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Pour en rajouter (sur la Charte du PQ)

Si l'on souhaite que le Québec soit toujours l'une des sociétés où les nouveaux arrivants s'intègrent le mieux, il faut poursuivre à se montrer ouvert envers tout un chacun, mais également tracer une ligne claire quant à la neutralité de l'État.
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Soit, le détail de la «Charte des valeurs québécoises» -- qui gagnerait à s'intituler simplement «Charte de la laïcité» -- n'est toujours pas rendu public, mais cela ne nous empêche guère de réfléchir un peu à ce qui s'en vient. Donc, en attendant le 9 septembre prochain, quelques remarques, en vrac, entourant le fameux projet de loi 94.

Prôner la liberté et passer pour fasciste

Vouloir affirmer notre État -- et non notre société -- comme laïque et de ce fait passer pour des extrémistes, des étouffeurs de liberté, des xénophobes et des racistes, elle est quand même bien bonne! Chacun peut pratiquer sa religion, sa philosophie de vie, dans la sphère privée et dans l'espace public. Dans la fonction publique cependant, c'est non, neutralité de l'État oblige. Il n'est pas question de peur de l'autre, de faire valoir un athéisme comme nouvelle religion d'État, de rejet de la différence, d'une opposition entre un «nous» et un «eux», de pointer l'islam comme bouc émissaire, rien de tout cela. Ces idées ont les prêtent à ceux qui défendent l'idée de la Charte, mais ces deniers n'ont bien souvent jamais tenu de tels propos. Bien au-delà du respect de la dignité humaine, la liberté de conscience, l'égalité homme femme et la cohésion sociale -- ces derniers éléments déjà assurés par des législations --, la future Charte souhaite témoigner d'une volonté d'incarner clairement la neutralité de l'État. Simplement. Concilier chaque culture, chaque religion évoluant au sein de sa société, implique de considérer les cas un à un, ce qui n'est pas chose simple ni éclairante pour la population. On ne peut pas toujours régler les accommodements religieux devant la Cour suprême, d'où la nécessité d'un État laïc (laïc, en opposition au terme clérical) qui s'assume clairement. Dès maintenant.

La Charte, une mesure électoraliste?

On parle souvent de la Charte comme une mesure électoraliste, cherchant à ranimer des tensions, créer du clivage dans la population, diviser pour mieux régner. Elle serait une mesure populiste cherchant surtout à rallier la base francophone du PQ -- en considérant que de toute manière les allophones et anglophones sont à 93 % gagnés au PLQ. Bon, il y a peut-être un peu de vrai dans tout cela - en même temps, presque chaque fait et geste politique est taxé d'électoralisme par chez nous --, mais ce n'est pas tout. C'est une mesure inscrite au programme du PQ depuis belle lurette. Sortir cette politique du sac n'est que légitime, et même que c'est plutôt culotté, voire courageux. Ce n'est pas le PLQ ou QS qui aurait osé ramener à l'avant-scène la question de la laïcité, préférant bien mieux laisser traîner les choses.

Comme c'est parti, les élections se feront sur le dos de la Charte, tant pour le PQ que pour les autres partis. Face à l'orientation générale de l'opinion publique sur la question, le gouvernement se lance dans l'affaire, entièrement. Si l'adhésion n'avait pas été de 60 %, peut-être que le PQ aurait reculé ou mis de l'eau dans son vin -- il le fera un peu de toute manière --, nous sommes habitués. Probablement à l'hiver, on misera tout sur la Charte -- Bernard Drainville entend bien foncer corps et âme, parait-il --, on n'attendra pas la présentation du budget au printemps avant de lancer les hostilités électorales. Comme cheval de bataille, cette Charte, disons-le ouvertement, c'est déjà plus original et intéressant que l'éternelle «économie» comme priorité numéro un. C'est un dossier délicat, mais d'une importance capitale. Il ne s'agit pas de mettre de l'huile sur le feu, il s'agit de réfléchir ensemble, de permettre le choc des idées, et au final poser des balises pour l'avenir. Le laisser-faire en arrange peut-être certains, mais il faudra à un moment donné, d'une manière ou d'une autre, trancher sur la question, sur notre «laïcité -- trop -- tranquille». En effet, depuis le dépôt du rapport Bouchard-Tailor et l'introduction du cours d'Éthique et Culture religieuse (qui a acheté la paix sociale à l'époque), rien n'a bougé ou presque. Aucune législation, balise, ce faisant certains organismes ont du improviser certaines mesures de neutralité et d'accommodements. Ainsi, nous avons été laissés avec une «laïcité ouverte» bien timide, inachevée, faute de volonté politique.

