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La culture de la neutralité

Que gagne-t-on vraiment à vénérer la neutralité et la soi-disant objectivité si ce n'est une poignée de citoyens dépourvus de convictions et incapables de prendre position lorsqu'il le faut ?
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Ce n'est plus à prouver, les Québécois sont de nature consensuelle. Jean-Marc Léger nous le rappelle dans son excellent Code Québec, l'un des traits fondamentaux des Québécois est de toujours rechercher un compromis, pour le meilleur ou pour le pire. Donc, lorsqu'il sent qu'un enjeu portant à débat approche, le Québécois moyen l'évite habilement de façon à ne pas avoir à prendre position et ainsi ne pas heurter qui que ce soit. Cette aversion maladive pour le débat est présente partout : dans les familles, entre amis, à l'école, au travail, alouette. On prétend vouloir être « objectif », être au-dessus des enjeux, mais tout cela n'est qu'excuse pour ne pas prendre position. Que gagne-t-on vraiment à vénérer la neutralité et la soi-disant objectivité si ce n'est une poignée de citoyens dépourvus de convictions et incapables de prendre position lorsqu'il le faut ?

Que gagne-t-on vraiment à vénérer la neutralité et la soi-disant objectivité si ce n'est une poignée de citoyens dépourvus de convictions et incapables de prendre position lorsqu'il le faut ?

En effet, lors des réunions de famille, qui n'a jamais évité de parler de politique ou d'autres sujets sensibles de peur que cela ne crée des frictions ? La société québécoise entière semble croire que les débats n'ont pour seul résultat que de diviser les gens, alors qu'en réalité, ils font réfléchir. Quoi de plus facile que de rester mal informé et apparemment « neutre » sur des enjeux qui prêtent à débat, les accommodements religieux par exemple, si on a si peur d'en parler ? La discussion permet de comparer son point de vue à celui des autres, de prendre connaissance des arguments et d'évoluer dans sa réflexion, ce qui est tout simplement impossible en restant enfermé dans la boîte du consensus et de « l'objectivité ».

Nous vivons à une époque où il est presque mal vu de s'engager pleinement pour une cause qui ne fait pas l'unanimité et de s'exprimer activement en faveur de celle-ci. Quelqu'un d'engagé politiquement, c'est devenu dérangeant, on ne sait plus trop quoi faire avec cela. On se dit : « Maudit fatigant! Il est tellement partisan! Moi, au moins, je reste objectif et je ne prends pas position. » Pourtant, le prétexte de l'objectivité, de la neutralité, ne sert qu'à éviter de devoir choisir entre deux options et ainsi rester perpétuellement assis entre deux chaises. C'est bien beau de se dire au-dessus du débat, mais le jour du vote, il faut malgré tout cocher une case et cette case ne fera jamais l'unanimité.

La personne engagée, celle qui se tient debout pour ses convictions et qui n'a pas peur de déplaire à certains s'il le faut, c'est elle qui fait bouger les choses, qui fait avancer la société et le monde entier. Qu'est-ce que la neutralité et la fausse objectivité nous ont apporté si ce n'est l'immobilisme et l'indifférence face au débat public ? Il y a une certaine lâcheté en cette absolue frayeur de se décider, mais il faut en faire fi et aller plus loin pour le bien commun. Si on prend notre courage à deux mains et qu'on discute enfin franchement des choix qui se trouvent devant nous, il n'y a que là qu'on pourra espérer atteindre un véritable consensus, un accord réfléchi entre les points de vue et non cette culture de la neutralité qui nous freine collectivement.

Dès aujourd'hui, il faut oser remettre en question le point de vue de l'autre, oser amorcer la discussion, oser débattre d'idées controversées. Il n'y a pas de meilleur moyen pour progresser comme individu, mais aussi comme société, vers des prises de position à l'image de nos valeurs et non de notre peur de les exprimer. Il est temps d'agir avant que « Pas de chicane dans ma cabane » ne remplace « Je me souviens » comme devise nationale du Québec !

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Mai 2017

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