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Euthanasie: 6 arguments contre le projet de loi 52

Alors que la Belgique vient tout juste d'autoriser l'euthanasie des enfants -sans limite d'âge! - et que le Québec s'apprête - à moyen terme - à ouvrir la porte à l'euthanasie sous la forme de « l'aide médicale à mourir», voici six raisons s'inscrivant en défaveur du projet de loi 52 québécois.
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Alors que la Belgique vient tout juste d'autoriser l'euthanasie des enfants -sans limite d'âge! - et que le Québec s'apprête - à moyen terme - à ouvrir la porte à l'euthanasie sous la forme de « l'aide médicale à mourir», voici six raisons s'inscrivant en défaveur du projet de loi 52 québécois.

1- Une échappatoire devant l'essentiel

Il s'agit d'une échappatoire à la mise en place d'une gamme de soins de fin de vie appropriée. Il est affolant de constater que 77% des Québécois n'ont toujours pas accès à des soins palliatifs. Ce n'est pas un hasard si devant ce contexte de rareté de ressources du système de santé québécois et un discours ambiant mettant l'emphase sur la productivité citoyenne et la performance physique et intellectuelle, ils sont nombreux à chercher la libération de la douleur - et non de la vie en première instance - par le biais d'une loi encadrant l'euthanasie. La très grande majorité des demandes proviennent de personnes mal accompagnées ou dont les douleurs ne sont pas soulagées. Il est à prévoir que plusieurs personnes auront recours à l'euthanasie par crainte d'une mort souffrante. Ainsi, pourquoi ne pas, en premier lieu, développer des soins palliatifs de qualité à la grandeur du Québec, et ce, dans les hôpitaux comme à domicile? Surtout considérant que la très grande majorité des demandes d'euthanasie disparaissent lorsque l'on apporte l'aide appropriée, soit des soins palliatifs.

2- Des moyens pour mourir existent déjà

L'euthanasie passive, soit le renoncement aux traitements, à l'alimentation ou encore le recours aux opiacés et sédatifs à haute dose, a d'ores et déjà cours dans le paysage médical québécois depuis de nombreuses années. La sédation palliative contrôle habituellement les cas les plus difficiles. Le Code civil du Québec interdit, quant à lui, l'acharnement thérapeutique, ce qui permet à tout patient apte à consentir de refuser un traitement qu'il juge déraisonnable. Il nous est aussi possible de faire débrancher une machine nous maintenant en vie, par exemple un respirateur. Le « droit » de mourir existe ainsi déjà amplement.

3 - Les effets pervers sur les professionnels de la santé

L'aide médicale à mourir n'est pas seulement son droit de décider de sa mort, c'est aussi engager le corps médical avec soi. Comment soustraire le corps médical d'être psychologiquement éprouvé par cette nouvelle pratique? Il ne s'agit pas ici d'accomplir une simple prise de sang, mais bien de rendre son dernier souffle à un de ses semblables, ce qui en ébranlera plus d'un. Puis, nos institutions de soins devenant des lieux où l'on peut provoquer la mort ne courent-elles pas le risque de devenir des lieux ambigus, voire inquiétants ? Qu'en sera-t-il des dilemmes éthiques? De la relation entre collègues? Qu'en sera-t-il de la relation de confiance entre le médecin et le patient ?

4 - Le suicide en fin de vie comme nouvelle norme sociale

L'idée glace le sang, soit qu'à la vision imminente de la mort, le suicide ne devienne un remède humanisant et accrédité par l'État. Le meurtre, élevé au rang des gestes de compassion, pour tout un chacun. Il y a de quoi s'inquiéter sur notre rapport à la mort, à la souffrance et au suicide. L'Association québécoise de prévention du suicide (AQPS) soutient « que la légalisation de l'aide médicale à mourir contribue à modifier la norme sociale québécoise relative au suicide, l'amenant vers plus d'acceptabilité, voire de valorisation ». Cela renforce l'idée que mourir est une solution à la souffrance. Considérant le vieillissement de la population, a-t-on idée des retombées sociétales de cette loi, ces possibles effets sur la population ? Comment faire pour éviter que certains individus ne subissent une pression insidieuse de la part de proches, des ressources médicales, de la société, à tendre vers l'option de l' aide médicale à mourir? Car ils sont nombreux à ne pas souhaiter sentir qu'ils demandent trop à l'État pour des soins; ils ne veulent surtout pas être considérés comme des abuseurs du système. L'Observatoire national de la fin de vie de France révèle qu'en Belgique et aux Pays-Bas, où l'euthanasie est légale, « un tiers des actes d'euthanasie sont réalisés sans demande explicite du patient ». Ce n'est pas tout, 1/3 des patients « font une telle demande, car ils ne souhaitent pas devenir une charge pour leur entourage ». La dérive est bien là, dans ce sentiment d'être un fardeau pour la société.

5 - Mourir dans la dignité, vraiment?

Soyons clairs, il n'y a rien de digne à mourir par injection létale. Il n'y a là qu'une triste et tragique finalité. Le projet de loi 52 traduit malheureusement un désir désespéré de fuir l'essentiel. Il se refuse à penser la mort et s'en détourne de même qu'il la hâte. Pourtant, l'agonie n'est-elle pas un temps de préparation au deuil, tant pour les proches que pour la personne ? Le philosophe Thomas De Koninck soutient que « mourir humainement, [n'est pas] une mise en scène, il s'agit au contraire de faire sienne sa mort, la vivre dans dans le respect de sa dignité proprement humaine de femme ou d'homme libre. » Et qu'au-delà des valeurs d'efficacité et de santé, ils existent de « ces réalités quotidiennes que sont l'échec, la maladie ou la mort [qui] font appel à des ressources qui pour d'aucuns sont moins familières. »

6 - Comment juger de la douleur des uns et des autres ?

La fin de vie étant à définition variable, et considérant le caractère éminemment subjectif de la douleur, l'éventuelle loi de l'«aide médicale à mourir» s'appliquera-t-elle à toute personne qui considère que sa souffrance est inacceptable, que celle-ci soit physique ou psychologique? Partant du fait qu'il est très difficile de discriminer entre la douleur des uns et des autres, surtout lorsqu'il est question de souffrance psychique, la reconnaissance du « droit » à mourir a alors le bras long. En transgressant aujourd'hui l'interdit de tuer pour, dit-on, une minorité de gens, nous ouvrons une porte à la pratique de l'euthanasie pour les personnes atteintes de maladies dégénératives, les personnes handicapées, les mineurs, les personnes vivant avec un trouble de santé mentale, mais également pour les personnes en simple « souffrance psychologique ». Est-ce cela le progrès ? Chercher à ce point à épouser une citoyenneté « productive » et se détourner de toute épreuve de l'existence humaine au point de s'extirper de cette dernière pour toujours ?

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