La fuite orchestrée, une occasion de mettre la table

La fuite qui a coulé dans le journal de Montréal fut une bonne chose. Au-delà de l'apparence d'un ballon politique et des ajustements stratégiques que fait présentement le PQ pour rallier le plus de gens possible à son projet de Charte, reste qu'il permet, avant le dépôt officiel, le débat d'idées, la réflexion. Le débat n'a pas toujours lieu, mais si on met le frein sur les associations douteuses, les attaques personnelles, de racisme et de xénophobie, la diabolisation des multiculturalistes, interculturalistes, trudeauistes, etc. (plus loin, je m'échappe un peu par contre), le débat d'idées peut avoir lieu. Celui-ci a d'ores et déjà commencé. Et s'il ne s'en tient pas toujours à la laïcité, dérivant pour le meilleur et le pire sur la question des immigrants (leur francisation, leur intégration, leur nombre à chaque nouvelle année), l'identité nationale, la souveraineté, le caractère unique de notre nation, etc., peu importe. Sur la place publique, dans la sphère privée, tout le monde en parle, et tant mieux. Les questionnements, les malaises, sont actualisés. Les gens se positionnent et les masques tombent, enfin.

Pour en finir avec le crucifix

Bien qu'il s'agisse de notre patrimoine historique, il est indéniable que pour aller de l'avant dans la logique de la charte, le crucifix doit s'incliner pour de bon. On le voit bien, il y a incongruité avec les visées de la Charte. En effet, les élus ne peuvent que bizarrement ordonner le bannissement de signes religieux alors que dans l'antre de l'Assemblée nationale se dresse sur le mur un signe religieux que Duplessis, à l'époque, voulait révélateur des rapports qu'entretenait l'État avec l'Église.

On peut bien sûr évoquer qu'à partir de là, il faut retirer la Croix du Mont-Royal, renommer certains immeubles et éradiquer les autres symboles chrétiens. Mais, ce n'est pas la même chose ici, ce patrimoine n'est pas associé avec la fonction étatique. Et à l'égard de ce patrimoine, il faut être ferme quant à son importance. Ce n'est pas simplement pour les touristes, il s'agit de savoir d'où nous venons. Notre « je me souviens » ne doit pas juste passer par des cours d'histoire -- déjà presque inexistant.

La question du crucifix est relativement simple à trancher : il a sa place dans un musée. Le musée de l'Assemblée, tiens. Bien que personnellement il ne me dérange pas et représente surtout un passé historique -- il n'a de symbolique à mes yeux que le souvenir d'un autre temps --, je comprends très bien que malgré que je puisse évoquer le terme «patrimoine» il advient que le symbole religieux subsiste et laisse entendre l'affirmation de la religion de la majorité, surtout du point de vue des nouveaux arrivants. Je suis prêt à mettre de l'eau dans mon vin. Tant qu'on n'évacue pas de nos livres d'école les références à notre passé religieux. Ainsi, retirer le crucifix est la voie royale pour favoriser un début d'adhésion au projet de la Charte, il s'agit de donner l'exemple, de dire «voyez, nous voulons la neutralité de l'État et de ses institutions, ainsi nous prenons les devants et posons cet acte symbolique, nous commençons par la religion qui fut la notre, et nous retirons le crucifix de l'Assemblée nationale où siègent les élus du peuple».

