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Quel changement veulent les Québécois?

Après quinze ans moins dix-huit mois à se faire regarder de haut et ignorer dans leurs revendications identitaires, il n'est que purement normal que les Québécois veuillent entendre parler d'eux, pour une fois.
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Au fur et à mesure que les élections d'octobre approchent, on ne cesse d'entendre que les électeurs québécois sont assoiffés de changement à l'Assemblée nationale, que le gouvernement libéral est usé jusqu'à la corde et que le gagnant de l'élection sera le parti qui incarnera ce fameux changement. Toutefois, on prend bien rarement le temps de définir ce terme apparemment chéri de l'électorat que tous se permettent de s'approprier: la CAQ, le PQ, QS et probablement les libéraux, dont l'équipe se renouvellera passablement en raison des multiples départs déjà annoncés, se présenteront aux Québécois en 2018 sous la bannière du changement.

À la longue d'être ainsi galvaudé, on pourrait croire que le mot en lui-même ne veut plus rien dire. Il est devenu un vulgaire slogan politique servant de cloche à vaches bon marché pour attirer le troupeau de votants éprouvés par les 15 dernières années principalement marquées par la gouvernance libérale de Jean Charest et de son successeur Philippe Couillard. Pourtant, les Québécois continuent d'y croire et les partis continuent de s'en réclamer. Mais de quel changement rêvent donc les Québécois à quelques mois à peine d'un scrutin qui s'annonce décisif dans l'histoire politique du Québec?

Mais de quel changement rêvent donc les Québécois à quelques mois à peine d'un scrutin qui s'annonce décisif dans l'histoire politique du Québec?

Si l'on se fie aux sondages, c'est la Coalition Avenir Québec qui semble le mieux incarner cette soif de renouveau. Avec 35% d'intentions de vote (41% chez les francophones) selon Léger le 12 mai 2018, le parti de François Legault fait clairement quelque chose correctement. Toutefois, ses adversaires se demandent bien ce que c'est, la CAQ faisant la promotion de politiques économiques se rapprochant dangereusement de la dynamique de coupures mise en place par Philippe Couillard et son équipe ces quatre dernières années. On se creuse d'autant plus la tête lorsqu'on voit apparaître à la CAQ des candidatures comme Marguerite Blais, qui était députée libérale jusqu'en 2015, Éric Girard, qui a avoué être en accord avec les décisions financières prises par le gouvernement libéral, ou encore Svetlana Solomykina, membre et contributrice du PLQ aussi récemment qu'en 2017.

Ainsi, l'hypothèse que les Québécois souhaitent un changement de gouvernance d'abord économique ne semble pas tenir la route, puisqu'ils mangent actuellement dans la main d'une formation politique proposant d'aller encore plus loin dans l'état d'esprit libéral au niveau des finances publiques sans même s'en cacher. Après tout, n'était-ce pas François Bonnardel qui disait au public, il y a quelques mois, de « choisir l'original et non la copie » en réaction aux baisses d'impôts libérales de fin d'année?

L'autre théorie répandue voudrait que les électeurs soient à bout des soi-disant « vieux partis » et qu'ils souhaitent voir de nouveaux visages investir la sphère publique. Même s'il est possible que cela fasse partiellement partie de la solution, comment expliquer qu'ils restent dupes devant l'arrivée d'anciens libéraux et d'anciens péquistes à la pelle chez les caquistes?

En fait, l'unique option qui tienne la route et qui n'ait pas été proprement énoncée jusqu'ici voudrait que les Québécois désirent un gouvernement qui soit réellement nationaliste, ce à quoi les libéraux de Philippe Couillard ne peuvent nullement aspirer, ce dernier ayant probablement été le premier ministre le plus anti-québécois des 50 dernières années. Avec un peu de recul, il est bien facile de s'apercevoir qu'elle est là, la réelle différence entre le PLQ et la CAQ : les troupes de François Legault tiennent un discours nationaliste décomplexé, insistant fortement sur l'intégration des nouveaux arrivants au Québec et le balisage des accommodements religieux, deux choses que le Parti libéral abhorre et n'a jamais su faire correctement. Cet angle d'attaque, demeuré relativement constant depuis le virage nationaliste de la CAQ, semble visiblement plaire au public québécois, qui a tout à fait raison d'en avoir marre de se faire snober par un premier ministre qui, du haut de sa tour d'ivoire, prend constamment position contre la nation québécoise en l'affublant de tous les pires qualificatifs imaginables.

En insinuant constamment que la Coalition Avenir Québec est en tous points identique au PLQ, on oublie donc de prendre en compte un axe pourtant fondamental de la scène politique québécoise: l'axe nationaliste-antinationaliste. C'est d'abord et avant tout sur celui-ci que se définissent les Québécois et qui conditionne en grande partie le vote. On pourrait également parler de l'axe indépendantiste-fédéraliste, mais celui-ci est devenu désuet d'ici au premier octobre étant donné qu'aucun parti sérieux ne prévoit poser de gestes forts pour l'édification du pays du Québec lors du prochain mandat. Il ne faudrait donc pas se surprendre de voir que bon nombre de souverainistes déçus basculent à la CAQ comme autant d'électeurs libéraux non-multiculturalistes, puisque celle-ci parvient actuellement à dominer le discours nationaliste québécois par ses mesures annoncées sur l'accueil des immigrants, sur la laïcité et sur la gestion des migrants aux frontières.

Dans cet ordre d'idées, ce n'est donc pas en proposant de sabrer les écoles privées ou en mettant de l'avant une assurance dentaire universelle pour se distancier des politiques économiques libérales que la CAQ sera délogée du haut des intentions de vote, mais bien en sachant mieux incarner le discours nationaliste québécois. Après quinze ans moins dix-huit mois à se faire regarder de haut et ignorer dans leurs revendications identitaires, il n'est que purement normal que les Québécois veuillent entendre parler d'eux, pour une fois.

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