de ceux qui portent un message ambigu voire même dangereux. Cette ouverture présuppose également une véritable connaissance de l'autre et de la portée des enjeux.

Voilà pour quelle raison il faut continuer à en débattre dans un climat serein.

La Charte proposée a le mérite de nommer les vrais enjeux et de proposer des réponses à une question qui a été balayée sous le tapis en 2007. La charte proposée par le gouvernement est tout sauf ambiguë.

Nous oserions affirmer qu'elle ne va pas assez loin.

Ce qui est stupéfiant est que nous débattions toujours en 2013 dans des conflits religieux.

Nous, les femmes du Maghreb et du Moyen-Orient, nous avons choisi de lutter ensemble pour nos droits contre tous les intégrismes. Et disons-le, contre le patriarcat exercé, entre autres, sous prétexte religieux.

Sur le chemin, il y a des idiots utiles, remplis de bonne volonté (pléonasme voulu) qui, sous couvert d'ouverture, vont défendre justement ceux qui font preuve de fermeture dans leur grande noirceur drapée. Un fantasme peut être de voir la femme plus esclave et soumise que jamais, plus cachée, hors des regards et si possible dans le placard.

Par compassion pour le Québec qui a connu cette grande noirceur, nous, les personnes originaires d'autres pays, leur devons le plus grand respect en ne les replongeant pas dans le débat subi au siècle dernier, face à des fondamentalismes qui ne les concernent pas. Qui ne nous concerne pas.

En ce moment, le débat au Québec dérive trop sur l'Islam et le voile, l'Étoile jaune ou les talibans juifs, la messe rouge, etc. Nous devons empêcher les xénophobes de continuer à manifester leur peur ou leur haine autant que contrecarrer les fondamentalistes religieux de nous imposer leurs diktats, qu'ils soient juifs, musulmans ou chrétiens...

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Déclaration commune des Femmes originaires du Maghreb et du Moyen-Orient pour la laïcité de l'État

ENSEMBLE

NOUS, citoyennes québécoises originaires du Maghreb et du Moyen-Orient.

Arabes ou berbères de condition

Juives, chrétiennes ou musulmanes de tradition

Démocrates, laïques et féministes de conviction

NOUS joignons notre voix à toutes celles et à tous ceux qui croient en un Québec inclusif, égalitaire et pluraliste.

Un Québec où la citoyenneté ne se limite pas à la somme des libertés individuelles

Où la vraie neutralité des employés de l'état consiste à n'afficher ni sa conviction religieuse ni sa conviction antireligieuse, au même titre qu'elle suppose une réserve absolue en matière d'opinions politiques

Où la cohabitation pacifique entre croyants de toutes origines, mais aussi celle entre croyants et non-croyants dans les institutions publiques n'a de sens que si tous les représentants de l'État sont soumis au même devoir de réserve, dans leur apparence comme dans leurs agissements

Nous qui avons connu les affres de la division ethno religieuse, de la marginalisation de nos minorités et de l'homogénéisation après des siècles de cohabitation pacifique

Nous tenons à réaffirmer notre attachement à la neutralité religieuse de l'État, seule garante de la liberté de conscience des individus.

La laïcité que nous défendons exclut autant la xénophobie larvée que le fondamentalisme ostentatoire.

La citoyenneté que nous prônons est responsable, parce que notre droit à la liberté individuelle est indissociable de notre devoir de solidarité avec celles qui en sont privées ici au Québec comme ailleurs, dans nos pays d'origine.

Visitez le site web des Femmes originaires du Maghreb et du Moyen-Orient pour signer la déclaration. Il existe deux types de signatures: «Originaire» pour les femmes originaires du Maghreb et du Moyen-Orient; « Appui »: Québécoises ou Québécois « de souche » et toutes origines confondues.

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Avril 2018

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