L'habit ne fait pas le moine

Dernièrement, j'ai lu -- en fait, j'ai écouté en livre audio -- plusieurs passages du Coran et à plusieurs occasions Allah soulignait dans les grandes lignes que le véritable croyant, Allah le voyait et le considérait dans le cœur de ce dernier. Par delà les préceptes, les rites, les apparats en tout genre, celui qui s'abandonne à la volonté d'Allah, véritablement, est le vrai et noble croyant. Habituellement, les préceptes suivent, mais si ces derniers ne sont pas toujours au rendez-vous chez le croyant, contraintes professionnelles, sociales, logistiques obligent, il n'advient pas que la personne soit un mauvais croyant. Et puis, on va se le dire, mettre parfaitement en œuvre les 5 piliers de l'Islam et plus généralement les principes du Coran au quotidien, ce n'est pas toujours humainement possible. Le croyant fait son possible. L'important est de croire et de vivre de cette croyance. Ainsi, l'identité et la foi religieuse ne peuvent se résumer aux bouts de tissus que nous portons. En ce sens, ils ont l'identité bien fragile ceux qui refusent de se plier à la neutralité de l'État. S'offusquer et crier à un supposé droit fondamental bafoué en ramenant le débat à une question d'apparence, c'est un peu court même. René Bolduc, professeur de philosophie au Cégep Garneau (http://www.ledevoir.com/politique/quebec/386207/l-habit-ne-fait-pas-le-moine), souligne que «si l'on veut être sérieux en matière de religiosité, c'est d'abord et avant tout l'attitude intérieure qui prévaut. Dieu, Yahvé ou Allah, s'ils existent, ne se trompent pas sur nos véritables intentions quand on affiche ces signes. Ils savent distinguer entre conviction profonde, hypocrisie et revendication politique.» Alors bien sûr, on peut renverser l'argument et affirmer que réduire la personne à ses symboles, sa tenue, est bien vain, réducteur, que cela ne change en rien à ce que la personne est ni à ce qu'elle va véhiculer dans sa façon d'être. Légiférer sur l'habillement et les symboles religieux apparaît alors comme superficiel, de la poudre aux yeux. Soit, partant du principe que les apparats vestimentaires sont bien peu de chose, pourquoi légiférer autour de cette question? Mais parce que «le symbolisme existe indépendamment de la volonté de son porteur et le symbole est en soi un message à connotation dépassant l'individu qui le porte, même si ce dernier affirme en toute bonne foi agir de manière neutre», me glisse à l'oreille une amie. Et puis, on ne peut pas dissocier l'individu de l'institution, surtout quand la personne représente l'État. Rajoutons que ce n'est qu'une mesure d'encadrement, d'autres existent déjà. De par ses actions, sa mécanique interne, l'État doit démontrer sa neutralité, et cela doit aussi passer par la forme et donc par une esthétique de la laïcité qui s'incarne concrètement.

Travailler pour l'État, un privilège

Soyons clairs, on n'empêche personne d'avoir un emploi. Être un employé de l'État c'est un privilège. Pas un droit. On discrimine sur la base de l'identité religieuse? Non, mais sur la capacité à incarner la neutralité de l'État. Il y a des devoirs qui viennent avec cette fonction, dont celui de neutralité. Partout ou presque, il y a un code vestimentaire, mais également un code de conduite (ne pas exprimer ses positions politiques dans le cadre de son travail, etc.), l'État n'y échappe pas. Les employés de l'État doivent s'imposer une forme de devoir de réserve quant à l'expression de leurs convictions religieuses, surtout lorsqu'ils sont dans un rôle d'autorité (juges, policiers, etc.).

Un pas dans la bonne direction

Et ce n'est qu'un étage à l'édifice de la laïcité québécoise. Il faut exiger des citoyens qu'ils se présentent à visage découvert lorsqu'ils interagissent avec l'État. Une neutralité doit être demandée dans les écoles (lieu important de socialisation, charnière de l'espace public et de l'espace privé), et pourquoi pas dans les Centres de la petite enfance (CPE). Bien qu'en ce qui a trait au parapublic (universités, établissements de santé et de services sociaux, CPE), les institutions ont, pour l'heure, un droit de retrait. Il faut également mettre en place un mécanisme clair d'évaluation quant à la recevabilité des demandes d'accommodements raisonnables pour mettre fin à une gestion de cas par cas improvisée. N'oublions pas aussi qu'il serait plus que temps que le gouvernement cesse de financer les institutions privées confessionnelles de la province. Puis, parallèlement à cela, ne serait-il pas judicieux d'annuler les coupures, amorcées sous les libéraux et reconduites sous le Parti Québécois, aux cours de francisation des immigrants? Je dis ça de même.

Juridiquement viable, la Charte?

