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Les Juifs et les Arabes ne sont pas des ennemis

Après avoir lu le texte signé par l'écrivain palestinien Sayed Kashua,, je suis encore à y réfléchir et à revoir les images décrites, si frappantes, par cet émouvant témoignage.
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Plusieurs heures après la lecture d'un texte signé par l'écrivain palestinien Sayed Kashua, un citoyen israëlien arabe, publié dans le journal français Libération: Toutes les raisons pour lesquelles je quitte Israël , je suis encore à y réfléchir et à revoir les images décrites, si frappantes, de cet émouvant témoignage.

Changer le lieu de départ

Si l'on transposait le lieu de départ et que nous changions quelques mots, nous lirions un texte qui décrit mot pour mot l'état d'esprit dans lequel se trouvaient les Juifs au moment de leur départ des pays arabes, ce qu'on a appelé l'exode des Juifs sépharades des pays méditerranéens.

Dans les années 60, les familles juives avaient déjà commencé à quitter le Maroc et les autres pays arabes pour aller vivre en Israël, en France, aux États-Unis ou au Canada.

Comme la famille de Sayed Kashua, nous étions trois enfants, j'étais l'ainée.

Abandonner derrière soi

Comme sa famille, nous avons laissé derrière nous, les voisins, les amis, les livres et nos points de repères, pour nous exiler.

Théodore Chasseriau, les Orientales, Alger.

Les images ou les gestes anodins marquent des drames ou les moments forts de notre existence:

"Prendre deux jouets, deux livres... et peu de vêtements, tout juste le temps de tenir le coup."

Mon frère, ma soeur et moi avons eu droit à un livre chacun. Celui que j'avais choisi d'apporter était un livre de comptines d'enfants. J'aimais les illustrations, les partitions et les mots écrits sous les portées. J'avais hésité entre le livre que je venais de découvrir, Zadig ou la Destinée, de Voltaire et ce livre qui avait marqué mon enfance.

Le départ

Je l'ai déjà raconté dans un précédent texte. J'ai appris à dessiner les notes de musique sur des partitions avant d'apprendre les lettres de l'alphabet. Mon père m'occupait en me faisant recopier les partitions pour les autres musiciens de l'orchestre qu'il dirigeait.

Mon père, tout comme Sayed avec sa fille, était venu non pas me parler dans la chambre que nous partagions les trois enfants, mais sur le balcon, alors que mon amie et moi discutions chagrinées des conséquences du départ de notre famille.

Il nous a consolées, nous a répété qu'il fallait toujours que nous nous souvenions de nos origines différentes à toutes deux, elle était arabe; que le monde devait vivre en paix mais que nous, les Juifs marocains, n'avions pas d'autre choix que d'aller vivre ailleurs.

Maxime Benhaim, Conversation sur la terrasse, Maroc

Que les Deux mille ans de vie juive au Maroc n'avaient pas suffi à assurer notre existence sur le territoire.

Mon père n'a jamais voulu nous donner les raisons pour lesquelles il n'avait pas choisi Israël alors que sa famille était originaire de Jérusalem. Peut être à cause de son amour pour le jazz et l'Amérique.

Étrangers

Aujourd'hui, il ne se passe pas une journée sans que mon père ne nous demande si nous regrettons que la famille soit venue vivre au Québec.

Bien évidement que non. Ici, nous vivons encore en paix.

Bien évidement que oui. Le Maroc nous manque atrocement.

Sayed Kashua, c'est ce déchirement qui vous attend. Cette désincarnation de la pensée.

Un exil intérieur. Une blessure ouverte.

Il y a entre nos deux peuples une symbiose, un lien inextricable.

C'est ce lien qu'il nous faut préserver.

Nous, les Juifs sépharades, nous portons en nous les deux cultures, juive et arabe.

Vous, qui vivez en Israël, portez en vous cette double culture, arabe et juive.

La bataille que vous aviez entreprise, si minuscule soit-elle, nous devons la mener ensemble.

Evelyne Abitbol faisait partie du groupe montréalais informel Shalom - Salam

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