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Gib Fest, Comédie Fest et autres barbarismes

Quelle mouche a piqué les humoristes montréalais et les organisateurs du Festival de la gibelotte cette année?
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Writing Parlez-vous Francais?
kaan tanman
Writing Parlez-vous Francais?

Il y a quelques mois, Martin Petit et son équipe d'humoristes annonçaient que leur alternative au Festival Juste pour rire de Gilbert Rozon se nommerait « Grand Montréal Comédie Fest ». En lisant une pareille appellation, on est en droit de sourciller, celle-ci relevant de la plus pure anglicisation. Premièrement, sa structure est anglaise : traditionnellement, on met les lieux des festivals à la fin en français. Deuxièmement, elle utilise le mot « comédie », un calque de comedy, désignant l'humour en anglais. Troisièmement, on utilise directement le mot « Fest », l'abréviation donnée aux festivals dans la langue de Shakespeare. C'est loin d'être gagnant comme nom, mais on pouvait se dire que c'était un cas isolé, que c'était la planète Montréal qui faisait des siennes et qui partait dans une dérive anglicisante, comme il lui arrive trop fréquemment. Eh bien non.

Voilà que cette semaine, le fort réputé Festival de la gibelotte de Sorel-Tracy s'y est mis en se rebaptisant « Gib Fest ». Encore une fois, c'est le même problème : le mot « festival » prend le bord au profit du « Fest ». Grande nouveauté, on se permet ici de sabrer dans la gibelotte pour accoucher de « Gib », une abréviation qui n'a pas la moindre signification. Diantre, pourquoi ainsi débaptiser nos festivals pour les angliciser du même coup? Quelle mouche a piqué les humoristes montréalais et les organisateurs du Festival de la gibelotte cette année?

Cette façon de faire est tristement révélatrice de l'état d'esprit gagnant de plus en plus de terrain chez nous comme quoi le plus grand dénominateur de la « modernité » serait la conversion à la langue anglaise.

Pour les Sorelois, c'était là l'occasion d'adopter une marque « dans l'air du temps », « plus proche des jeunes ». Nul doute que Martin Petit et son équipe ont fait le même calcul à l'heure de nommer leur bébé. Pourtant, cela ne rend pas le raisonnement plus valable : selon leur logique, la meilleure manière de parler aux jeunes Québécois passerait par la normalisation anglicisante, un triste état de fait si cela était avéré. Ainsi, pour être « cool » et « moderne », il faudrait impérativement se défaire de ses origines, se défaire de ce français que l'on perçoit désormais comme une barrière vieillotte quand il est question de parler aux jeunes et non comme le plus bel atout des Québécois. Cette façon de faire est tristement révélatrice de l'état d'esprit gagnant de plus en plus de terrain chez nous comme quoi le plus grand dénominateur de la « modernité » serait la conversion à la langue anglaise.

Cet épisode d'anglicisation festivalière est révélateur de quelque chose de plus grand, d'un courant de fond apparemment « moderniste » qui considère que les jeunes et les gens « cool » vivent d'anglais et d'eau fraîche et qu'il s'agit là du meilleur moyen de les appâter. Si cela était vrai, la situation serait bien affligeante, pourtant ce n'est pas le cas. Les jeunes amateurs du Festival d'été de Québec ne se plaignent pas constamment de son nom comme s'il s'agissait d'une béquille à sa popularité, loin de là. Ils vont tout simplement profiter du festival pour ce qu'on y offre, même si son nom est résolument français.

Toutefois, à force de rebaptiser des « Fest » à gauche et à droite en pensant ainsi faire le choix du « progrès », un bien malheureux standard pourrait s'installer en terre québécoise. Si on en vient un jour à définir notre « modernité » et notre « capacité d'attraction » dans bon nombre de domaines par leur anglicisation, alors ce sera une bataille perdue de plus pour le Québec français. Ces temps-ci, sa moyenne au bâton est plutôt exécrable, c'est le moins qu'on puisse dire...

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