Sans surprise, la Charte se butera aux instances et acteurs fédéraux. C'est déjà commencé. Les tenants du multiculturalisme à la Trudeau sortent l'artillerie lourde (le spectre de la ségrégation américaine, la menace pour l'économie et j'en passe) et se réfugient dans une interprétation de la Charte des droits et libertés qui dilue dangereusement le projet de nation et de véritable «vivre ensemble». Le fédéral, comme à son habitude, s'opposera aux élans de la nation québécoise. En cas de contestation judiciaire d'une éventuelle législation québécoise en matière de laïcité par le fédéral, le Québec devrait sans nul doute recourir à la clause dérogatoire. Juridiquement, cela s'annonce comme un beau casse-tête. Nous n'en sommes pas là encore, Dieu merci. Pour l'heure, place au débat, même si celui-ci peut, au final, être vain en résultats tangibles. Il restera, quoi qu'il advienne, un fort louable brassage d'idées.

Souvenirs de Turquie

Au début de l'été, je me suis envolé pour la Turquie. Accompagné d'un Français -- un ch'ti sans accent fort sympathique -- rencontré à la gare du Palais par le biais d'un blogue ciné, j'ai poursuivi ma douce introduction à la culture musulmane-- après le Maroc.

Au gré des rencontres, des chemins empruntés, le voyage prend forme et ampleur, et les questions touchant l'Islam et les politiques turques reviennent inlassablement. Il y a cette rencontre avec un musulman qui travaille au Palais Topkapi, à la boutique souvenir. L'homme, divorcé et ne cachant pas une certaine déception envers les femmes turques, «c'est comme faire du ski, c'est pas toujours évident», lance que la Turquie «c'est le meilleur endroit pour exercer l'Islam». Cette affirmation, nous l'avons entendue plus d'une fois au cours de notre voyage. Bien que ça l'attriste de voir aussi peu de personnes de sa génération pratiquer de façon régulière et véritablement, que certains ne sont musulmans que d'apparence, il soutient que la Turquie est un endroit précieux, étant donné que l'Islam «n'est pas imposé, c'est un choix, c'est dans le cœur». Là est peut-être la différence avec l'Arabie saoudite, par exemple, où là c'est davantage forcé, pas totalement franc comme démarche. D'ailleurs, ce n'est peut-être pas un hasard si certaines femmes de cette provenance qui arrivent en terres occidentales, faisant pleinement connaissance avec nos valeurs libérales -- ce qui n'est pas non plus le parfait progrès : string à découvert et la Burqa, une soumission comme une autre --, se détournent de leurs apparats vestimentaires.

La Turquie donc, un endroit où il fait relativement bon vivre sa religion, honnêtement, envers soi-même et son dieu. Et cela est permis, vous me voyez venir, grâce à la laïcité mise en place dans les institutions étatiques du pays par Mustafa Kemal Atatürk -- Atatürk pour les intimes -- qui fonde la première République en 1923. Comme mon paternel me l'expliquera : «À la fin de la 1re guerre, les puissances occidentales se partagent le Moyen-Orient (ça s'appelle le colonialisme!). Ils veulent découper la Turquie, mais Atatürk qui fait partie de l'armée turque prend le pouvoir et envoie paître les Occidentaux. Il construit, assez violemment, une société sécularisée, laïque avec des lois inspirées des lois françaises. Cette nation s'est construite sur un nationalisme très fort.» Voilà pour le petit cours d'histoire. C'est ainsi qu'en Turquie, majoritairement musulman -- dans les 96 % --, on ne permet pas le port de signes religieux (le voile n'y fait pas exception) dans les administrations et les écoles publiques. L'influence d'Attatürk s'est également traduite par l'accord du droit de vote aux femmes en 1934, par l'interdiction des confréries religieuses, la fermeture de certains lieux de pèlerinage, etc.

Bien sûr, rien n'est parfait. Il reste du travail à faire en matière de laïcité. La laïcité de la Turquie est encore partielle, peut-on dire. La présente administration d'Erdogan n'aidant en rien. En effet, l'État conserve encore le contrôle du culte, notamment à travers son financement envers les mosquées sunnites. D'autres exemples de régression ou de laïcité partielle? L'inscription de la religion sur la carte d'identité a encore cours; une guerre administrative a été entreprise envers l'alcool; on oblige maintenant les femmes a avoir un minimum de trois enfants; l'accès à la pilule du lendemain et à l'avortement est plus difficile; etc. Aujourd'hui, c'est le retour du balancier de l'islam, avec des tensions entre laïques et religieux. D'où la récente colère de la jeunesse laïque contre le gouvernement, ce dernier qui tend à islamiser les institutions étatiques.

