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Quand je suis parti, j’étais cet ado gay qu’on harcelait. Quand je suis revenu, j’étais champion olympique

D'anciens camarades de classe sont même venus me voir pour s'excuser de leurs brimades. Ça m'a vraiment fait du bien.
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Quand j'ai quitté Red Lake, au début de mon adolescence, je n'aurais jamais imaginé que ce genre de choses pourrait un jour s'y produire. Ce soutien que j'ai reçu, la reconnaissance et l'acceptation de mon homosexualité par ma ville natale sont autant d'évolutions qui me rendent heureux.
Eric Gaillard / Reuters
Quand j'ai quitté Red Lake, au début de mon adolescence, je n'aurais jamais imaginé que ce genre de choses pourrait un jour s'y produire. Ce soutien que j'ai reçu, la reconnaissance et l'acceptation de mon homosexualité par ma ville natale sont autant d'évolutions qui me rendent heureux.

J'ai passé mon enfance à Red Lake, un village minier du nord-ouest de l'Ontario, perdu au milieu de nulle part: la ville la plus proche, Winnipeg, dans le Manitoba, est à plus de cinq heures et demie de route. Grandir dans cette région a eu bien des avantages.

J'étais libre de pratiquer tous les sports qui me plaisaient, ce qui m'a permis de passer de longues heures sur le lac, en bateau ou au volant d'une motoneige. Cette période de ma vie était vraiment incroyable. Enfin, presque.

C'est à huit ans, alors que je regardais l'épreuve de patinage aux Jeux olympiques, que ma vie a changé. Ce moment décisif allait donner lieu aux moments les plus heureux de ma vie, mais aussi aux défis les plus ardus.

Eric Radford

Dans ma ville, les garçons jouaient au hockey et les filles faisaient du patinage artistique. Seul garçon à faire du patinage, je n'avais pas beaucoup d'amis. Les enfants savent se montrer cruels: ils se moquaient de moi et me harcelaient. Je ne comprenais pas pourquoi mon amour de ce sport suscitait une telle haine.

«Je pensais être le seul au monde»

Tout au long de ma carrière, j'ai connu des hauts et des bas. Les brimades et blessures physiques m'ont souvent amené à me demander pourquoi je tenais tant à atteindre mes objectifs. Mon esprit de compétition et mon courage y étaient probablement pour beaucoup. Mais je crois aussi que j'étais simplement convaincu que je pourrais, un jour, devenir le meilleur.

À 13 ans, on m'a proposé de faire de la compétition, une occasion fantastique. Pendant quatre ans, je suis passé de ville en ville, fréquentant à chaque rentrée un nouvel établissement scolaire. Tout n'était pas toujours facile, mais c'était assez enthousiasmant! En arrivant dans un nouvel établissement, je pouvais me réinventer. Personne ne me connaissait. Il ne tenait qu'à moi de m'intégrer sans faire de vague. En parallèle, je grimpais les échelons et progressais en patinage. J'en suis aussi arrivé à accepter mon homosexualité.

Issu d'un petit village loin de tout, je pensais être le seul homosexuel au monde. Je ne voyais rien ni personne à qui m'identifier, jusqu'à mes 15 ans.

Issu d'un petit village loin de tout, je pensais être le seul homosexuel au monde. Je ne voyais rien ni personne à qui m'identifier, jusqu'à mes 15 ans, quand j'ai fait la connaissance de mon coach, Paul Wirtz. C'était le premier homosexuel que je rencontrais. J'ai alors compris que je n'avais pas à avoir honte.

La vie devient plus simple

Je continuais bien sûr à revenir de temps en temps dans ma ville natale, mais j'entretenais une certaine rancune de ce que j'y avais ressenti. Je me baladais peu, de peur de croiser ceux qui m'avaient harcelé. Je ne savais pas encore quels changements merveilleux l'avenir me réservait.

C'est à cette époque que ma carrière a vraiment décollé, et que mes sentiments envers Red Lake ont commencé à changer, tout comme sa façon de me percevoir.

C'est à cette époque que ma carrière a vraiment décollé, et que mes sentiments envers Red Lake ont commencé à changer, tout comme sa façon de me percevoir. Il me semble que l'attitude des petites villes envers la communauté LGBTQ va finir par évoluer.

Notre visibilité accrue et un peu de pédagogie devraient faire disparaître progressivement la peur et l'intolérance. C'est ce que j'ai observé dans ma ville: peu à peu, j'ai commencé à sentir qu'elle me soutenait. D'anciens camarades de classe sont même venus me voir pour s'excuser de leurs brimades. Ça m'a vraiment fait du bien.

Ce soutien, je l'ai vraiment ressenti un peu plus tard, quand j'ai participé à mes premiers Jeux olympiques à Sochi, en Russie. Les entreprises de Red Lake avaient installé des pancartes à leurs fenêtres. À l'école, les élèves m'ont regardé patiner avec Meagan Duhamel.

SOCHI, RUSSIA - FEBRUARY 11: Meagan Duhamel and Eric Radford of Canada compete during the Figure Skating Pairs Short Program on day four of the Sochi 2014 Winter Olympics at Iceberg Skating Palace on February 11, 2014 in Sochi, Russia. (Photo by Paul Gilham/Getty Images)
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SOCHI, RUSSIA - FEBRUARY 11: Meagan Duhamel and Eric Radford of Canada compete during the Figure Skating Pairs Short Program on day four of the Sochi 2014 Winter Olympics at Iceberg Skating Palace on February 11, 2014 in Sochi, Russia. (Photo by Paul Gilham/Getty Images)

Je n'oublierai jamais mon retour à Red Lake. J'ai parlé dans les écoles, écouté les habitants me raconter où ils se trouvaient pendant que je patinais et comment ils ont réagi en me voyant à la télévision. Ça m'a vraiment fait chaud au cœur.

La fierté de la ville

Les quatre années suivantes ont été le théâtre d'événements marquants, pour moi. Avec Meagan, nous avons enchaîné les victoires. J'ai fait mon coming-out. Nous avons remporté les championnats du monde plusieurs années de suite, et vécu d'autres grands moments.

Lors des Jeux de Pyeongchang, en février, mes parents me répétaient sans cesse que toute la ville nous souhaitait bonne chance et priait pour notre victoire. Nous n'aurions pas pu espérer de meilleurs résultats pour ce qui était probablement notre dernière compétition: une médaille d'or pour l'épreuve par équipe, et une médaille de bronze pour celle en couple.

Eric Radford

Mais une autre surprise m'attendait. Quelques mois plus tard, la ville a rebaptisé la rue dans laquelle j'ai grandi «Eric Radford Way», et m'a accueilli lors de sa deuxième marche des fiertés.

Quand j'ai quitté Red Lake, au début de mon adolescence, je n'aurais jamais imaginé que ce genre de choses pourrait un jour s'y produire. Ce soutien que j'ai reçu, la reconnaissance et l'acceptation de mon homosexualité par ma ville natale sont autant d'évolutions qui me rendent heureux.

Toute ma vie, je resterai ce garçon issu d'une bourgade canadienne. Red Lake sera toujours ma ville.

Ce blogue, publié à l'origine sur le HuffPost canadien, a été traduit par Maëlle Gouret pour Fast for Word.

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