La Charte de la laïcité occupe depuis des mois une large place dans le débat public. Avec l'échec du gouvernement péquiste à se faire réélire le 7 avril dernier, la Charte proposée par M. Drainville est tombée aux oubliettes.
Les libéraux avaient promis de reprendre le dossier d'une Charte de la laïcité, mais de respecter scrupuleusement la Charte des droits et libertés. L'objectif est certes louable, mais à quoi servirait une Charte de la laïcité sans innovation juridique ou qui ne fait que reprendre les éléments juridiques existants?
La réglementation des accommodements raisonnables
Le gouvernement libéral dit vouloir encadrer les accommodements raisonnables sans restreindre les droits et libertés, et ce, notamment au niveau de l'emploi.
Il existe quatre règles fondamentales aux accommodements raisonnables.
- Règle 1 : la responsabilité d'accommodement incombe d'abord au décideur
- Règle 2 : le décideur a une obligation de moyen et non de résultat
- Règle 3 : toute demande d'accommodement est individuelle et traitée cas par cas
- Règle 4 : la recherche d'un accommodement doit être animée par l'idée de réciprocité
Si ces quatre règles sont scrupuleusement respectées, elles limitent fortement en soi toutes demandes communautaires ou communautaristes. Seulement, il existe au Québec une permissivité de nos pouvoirs publics. Dès lorsqu'une demande individuelle ou collective se fait insistante, on négocie en faveur du demandeur.
À de multiples reprises pendant la campagne électorale, M. Couillard a réitéré que la Charte de la laïcité qu'il défendrait traiterait individuellement et au cas par cas les demandes (règle 3). Son projet est animé par l'idée de réciprocité (règle 4) et semble porter sur la responsabilité du décideur (règle 1). Dès que l'on compare les quatre règles fondamentales des accommodements raisonnables et les lignes directrices d'une Charte de la laïcité libérale, on s'aperçoit qu'elles sont sensiblement les mêmes. On peut donc se poser légitimement la question : le gouvernement libéral va-t-il légiférer des règles déjà existantes? Inutile!
Le "visage découvert"
Le gouvernement libéral avait aussi laissé entendre pendant la campagne électorale qu'il légifèrerait sur le « visage découvert ». Là encore, nous avons un gouvernement qui légifèrera sur ce qui existe déjà. Le mémoire du Barreau du Québec l'expose!
En effet, au Québec il est reconnu par la jurisprudence qu'un fonctionnaire doit offrir les services publics à visage découvert. Exit!, les femmes intégralement voilées, elles sont et demeureront discriminées à l'emploi contrairement à ce que le gouvernement libéral désire.
Quant aux services publics reçus, il faut pouvoir s'identifier dans la plupart des cas. Toutefois, une femme intégralement voilée pourrait demander un accommodement raisonnable, soit être identifiée par une femme. Mieux! La Cour suprême a établi qu'une femme pouvait dans certains cas témoigner intégralement voilée .
Laïcité au rabais!
En somme, je ne vois pas très bien ce que le gouvernement libéral souhaite légiférer puisque les accommodements raisonnables et le « visage découvert » sont déjà encadrés par des règles, la Charte des droits de la personne et la jurisprudence au Québec.
Si le gouvernement péquiste avait été accusé par les détracteurs de la Charte de faire une tornade dans un verre d'eau, le gouvernement libéral, lui, nous offre un merveilleux feu de paille.
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