L'Histoire est remplie d'exemples où l'association de l'État avec le religieux apporte sont lot de complications, l'histoire récente (une dizaine d'années) de la Turquie ne fait pas exception. Toute religion entretient très généralement des rapports ambigus et pernicieux avec le pouvoir civil. C'est ainsi. Pour ne laisser aucune religion instrumentaliser le champ politique, il faut donc une laïcité forte, pas antireligieuse ni autoritaire, mais simplement claire et balisée.

Le modèle français et nous

On nous met souvent en garde contre le modèle de laïcité à la française, on le dit intolérant, allant trop loin. Et sur certains points, ce n'est pas faux. L'interdiction de la burqa dans tous les lieux publics en est un exemple flagrant. Mais le modèle québécois ne sera pas le modèle français, rassurons-nous.

Un exemple : notre cours d'Éthique et de culture religieuse en regard du cours de Morale laïque française.

Récemment annoncé par le gouvernement français, l'entré en scène dès 2015 du cours de Morale laïque, cours par lequel, dit-on avec convenance, toutes les convictions et croyances seront respectées, révèle que notre «réponse laïque» d'instaurer le cours d'Éthique et de culture religieuse dans les écoles, fut une sage décision.

En effet, du côté français, sous l'intention de remplacer le catholicisme et de promouvoir «simplement et neutrement» les valeurs françaises, on peut soupçonner dans l'instauration de la Morale laïque dans le programme scolaire français une volonté de mettre de l'avant une religion d'État, un nouveau catéchisme en somme. La formule «Morale éthique» laisse d'ailleurs transparaître une certaine fermeté idéologique. Rajouter un Vincent Peillon, ministre de l'Éducation nationale, qui soutient que les Français se doivent d'être intransigeant et déterminé sur leurs valeurs, le ton est donné. Qu'on se le dise, les «valeurs» françaises de la majorité sont essentiellement chrétiennes, et on peut imaginer que le cours de Morale laïque en sera subtilement teinté. C'est une laïcité pour les autres autrement dit. Surtout lorsque l'on pense que l'on continuera d'engager les enseignants sous des critères confessionnels et qu'on célèbrera des fêtes chrétiennes dans les institutions publiques. En somme, dans la pure tradition de la «laïcité républicaine» française.

Au Québec, certains ont reproché au cours d'Éthique et de culture religieuse, celui-ci instauré dans la foulé du rapport Bouchard-Taylor, d'être un compromis vaseux, emprunt de rectitude politique et de relativisme. Pourtant, il a le mérite d'incarner clairement la neutralité de l'État tout en ne se coupant pas des différentes appartenances religieuses. Le cours permet à nos jeunes d'explorer et de réfléchir sur l'éthique et la culture religieuse (en ne se restreignant pas aux catholicisme et protestantisme). Et puis, toucher à la question religieuse, c'est précieux. C'est s'ouvrir au monde, à soi et aux autres. Cela participe à une hygiène intellectuelle plus que bienvenue, le savoir et la réflexion allant bien au-delà de la simple sphère religieuse. Fin de l'exemple.

À mon sens (et en étant réducteur), la laïcité québécoise équivaut à la neutralité de l'État alors que la laïcité française équivaut davantage à faire respecter, voir imposer, les valeurs (de la majorité) de la République française. Pour le Québec, j'ose espérer qu'il est possible d'arriver à concilier neutralité de l'État, respect de valeurs communes et de notre patrimoine, sans en arriver à une laïcité républicaine autoritaire. Nous valons mieux que cela.

J'en entends plusieurs dire que cette Charte ne répond à aucun besoin particulier et immédiat, que ce n'est pas utile, que ça n'intéresse pas les Québécois. Je vous renvoie alors aux multiples sondages sur la question des accommodements religieux. Si on ne relève pas autant de cas d'accommodements religieux qu'en France, ce n'est pas une raison pour ne pas statuer clairement la laïcité de l'État et de légiférer en ce sens. Si la situation n'est pas la même et les tensions moins importantes -- Montréal n'est pas les banlieues parisiennes --, le malaise face aux accommodements religieux est toujours bien tenace, et celui-ci n'ira pas en diminuant avec le temps. Si l'on souhaite que le Québec soit toujours l'une des sociétés où les nouveaux arrivants s'intègrent le mieux, il faut poursuivre à se montrer ouvert envers tout un chacun, offrir des opportunités de socialisation et d'intégration, mais également tracer une ligne claire quant à la neutralité de l'État.

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