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Humour sarcastique: entre le droit et l'éthique

L'humour sarcastique transmet un message et est donc protégé par la liberté d'expression garantie par nos Chartes. Ainsi le caractère dénigrant, répugnant, blessant et offensant de l'humour sarcastique ne saurait justifier une atteinte à la liberté d'expression.
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«Faire du mal joyeusement, aucune foule ne résiste à cette contagion. Toutes les exécutions ne sont pas sur des échafauds, et des hommes, dès qu'ils sont réunis, qu'ils soient multitude ou assemblée, ont toujours au milieu d'eux un bourreau tout prêt, qui est le sarcasme. » - Victor Hugo

Définition du sarcasme

Le dictionnaire étymologique définit le sarcasme ainsi : « From sarkazo, to draw aside the flesh ». Par ailleurs, le « Oxford Dictionary » le définit ainsi : « The use of irony to mock or convey contempt ». Le Centre national de ressources textuelles et lexicales parle de « trait mordant d'ironie, de raillerie cruelle ». En d'autres termes, le sarcasme est une forme d'humour agressif employé pour véhiculer ou exprimer du mépris contre une personne désignée (une victime).

Notre culture est pénétrée de sarcasme. Certains parlent de « Golden Age of Sarcasm ». Selon Katherine Rankin, les personnes qui ne comprennent pas le sarcasme seraient donc socialement mésadaptées.

Le droit et le sarcasme

L'humour sarcastique transmet un message et est donc protégé par la liberté d'expression garantie par nos Chartes. Dans l'arrêt Saskatchewan (Human Rights Commission) c. Whatcott (2013), le juge Rothstein affirmait, au nom de tous les juges de la Cour suprême du Canada, que le caractère dénigrant, répugnant, blessant et offensant de l'humour sarcastique (qui peut porter atteinte à la dignité humaine et également inspirer des sentiments de supériorité) ne saurait justifier une atteinte à la liberté d'expression. Dit autrement, le législateur ne pourrait légalement interdire l'humour sarcastique, car cette atteinte à la liberté d'expression ne saurait se justifier dans une société libre et démocratique. Le juge Rothstein affirme:

« Les formes d'expression qui critiquent et qui cultivent l'humour au détriment d'autres personnes peuvent être dénigrantes au point de devenir répugnantes. Les représentations qui rabaissent un groupe minoritaire ou qui portent atteinte à sa dignité par des blagues, des railleries ou des injures peuvent être blessantes. Toutefois, pour les raisons que j'ai exposées, les idées offensantes ne suffisent pas pour justifier une atteinte à la liberté d'expression. Ces formes d'expression peuvent inspirer des sentiments de dédain et de supériorité, mais elles n'exposent pas le groupe ciblé à la haine ».

L'éthique et le sarcasme

Selon Dane Scott, professeur au centre d'éthique de l'Université de Montana, le sarcasme n'est pas une forme d'humour, mais est destructif, moquant et blessant. Il parle de «laughter of conflict».

Pour reprendre les propos susmentionnés de la Cour suprême du Canada, le sarcasme comporte un caractère dénigrant, répugnant, blessant et offensant qui peut parfois inspirer des sentiments de supériorité. Nietzsche affirmait également :

«L'habitude de l'ironie comme celle du sarcasme corrompt d'ailleurs le moral, elle lui prête peu à peu le caractère d'une supériorité qui se plaît à nuire : on finit par ressembler à un chien hargneux, qui aurait, outre l'art de mordre, appris encore l'art de rire ».

En éthique, nous sommes responsables des conséquences prévisibles de nos actes (et non seulement des conséquences voulues et désirées). En conséquence, les bonnes intentions qui sous-tendent et motivent les propos sarcastiques ne suffisent pas à les justifier. Des propos blessants ou humiliants qui portent atteinte à la dignité humaine ne peuvent donc être justifiés éthiquement par une intention bienveillante. Pour reprendre les propos de la Cour suprême du Canada, « le "chemin" du crime, tout comme celui de l'enfer, peut être pavé de bonnes intentions ».

En conséquence, l'emploi de sarcasmes est, comme le soutient le Refuge pour les femmes de l'ouest de l'île, un manque de respect. C'est pourquoi certaines personnes estiment que « la ligne est parfois mince entre l'intimidation, l'humour noir et le sarcasme ». En effet, selon Mme Penny Pexman, qui étudie le sarcasme depuis 6 ans et qui est professeure au département de psychologie à l'Université de Calgary, « le sarcasme est l'un des éléments clés de l'intimidation ». Voir par exemple, la Politique et plan d'action pour contrer l'intimidation 2012-2013 de l'école Saint-François-d'Assise. De même, selon la Sécurité publique du Québec, les sarcasmes et les insultes peuvent faire place à la violence notamment la violence verbale.

Il n'est donc pas étonnant que le philosophe libéral John Stuart Mill fût favorable à l'idée d'interdire l'arme du sarcasme dans les discussions pourvu qu'elle soit interdite pour tous (« to interdict them equally to both sides »), c'est-à-dire autant pour ceux qui défendent des idées à contre-courant et minoritaires (qui s'opposent au pouvoir en place) que pour ceux qui défendent les idées reçues, dominantes et majoritaires (qui défendent le pouvoir en place). Il était également d'avis que l'arme du sarcasme devait autant que possible ne pas être employée contre les personnes faibles et vulnérables.

Plusieurs professionnels condamnent également le sarcasme. Selon le psychologue Clifford N. Lazarus, le sarcasme est de l'hostilité déguisée en humour et une forme subtile d'intimidation.. Pour sa part, la sexologue Mériza Joly est d'avis qu'il y a toujours un brin de méchanceté dans le sarcasme. Selon elle, rares sont les relations qui perdurent dans cette attitude, car le sarcasme est un « vrai tue-amour ».

Conclusion

En somme, le sarcasme est une forme d'humour agressif employé pour véhiculer ou exprimer du mépris contre une personne désignée (une victime). Notre culture est à ce point pénétrée de sarcasme que les personnes qui ne comprennent pas le sarcasme seraient socialement mésadaptées.

L'humour sarcastique transmet un message et est donc protégé par la liberté d'expression garantie par nos Chartes. Ainsi le caractère dénigrant, répugnant, blessant et offensant de l'humour sarcastique ne saurait justifier une atteinte à la liberté d'expression (comme le reconnaît la Cour suprême du Canada).

Bien que cet humour soit protégé par la liberté d'expression, il peut constituer un manque de respect et porter atteinte à la dignité humaine (comme le reconnaissent la Cour suprême du Canada et le Refuge pour les femmes de l'ouest de l'île). Il peut également inspirer des sentiments de supériorité comme le reconnaissent le philosophe Nietzsche et la Cour suprême du Canada. Selon Mme Penny Pexman, qui étudie le sarcasme depuis 6 ans et qui est professeure au département de psychologie à l'Université de Calgary, « le sarcasme est l'un des éléments clés de l'intimidation ».

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