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Vivre au sein d’une culture de débat

Voulons-nous réellement cette plus grande implication du peuple dans les débats de questions sociales ou politiques?
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Au Québec, comme en Occident, il est permis de s'exprimer, mais jusqu'où? Dès qu'un citoyen se place en marge du consensus social, il est exclu du débat. Trop de sujets sont devenus tabous. Peu de gens osent remettre en question des décisions sociales. Pourtant, je me souviens qu'au tournant des années 2000, Claude Ryan disait dans une conférence donnée dans les locaux de l'Université McGill que même si une loi a passé, cela ne veut pas dire que le débat est socialement clos. Dans une société démocratique et ouverte, il est sain de revisiter les enjeux qui semblent classés au feuilleton. Plus la population prendra part aux débats, plus nos politiciens devront s'ajuster à elle. Démocratie oblige. Or, la question à se poser à cet égard demeure pertinente. Voulons-nous réellement cette plus grande implication du peuple dans les débats de questions sociales ou politiques?

Prenons comme exemple la question de l'avortement tardif. Même si ce sujet est débattu par certains journalistes d'opinions, il relève néanmoins de l'audace. Par exemple, Patrick Lagacé a dû faire une longue introduction à son exposé pour manifester son malaise à l'égard des avortements tardifs. Même si un bon nombre de Québécois s'opposent à ce type d'avortement, aucun média traditionnel n'ose ouvrir ce débat à la population. Le sujet est définitivement tabou, tellement que Lise Ravary et Richard Martineau ont dû, eux aussi, mettre des gants blancs pour soulever le fait que la question des avortements tardifs était préoccupante.

Quoique la majorité des personnalités publiques s'associent à l'option « pro-choix », certaines d'entre elles ne sont pas à l'aise avec le fait que le cadre législatif ne dispose d'aucune balise pour interdire les avortements tardifs. Même si le sujet est soulevé par différents journalistes ou diverses tribunes, si les politiciens ont décidé de fermer la porte au débat, alors, la discussion est close. Ce n'est pas étonnant que le magazine Châtelaine qualifie ce débat de tabou. Il n'en serait pas ainsi dans une culture de débats.

Malgré que certains journalistes parlent de l'avortement tardif, le sujet est politiquement clos. Au Canada, aucun chef de parti ne veut proposer un cadre législatif entourant ce sujet fort délicat. Justin Trudeau ne veut pas de militants « pro-vie » au sein de son caucus. Andrew Scheer du Parti conservateur du Canada se dit « pro-vie », mais il considère comme réglé le débat sur l'avortement. De son côté, Jagmeet Singh se dit très clairement pour le droit à l'avortement. Aucune de ses déclarations sur le sujet ne laisse entendre qu'il est en faveur d'une législation sur les avortements tardifs.

La valorisation des débats

Débattre est une option saine dans une société. Le débat est une excellente façon d'informer, de convaincre et surtout de faire réfléchir les citoyens. Pourtant, il est rare de voir des émissions télévisées où l'on débat des enjeux sociaux sous tous leurs angles. On se limite à la ligne éditoriale ou à la rectitude politique. Certes, on explique les points de vue, mais les confronte-t-on vraiment? Cet examen des questions qui concernent tous les Québécois se trouve bien réduit dans un champ de vision à courte vue. Cette limitation de nos analyses sociopolitiques s'explique par le fait qu'au Québec, la plupart des partis ont sensiblement la même vision de la société. On refuse de revisiter des sujets qui ont déjà été classés par la génération précédente. Évidemment, les médias traditionnels devraient mettre en valeur les débats d'idées. Ainsi, ils récupéreraient une partie de leurs clients qui se sont tournés vers les plateformes alternatives et les réseaux sociaux.

Le débat est une excellente façon d'informer, de convaincre et surtout de faire réfléchir les citoyens.

Un des exemples qui montrent que nous ne vivons pas réellement dans une culture de débats est le fait que la population n'est jamais consultée par la voie des urnes pour trancher un enjeu social. Or, les référendums sur les enjeux sociaux permettent à la population de se prononcer et de faire valoir ses idées sans passer par la censure médiatique. Instaurer ce type de consultation enrichirait à coup sûr le caractère démocratique de notre nation.

L'intégration des débats à l'école

L'école québécoise aurait tout à gagner à mettre en valeur une culture de débats dès le troisième cycle du primaire. Certes, les débats d'idées existent à l'école, mais ils pourraient prendre davantage de place dans les cours de français, d'univers social ainsi que dans les cours d'éthique et culture religieuse. Par ailleurs, il pourrait y avoir des concours de débats entre écoles d'une même région. Les écoles qui remporteraient le championnat régional s'affronteraient à leurs tours pour obtenir le prix national. C'est alors qu'une véritable culture de débats serait mise en valeur au sein de la nation québécoise.

Les débats sont sains. Ils aiguisent l'art de se forger des opinions, ils suscitent la curiosité et la créativité, ils stimulent la recherche et ils développent l'habileté à communiquer et à convaincre, et probablement bien d'autres compétences transversales. Imaginez une nouvelle génération de jeunes avisés, informés et prêts à chercher les conditions du mieux-vivre au Québec!

Plus les Québécois apprendront jeunes à débattre, plus ils seront équipés à prendre leur place dans une société qui tend de plus en plus vers la pensée unique. Ainsi, ils apprendraient à accepter que leurs idées soient non seulement débattues, mais aussi confrontées.

Décloisonner des enjeux tabous permet à tout un chacun de contribuer au bien commun. Par conséquent, l'ensemble de la population serait davantage en mesure de faire des choix éclairés. Au contraire, plus une société tend vers le mode de pensée unique, plus elle plafonne et s'endort dans l'obscurantisme.

Plus notre société distincte s'ouvrira à la culture de débats, plus elle innovera et s'enrichira.

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